(Laval) Adèle Sorella a reçu une peine de prison à vie sans possibilité de libération conditionnelle avant 10 ans pour le meurtre de ses deux fillettes, par un jugement où sont longuement décrits les problèmes de santé mentale dont elle souffrait.

Aujourd’hui, elle doit vivre avec un verdict qui dit qu’elle a tué ce qu’elle avait de plus précieux, ses deux filles, a déclaré la juge Sophie Bourque de la Cour supérieure, en prononçant la peine mercredi matin au palais de justice de Laval.

Quant au verdict de meurtre au second degré, c’est un jury de 12 personnes qui l’a rendu en mars dernier, rejetant du même souffle la défense de non-responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux présentée par la défense.

Comme ce verdict entraîne automatiquement une peine de prison à vie, sans possibilité de libération avant 10 ans, il ne restait à la juge qu’à déterminer la période de temps minimale que la mère de Laval allait devoir passer derrière les barreaux.

Elle y est allée avec le minimum prescrit par la loi, faisant ressortir que l’un des éléments pertinents à considérer lors de la détermination de la peine — il y en a plusieurs — est la maladie mentale dont souffre la personne condamnée, a-t-elle souligné, «et cela, même si la défense de non-responsabilité criminelle a été rejetée».

La femme de 53 ans a écouté avec attention la lecture du jugement mercredi matin, assise dans le box des accusés, derrière une haute vitre.

Cette affaire n’a pas commencé le 31 mars 2009, le jour où les fillettes ont été retrouvées mortes, mais bien 10 ans plus tôt, a déclaré la juge, avant de souligner la tumeur au cerveau, les opérations, les nombreuses séquelles dont des limitations physiques, son mari en cavale et recherché par la GRC, un diagnostic de cellules pré-cancéreuses aux ovaires, une dépression sévère et les trois tentatives de suicide de la femme.

«La preuve psychiatrique au procès est abondante et non contredite.»

L’un des experts en psychiatrie a témoigné qu’elle traversait une dépression sévère et qu’elle avait vraisemblablement vécu un épisode de dissociation le jour où les fillettes ont été retrouvées mortes. Mme Sorella, qui a témoigné pour sa défense, a répété au jury qu’elle n’avait presque pas de souvenirs de la journée du 31 mars 2009.

La juge Bourque estime que 10 ans est déjà une très longue période d’incarcération et ne croit pas qu’augmenter la durée de la privation de liberté aurait un plus grand effet de dissuasion.

Une lettre à ses filles

Mme Sorella a été invitée à s’adresser au tribunal au terme du procès. Elle a plutôt choisi d’écrire une lettre adressée à ses filles, déposée depuis à la Cour et dont des extraits font partie du jugement.

Dans celle-ci, elle demande pardon à Amanda, âgée de neuf ans, et Sabrina, âgée de huit ans, pour les événements «tragiques et horribles» du 31 mars 2009.

«Je continue à souffrir de votre perte tous les jours. Votre absence laisse un vide sombre et désespérant dans mon être», écrit-elle en anglais dans une missive datée du 7 juin.

«Je ne sais pas ce qui s’est passé ce jour-là, et je regrette terriblement toute implication que j’aurais pu avoir dans ce terrible et horrible événement. Je regrette aussi profondément de ne pas avoir pu vous protéger toutes les deux, Amanda et Sabrina.»

Il est à noter que puisque Mme Sorella a déjà passé du temps en prison dans cette affaire, la durée de la peine imposée mercredi sera réduite d’autant.

Et puis, vu l’appel logé contre le verdict de culpabilité, cette affaire n’est vraisemblablement pas terminée. Un appel de la peine est aussi possible.

Après la lecture du jugement sur la peine, l’un des avocats de la Couronne, Nektarios Tzortzinas, a indiqué aux journalistes qu’il allait prendre les prochains jours pour l’évaluer et décider s’il allait en appeler de celui-ci. La Couronne avait demandé un minimum de 14 ans de pénitencier.

L’équipe de défense de Mme Sorella, composée notamment des frères Guy et Pierre Poupart, n’a pas voulu commenter la décision.

Le 31 mars 2009, les fillettes ont été trouvées sans vie, allongées côte à côte par terre dans la salle de jeu de la résidence familiale, à Laval. Leurs corps ne portaient aucune trace de violence et la cause de leur décès n’a pas été déterminée à ce jour, ce qui conférait à cette affaire un certain mystère.

Ce procès était le second qu’a subi Adèle Sorella. Au terme du premier, en 2013, elle avait été reconnue coupable du meurtre prémédité de ses enfants.

La Cour d’appel avait ensuite annulé ce verdict en 2017 en raison de directives erronées données par la juge au jury, et un second procès avait été ordonné.