Le mauvais état d’un tronçon de l’autoroute 15 au cœur des Laurentides crée une « situation d’urgence » qui met en danger « la sécurité des personnes », reconnaît désormais le ministère des Transports. Les maires locaux sonnent l’alarme depuis longtemps. Et la hausse d’affluence des dernières années dans les Laurentides ne serait pas étrangère à sa dégradation.

Les ornières creusées par le passage répété des autos et des poids lourds ont pris une telle ampleur que des accidents sont redoutés. Ces profonds sillons peuvent provoquer des pertes de maîtrise du véhicule, notamment pour les motocyclistes.

Les fonctionnaires ont dû faire cette démonstration sur une plateforme officielle afin de conclure un contrat d’urgence, sans appel d’offres, pour la réparation de la chaussée sur plusieurs kilomètres.

« Lorsqu’il est nécessaire d’intervenir promptement pour assurer la sécurité des usagers lors de leurs déplacements ou que la circulation des services d’urgence est compromise, le Ministère peut recommander de procéder à une intervention palliative urgente », a expliqué la conseillère en communication Nathalie Nolin, du ministère des Transports, dans un courriel à La Presse.

Les fonctionnaires ont ajouté que ce tronçon n’avait pas été jugé prioritaire en 2021, mais que de nouvelles données d’analyse « ont démontré que l’orniérage avait progressé plus rapidement que ce qui avait été anticipé ».

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

Des fonctionnaires ont indiqué que le tronçon n’avait pas été jugé prioritaire en 2021, mais que de nouvelles données d’analyse « ont démontré que l’orniérage avait progressé plus rapidement que ce qui avait été anticipé ».

Pavages Multipro, chargée du mandat, devra « corriger des ornières par planage fin, rapiéçage manuel et pavage sur l’autoroute 15 dans les municipalités de Sainte-Adèle, Val-Morin et Val-David », a indiqué le Ministère. Il s’agit d’un contrat de 2 millions. Les travaux devraient être effectués à court terme.

« Épouvantable »

Les élus locaux connaissent bien les ornières qui balafrent l’A15 dans leur coin de pays.

« C’est épouvantable quand tu as le malheur de tomber là-dedans », a dit Dominique Forget, mairesse de Val-David. « Elles sont vraiment creusées. […] Dès que tu n’es pas tout à fait dans l’ornière, ça déstabilise la voiture. »

Elles sont si profondes sur l’A15 que la mairesse et sa fille les ont utilisées pour se guider dans une tempête de neige extrêmement intense, l’hiver dernier. Mais le reste de l’année, elles constituent une vraie menace pour les automobilistes qui doivent effectuer une manœuvre d’urgence ou sont victimes d’aquaplanage quand les ornières sont pleines d’eau, a-t-elle ajouté.

Les autos y circulent « comme un train sur une voie ferrée », sans que les conducteurs aient besoin de toucher au volant, a ajouté Michèle Lalonde, mairesse de Sainte-Adèle, en entrevue téléphonique. C’est « très, très, très dangereux pour les motos », a-t-elle ajouté.

Dominique Forget soupçonne que la ruée vers les grands espaces des dernières années explique en partie la dégradation rapide de l’état de l’A15. « Je ne pense pas que les routes étaient conçues pour [le nombre] de véhicules qu’on a eus depuis la pandémie », a-t-elle dit.

Le ministère des Transports lui donne raison sur ce point. « Le débit journalier moyen annuel au nord de Sainte-Adèle a augmenté de 15 % à 20 % entre 2021 et 2024 », a indiqué la conseillère en communications Nathalie Nolin.

« C’est la saison »

Les ornières sur la route, « c’est la saison en ce moment » avec le dégel, a expliqué la professeure Pooneh Maghoul, de Polytechnique Montréal, en entrevue téléphonique.

Plusieurs raisons peuvent expliquer la formation d’ornières, a-t-elle détaillé. Il peut s’agir d’une mauvaise construction de la route, d’une erreur de préparation de l’asphalte ou de raccourcis pris par l’entrepreneur, mais aussi du passage répété de véhicules lourds au-delà des normes de conception. « Ça peut être plusieurs choses », a-t-elle dit.

Alan Carter, professeur à l’École de technologie supérieure (ETS), est globalement du même avis.

« Les ornières sont, dans presque 100 % des cas, faites par les poids lourds », a-t-il dit, soulignant que c’est ce qui explique que les voitures ne rentrent habituellement pas parfaitement dans les ornières. Les seules ornières causées par les automobiles sont liées à l’utilisation de pneus à clous, devenus rares sur les routes ces dernières années.

Pour CAA-Québec, il est normal que le ministère puisse effectuer des travaux d’urgence lorsque l’état de la chaussée est très problématique. « Allons de l’avant, parce qu’il ne faut pas mettre en danger les personnes qui passent dessus », a dit le porte-parole Nicolas Ryan. L’état du réseau routier dans son entièreté « est préoccupant », a-t-il ajouté. « On dit souvent qu’il y a à peine une route sur deux qui obtient la note de passage. »