L'audience de Constructions Louisbourg ltée, firme de Tony Accurso coupable de fraude fiscale, a commencé hier dans le plus grand secret à la Régie du bâtiment du Québec.

En avril, la Régie avait annoncé que l'audience serait publique. Au bout du compte, elle s'est ravisée, du moins pour la première journée. Le huis clos est l'exception dans les tribunaux judiciaires et administratifs, mais la Régie n'a pas l'habitude de procéder en public.

«La première journée d'audience est consacrée à la conférence préparatoire, a dit Marjolaine Veillette, porte-parole de l'organisme. Il s'agit d'établir le calendrier et de déposer les preuves. Le public pourra assister à l'audience plus tard.»

Constructions Louisbourg ltée a été convoquée à une audience afin de permettre à la Régie du bâtiment de décider si elle doit maintenir, annuler ou suspendre sa licence d'entrepreneur en construction. La Régie a refusé de divulguer les motifs annexés à l'avis de convocation.

En décembre dernier, Constructions Louisbourg ltée et une autre entreprise de M. Accurso, Simard-Beaudry construction, ont plaidé coupable à l'accusation d'avoir fraudé Revenu Canada de 4,13 millions de dollars.

La Loi prévoyant certaines mesures afin de lutter contre la criminalité dans l'industrie de la construction, adoptée à l'Assemblée nationale en 2009, a donné plus de pouvoirs à la Régie du bâtiment pour révoquer ou suspendre les permis d'entreprises qui ont commis une fraude fiscale ou dont les propriétaires ont commis un crime. Toutefois, dans le cas d'une fraude fiscale, la Régie doit faire la preuve qu'elle était liée à des activités dans la construction.

M. Accurso ne s'est pas présenté à l'audience, qui avait lieu dans les bureaux montréalais de la Régie, dans l'édifice du Fonds de solidarité FTQ... un immeuble qui a été construit par une autre de ses entreprises, Construction Marton.

Son avocat, Me Louis Demers, s'est rapidement dirigé vers les ascenseurs. Il a refusé de répondre aux questions des journalistes, qui faisaient le pied de grue dans le hall.

La Régie du bâtiment poursuit son enquête sur Simard-Beaudry construction: aucune date d'audience n'a été fixée pour cette entreprise. Quoi qu'il en soit, la révocation éventuelle des licences de Constructions Louisbourg ltée et de Simard-Beaudry construction n'auront aucun impact sur les autres entreprises détenues en tout ou en partie par M. Accurso.

La majorité des entreprises de construction de M. Accurso ont un autre numéro de licence. Plusieurs d'entre elles sont des divisions de Louisbourg SBC, société en commandite. Le mois dernier, l'une d'entre elles a ainsi raflé un important contrat de l'Agence métropolitaine de transport (AMT), d'une valeur de 14,5 millions de dollars, pour construire une portion du train de l'Est, entre Mascouche et Montréal.

Toujours en mai, la Ville de Montréal a confié quatre contrats à Louisbourg SBC. Cette entreprise a aussi obtenu deux contrats d'Hydro-Québec, d'une valeur de 136 millions de dollars, pour des travaux à la centrale hydroélectrique de La Romaine. Louisbourg SBC et ses nombreuses divisions pourront continuer de fonctionner et d'obtenir des contrats publics, peu importe les résultats des audiences de la Régie du bâtiment sur Constructions Louisbourg ltée et Simard-Beaudry construction.

Cette situation a provoqué une vive réaction à l'Assemblée nationale, lorsque La Presse a révélé l'adjudication du contrat du train de l'Est. «La loi est pleine de trous, s'est alors exclamé le député péquiste Nicolas Girard. Elle permet aux entreprises de Tony Accurso de continuer à obtenir des contrats même s'il a fraudé le fisc. Ce qui règne au Québec, c'est l'impunité.»