(Québec) La mairesse de Montréal, Valérie Plante, et plusieurs élus de grandes villes ont critiqué le manque d’investissement en logement social du gouvernement Legault dans son dernier budget. Les élus caquistes ont rétorqué que les maires devaient faire leur « bout de chemin ».

« Mme Plante veut toujours plus d’argent, mais là, il y a beaucoup d’argent et il y a des logements à construire », a rétorqué la ministre responsable de la Solidarité sociale et de l’Action communautaire, Chantal Rouleau, seule ministre caquiste représentant une circonscription montréalaise, à l’entrée de la réunion du Conseil des ministres.

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

La ministre responsable de la Solidarité sociale et de l’Action communautaire, Chantal Rouleau

Face à la crise du logement, la Coalition avenir Québec (CAQ) avait promis la construction de 11 700 nouveaux logements abordables dans le présent mandat, mais dans le plus récent budget, elle n’en finance que 1500. Québec explique que des milliers de logements déjà annoncés ne sont toujours pas construits, mais qu’il lui reste plusieurs années pour réaliser sa promesse. Le budget Girard prévoyait d’ailleurs une somme de 191 millions en 2022-2023 pour « finaliser la réalisation » de 3300 logements dont la construction tardait.

C’est un argument qui ne convainc pas la mairesse Valérie Plante, qui a fait mercredi matin une sortie où elle a rappelé que 24 000 ménages attendaient un logement social à Montréal. Un enjeu que Québec « a fait le choix d’ignorer », a-t-elle dit. « La crise du logement, c’est du vrai monde, a dit Mme Plante, la voix brisée par l’émotion. On la voit, la détresse. C’est ça qui est dur. »

« Bout de chemin »

Le premier ministre François Legault a lui-même répliqué à la mairesse lors d’un point de presse. « Quand on passe par l’OMH [Office municipal d’habitation], ça prend quatre ans, construire. Quand même qu’on ajouterait puis qu’on ajouterait de l’argent… Il y avait déjà, avant le budget, de l’argent pas dépensé. C’est quand même spécial. Donc, il faut trouver le moyen d’accélérer la délivrance de permis, la recherche de terrains, etc., etc. Puis on va travailler ensemble », a-t-il affirmé.

La ministre de l’Habitation, France-Élaine Duranceau, a également invité les maires à faire leur « bout de chemin » avec des éléments « qui sont à gérer par les municipalités, comme l’émission des permis, par exemple ».

Moi, j’ai de l’argent, puis je visite chacun des projets pour m’assurer qu’ils sont prêts à partir […]. Les maires, là, j’en ai eu, des discussions avec eux, puis ceux qui ont des projets qui sont bien alignés, l’argent va être là.

France-Élaine Duranceau, ministre de l’Habitation

Le ministre responsable de la métropole, Pierre Fitzgibbon, demande de la patience et plaide pour une approche « méthodique ». « On va les faire [les logements sociaux] au fur et à mesure », a-t-il dit. Il a répondu à Mme Plante qu’on « n’a pas toujours ce qu’on veut ». « On a des budgets et on travaille, et si ça va bien, on demande d’autre argent. Il y a une mise à jour au mois de décembre », a-t-il dit.

D’autres maires déçus

Mais Mme Plante n’est pas la seule déçue par le budget. Le maire de Québec, Bruno Marchand, a donné une note moyenne de 5 sur 10 à l’exercice piloté par Eric Girard, rapportait Radio-Canada.

À Longueuil, Catherine Fournier est aussi critique. « Nous demeurons sur notre faim quant à l’approche à long terme qui devrait guider le gouvernement pour relever les défis collectifs qui sont les nôtres : la crise du logement, le déficit de financement du transport collectif et la résilience climatique », a-t-elle dit.

À Gatineau, la mairesse France Bélisle a indiqué au Droit que le Programme habitation abordable Québec mis sur pied par la CAQ « n’[avait] pas eu de succès ici » et que les 1500 nouveaux logements annoncés pour tout le Québec ne faisaient pas le poids face à la demande des villes.

On espérait pouvoir prendre un grand bol d’air et ça ne se concrétise pas.

France Bélisle, mairesse de Gatineau

La veille, le ministre des Finances défendait les sommes investies, 1 milliard sur cinq ans. Il incluait dans cette enveloppe une bonification annuelle du crédit d’impôt pour solidarité – 39 $ pour une personne seule, 63 $ pour un couple avec deux enfants – et l’attribution de 2000 places supplémentaires de plus au programme de supplément de loyer.

Le député de Québec solidaire Haroun Bouazzi a ridiculisé ce montant. « C’est 37 $ par an. Par an. C’est 0,10 $ par jour, ça. Ce n’est vraiment pas à la hauteur des attentes des Québécoises et des Québécois et des maires et mairesses des régions et des grandes villes », a-t-il déploré.

« Seulement 1500 nouvelles unités de logements abordables en six ans. On parle de 250 unités par année pour tout le Québec. Le mot ridicule n’est même pas assez fort pour décrire le sentiment que je ressens », a dénoncé de son côté la députée du Parti libéral Virginie Dufour.

Avec Tommy Chouinard et Philippe Teisceira-Lessard, La Presse