Ni le célibat, ni l'homosexualité, ni la pédophilie n'expliquent la vague d'agressions sexuelles commises par des religieux aux États-Unis. La crête de la vague, dans les années 60 et 70, est due à la dissolution des moeurs de la société dans son ensemble.

C'est la conclusion d'un rapport très attendu, dévoilé hier par la Conférence des évêques catholiques des États-Unis (USCCB, selon le sigle anglais). Le document - dans lequel sont analysés les dossiers de près de 6000 prêtres accusés entre 1950 et 2000 - indique que seulement 5% des prêtres reconnus coupables et 22% des victimes sont associés à de la pédophilie.

Mais ces chiffres donnent déjà lieu à une controverse, car ils reposent sur l'hypothèse que les victimes des pédophiles ont moins de 10 ans: au-delà de cet âge, on considère qu'il s'agit de relations sexuelles illicites avec un mineur. Or, l'âge du consentement sexuel est de 14 ans aux États-Unis et au Canada.*

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Selon un calcul du New York Times, si le rapport avait utilisé un âge de 13 ans, comme le demande l'Association psychiatrique américaine, la proportion des cas de pédophilie aurait plus que doublé. La Ligue catholique, une ONG de droite, a fait valoir que l'Académie américaine de pédiatrie établit une limite d'âge de 10 ans pour les enfants «prépubères», la catégorie d'âge retenue pour le rapport sur la pédophilie.

«Je ne sais pas s'il faut utiliser une limite de 10 ans ou de 13 ans, mais il est évident qu'une agression sur des garçons de 16 ans et de 6 ans, c'est différent», estime Raymond Gravel, un prêtre du diocèse de Joliette. «Mais, dire qu'il n'y a pas de lien entre le célibat et les sévices sexuels, ça me semble faux. Je connais quatre frères (des religieux) qui ont agressé des enfants de 12-13 ans, et qui par la suite ont défroqué, se sont mariés avec des femmes, et n'ont jamais commis d'autres abus.»

Thomas Reese, un jésuite américain qui a été démis de ses fonctions d'éditeur de la revue jésuite America peu après l'élection de Benoît XVI parce qu'il avait traité trop favorablement du mariage des prêtres, indique pour sa part que le rapport «déboulonne des mythes». «Je ne peux pas parler de la limite de 10 ou de 13 ans, ça relève des experts. Mais il n'y a aucun doute que le nombre de cas a augmenté puis diminué sans qu'il y ait un changement dans le nombre de prêtres aux États-Unis. Le célibat a toujours été obligatoire, alors il ne peut pas y avoir de lien avec le risque de sévices sexuels. Je pense qu'il est plausible que le pic dans les années 70 reflète la libération sexuelle. Pour ce qui est de l'homosexualité, au départ, il y avait davantage d'agressions chez les garçons, mais quand les choeurs paroissiaux ont été ouverts aux filles, il a commencé à y avoir aussi des victimes chez les filles. Il n'y a qu'une minorité de cas d'agression chez les prêtres oeuvrant dans le domaine de l'éducation.»

L'abbé Gravel est lui aussi d'avis que les changements de société ont eu une influence. «Quand j'étais petit, on n'entendait pas parler de pédophilie, parce que les gens ne savaient pas que c'était grave pour les enfants.»

Un rapport dénoncé

Les regroupements de victimes de prêtres ont dénoncé le rapport, indiquant notamment que le nombre réel de cas est beaucoup plus élevé. À Philadelphie ce printemps, des procureurs ont accusé une trentaine de prêtres qui étaient exclus du décompte que le diocèse a remis à l'USCCB pour le rapport.

La Conférence des évêques catholiques du Canada n'a pas l'intention de produire un rapport similaire et n'a pas fait le décompte des prêtres accusés de sévices sexuels dans les différents diocèses.

Le rapport américain a été produit par une école de criminologie de New York, au coût de 1,8 million US, et a été financé à 15% par le ministère américain de la Justice.

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* Au Canada, un jeune de 14 ou 15 ans peut légalement avoir une relation avec un adulte seulement si cet adulte a moins de cinq ans de plus que lui, soit 19 ou 20 ans, ou si le jeune et l'adulte sont mariés ou conjoints de fait ou s'ils sont en couple et ont conçu un enfant ensemble. L'adulte ne doit pas non plus être une personne en situation d'autorité ou de confiance.