Un médecin est-il en droit de faire un excès de vitesse pour répondre à un appel d'urgence? Dans certaines circonstances et si la situation du patient est grave, il le peut, vient de trancher la Cour du Québec.

Le Dr Michel Lallier était de garde dans la nuit du 16 février 2009. À 2h15 du matin, il reçoit un appel de l'hôpital Sainte-Justine: un enfant de 6 ans est victime d'un choc septique à la suite d'un abcès intra-abdominal avec péritonite. En termes simples, la situation est grave, et «chaque minute compte».

Le chirurgien pédiatrique, qui habite à Saint-Léonard, s'engage donc sur l'autoroute 40. En temps normal, le trajet entre sa maison et l'hôpital lui prend une demi-heure. Mais comme le temps presse, le Dr Lallier décide d'appuyer sur l'accélérateur. Il est tard et l'autoroute Métropolitaine est presque déserte. Or, à la hauteur de la rue Saint-Denis, il est intercepté par des policiers de la Sûreté du Québec. Le médecin roulait à 123 km/h dans une zone où la vitesse est limitée à 70 km/h.

Le chirurgien tente d'expliquer la situation aux policiers. Pour leur prouver la gravité de la situation, il leur propose même de l'accompagner à l'hôpital. Les policiers refusent de le faire et rédigent une contravention.

Défense de nécessité

L'histoire ne dit pas ce qu'il est advenu de l'enfant. Grâce à un récent jugement de la Cour du Québec, on sait par contre ce qu'il est advenu de la contravention: plaidant la défense de nécessité, le Dr Lallier l'a contestée et a gagné.

Selon la jurisprudence, cette défense est valable si certains éléments sont réunis, précise la juge Johanne White: «la situation doit être à ce point urgente (...) qu'un être humain serait instinctivement forcé d'agir» et «le mal causé par la violation de la loi doit être moindre que celui que l'accusé cherche à éviter».

La magistrate estime que la vie de l'enfant était en jeu. Elle juge que la violation de la loi est justifiée dans la mesure où elle vise à éviter un plus grand mal: l'excès de vitesse a eu lieu tard, sur une autoroute déserte, alors que l'enfant avait besoin d'assistance. Pour ces raisons, la Cour du Québec a acquitté le Dr Lallier.

Ce jugement va-t-il entraîner une recrudescence des excès de vitesse chez les médecins? Probablement pas puisque la défense de nécessité n'est pas facile à démontrer. La Cour supérieure l'a par exemple refusée à un médecin en 1993: il roulait trop vite, en plein jour, dans une zone scolaire.