Montréal envisage de prolonger le boulevard de l’Assomption en passant à travers le boisé Steinberg, ce qui risque de détruire une partie de ce milieu naturel, au grand dam des résidents de Mercier–Hochelaga-Maisonneuve réclamant sa préservation.

Dans des documents rendus publics mardi, la Ville propose deux scénarios pour réaménager le boulevard de l’Assomption et l’avenue Souligny. Dans les deux cas, cela nécessiterait un raccordement de l’avenue Souligny à la rue Notre-Dame dans l’axe de l’Assomption, en passant à l’est des terrains de Ray-Mont Logistiques, qui y construit un terminal de conteneurs.

La première option ajouterait toutefois un lien local passant par le boisé Steinberg, qui relierait ainsi les axes Souligny et Hochelaga. Tout cela forcerait le déplacement d’environ une cinquantaine d’arbres et le retrait de près de 15 % de la superficie du boisé.

Montréal s’engagerait en contrepartie à planter un millier d’arbres dans le secteur pour verdir plusieurs autres espaces et à créer un « corridor de mobilité durable » sur la rue Hochelaga d’ici la fin de 2025.

La deuxième option épargnerait le boisé Steinberg. En l’absence de chemins de détours, la Ville craint néanmoins que ce deuxième scénario engendre plus de pression sur les quartiers avoisinants.

Dans un cas comme dans l’autre, le but serait de « canaliser les mouvements de camionnage du Port », le transit de véhicules lourds risquant d’augmenter au cours des prochaines années, selon l’administration. À terme, l’axe Dickson serait par ailleurs réaménagé entre les rues Hochelaga et Notre-Dame, avec une interruption de la circulation routière à la hauteur de l’avenue Souligny.

Bref, « l’option 1 vient décloisonner les quartiers, mais vient empiéter sur une partie du boisé », alors que l’option 2 « pose des enjeux de sécurité routière dans les quartiers de Viauville et Guybourg », a résumé la responsable de la mobilité au comité exécutif, Sophie Mauzerolle, en point de presse. « C’est extrêmement important, à ce stade-ci, qu’on entende les résidents et leurs préoccupations », a-t-elle dit, à quelques heures d’une rencontre d’information publique qui était prévue mardi soir.

PHOTO OLIVIER PONTBRIAND, LA PRESSE

La responsable de la mobilité à la Ville de Montréal, Sophie Mauzerolle

Un débat de longue date

Montréal et Québec veulent depuis des années prolonger l’avenue Souligny et le boulevard de l’Assomption, tout près du Stade olympique, afin de dérouter les poids lourds du reste du réseau routier. Quelque 2500 camions sortent chaque jour du port de Montréal, qui exploite un terminal tout près.

La tâche est complexe, puisque les chantiers sont nombreux dans Assomption-Sud – Longue-Pointe, leur développement impliquant des débats sur tous les fronts. Du Projet structurant de l’Est (PSE) à la plateforme de transbordement de Ray-Mont Logistiques, en passant par le prolongement de l’axe Assomption-Souligny ou encore le poste de transformation d’Hydro-Québec, les projets abondent.

Dès 2019, l’Office de consultation publique de Montréal (OCPM) s’était penché sur la possibilité de construire un parc-nature dans le secteur.

Le hic, c’est que le terrain visé empiète sur celui du promoteur Ray-Mont Logistiques. En 2017, l’arrondissement avait refusé de délivrer les permis pour la construction du projet, mais deux procès consécutifs, que Ray-Mont Logistiques a gagnés, ont finalement obligé les autorités à délivrer ces permis.

Depuis 2020, l’arrivée du Réseau express métropolitain (REM) avait imposé à la Ville de cesser ses discussions publiques dans ce dossier, en raison des ententes de confidentialité imposées par la Caisse de dépôt et placement. C’est ce qui explique la lenteur des travaux municipaux dans les dernières années.

Les riverains préoccupés

Pour le regroupement citoyen Mobilisation 6600, qui a tenu une manifestation le week-end dernier pour la préservation du boisé Steinberg, les deux propositions de la Ville reviennent essentiellement à un prolongement vers l’autoroute 25 pour « favoriser l’expansion de l’industrie portuaire et logistique ».

L’organisme milite au contraire pour une option qui ne préconiserait aucun ajout de route supplémentaire. Il réclame entre autres que la route temporaire qu’a construite le Port de Montréal pour permettre à ses camions de se diriger vers l’axe Souligny « soit pérennisée, tout simplement », sans ajouter d’autres infrastructures.

« La cohabitation entre industries et résidences, rendue difficile par l’expansion toujours croissante du Port de Montréal, commande de ne pas ajouter d’infrastructures qui favorisent une telle expansion », explique en ce sens la co-porte-parole de Mobilisation 6600, Cassandre Charbonneau-Jobin.

Son groupe « n’acceptera pas que l’autoroute Souligny entre plus profondément dans le quartier pour se rapprocher de nos résidences, et vienne ajouter d’autres nuisances », ajoute Mme Charbonneau-Jobin.

Une autre co-porte-parole du regroupement, Anaïs Houde, rappelle que « la santé de la population du quartier est déjà fragilisée par les activités portuaires et la présence des industries », en faisant valoir que la Direction régionale de la santé publique recommandait déjà en 2019 « la réduction des nuisances actuelles ».

« Nous craignons que la Ville utilise l’argument de la protection d’une partie du boisé pour nous faire oublier le prolongement d’une autoroute près de résidences. Cela nous paraît de très mauvaise foi », persiste quant à elle Cassandre Charbonneau-Jobin.