Le patient arrive sur la table d’opération. Accident de la route. Les médecins se rassemblent pour inspecter la blessure et établissent leur plan d’intervention : couper au chalumeau la longue barre de fer qu’il vient d’avaler, changer quelques vis et le renvoyer illico déneiger les rues de Montréal. La souffleuse s’en remettra vite.

Bienvenue au garage municipal de Saint-Laurent, la salle d’urgence où il y a le moins d’attente dans la métropole. Les véhicules de déneigement qui rencontrent un pépin dans l’arrondissement y sont réparés illico – dans la mesure du possible.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Le garage est logé dans les Ateliers municipaux de Saint-Laurent, un grand bâtiment du boulevard Cavendish.

Et il le faut : les opérations de chargement de la neige coûtent des millions de dollars à la Ville et ne peuvent être interrompues. Au besoin, les mécaniciens se déplacent pour réparer les machines qui ne peuvent être déplacées. Alors que cet hiver particulièrement neigeux achève, le travail ne manque pas.

Cette fois, la souffleuse pouvait toujours rouler. Après avoir fait fondre la neige accumulée dans la souffleuse, les mécaniciens Francis Trudeau et Mario Precupas s’activent avec un collègue soudeur pour extirper la barre de fer du mécanisme. Quelques minutes suffisent. Les pales qui propulsent la neige vers l’intérieur de la machine n’ont pas été endommagées, comme cela arrive assez fréquemment.

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Les mécaniciens tentent d’extirper une barre de fer coincée dans une souffleuse.

« Ça, c’est une petite affaire », décrit M. Trudeau, mécanicien à la Ville depuis 16 ans. « Des fois, le bris va plus loin. » Les souffleuses comme celle-ci sont dotées de vis de sûreté conçues pour céder si le mécanisme est bloqué. Objectif : éviter tout risque d’endommager le moteur qui le fait tourner. Si le pire survient, le mécanicien aura beaucoup de boulot sur les bras.

« Soins intensifs Saint-Laurent », lit-on sur une affiche de carton improvisée, accrochée à un mur. Les patients sont multiples : l’arrondissement opère différents modèles de souffleuses, en plus des chenillettes et des autres véhicules.

L’équipe a l’habitude de voir ses souffleuses s’étouffer sur toutes sortes d’objets. « C’est le quotidien : des morceaux d’acier, des pneus, une poêle… », décrit le contremaître Patrice Elio. « Les pneus, c’est dur à enlever. Il faut les faire fondre un peu et les tirer. »

« Dans la bouette et dans l’huile »

Le garage est logé dans les Ateliers municipaux de Saint-Laurent, un grand bâtiment du boulevard Cavendish. Son allure ressemble à s’y méprendre à celle d’une école secondaire, où les classes sont toutefois remplacées par des garages, des imprimeries et autres laboratoires.

La Ville y conserve des exemplaires de toutes les pièces qui pourraient se révéler utiles pour réparer les principaux véhicules utilisés par les cols bleus. Un moteur de chenillette en parfait état attend d’être transplanté dans le prochain véhicule qui en aura besoin.

Les mécaniciens se transforment en gamins le temps de montrer leur gros véhicule de service, leur « ambulance », avec lequel ils se déplacent pour réparer ou remorquer les machines qui ne peuvent pas se rendre jusqu’au garage. « Il n’y en a pas beaucoup à la Ville de Montréal », dit Mario Precupas, 11 ans de maison. Le camion est gardé « au chaud », toujours prêt à se rendre sur un appel.

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Chaque mécanicien a son poste de travail décoré à son goût.

On ne manque pas d’ouvrage. L’hiver, c’est tout le temps un challenge. Quand tu vas sur la route [pour une réparation] et qu’il y a une dizaine de camions qui attendent la souffleuse, le but, c’est de trouver le problème et de le réparer le plus vite possible.

Francis Trudeau, mécanicien

Francis Trudeau et Mario Precupas décrivent les occasions où ils doivent se glisser sous les véhicules, « dans la bouette et dans l’huile », pour accomplir leur travail. « Ça ne se répare pas à distance, ce n’est pas du télétravail qu’on fait ! », lance Mario Precupas.

Dans le garage, chaque mécanicien a son poste de travail décoré à son goût. Les photos d’enfants abondent. Contrairement aux autres corps de métier qui travaillent à la Ville, ils doivent fournir leurs propres outils.

« On a vraiment une fierté de faire notre travail », affirme M. Precupas. « On a un sentiment d’appartenance. On sait que si on ne répare pas la machinerie comme il faut, c’est nous autres qui allons devoir aller sur la route pour la réparer. »

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  • 10 000
    Nombre de kilomètres de rues et de trottoirs à déneiger à Montréal
    SOURCE : Ville de Montréal