Après avoir longtemps réclamé le prolongement de l’autoroute 19, Bois-des-Filion craint aujourd’hui d’être « coupé en deux » par les nouvelles infrastructures. Le maire réclame un dialogue « plus ouvert » avec Québec pour éviter le pire.

« La hauteur de ce viaduc va créer une coupure qui ne permettra plus les vues de l’est à l’ouest. Ça créerait un écran visuel très important qu’on veut à tout prix éviter », affirme sans détour le maire de Bois-des-Filion, Gilles Blanchette, en entrevue avec La Presse.

Depuis plusieurs années, Bois-des-Filion réclame le parachèvement de l’autoroute 19, jugeant notamment qu’il permettra aux résidants de se déplacer plus rapidement. Mais à un an du début des travaux, son administration réclame trois mesures urgentes : d’abord « abaisser » la hauteur du pont d’étagement projeté sur le boulevard Adolphe-Chapleau, afin de préserver les vues et de mieux intégrer la structure au cadre urbain.

PHOTO KARENE-ISABELLE JEAN-BAPTISTE, COLLABORATION SPÉCIALE

Le maire de Bois-des-Filion, Gilles Blanchette

Puis, « maintenir l’accès au secteur de la Place du Parc » en réaménageant l’intersection de l’avenue de l’Érablière, que le Ministère projette pour l’instant de fermer complètement. « Si on va de l’avant, on va perdre une bretelle d’accès, donc les gens vont être obligés de converger tous au même endroit à la sortie de l’autoroute. Ça va créer du trafic de transit important », dit le maire.

La troisième mesure : reculer le mur antibruit afin de conserver la qualité de vie des résidants de la 39Avenue, qui se retrouveront autrement « avec un mur en pleine façade de leur domicile ». « On demande de rapprocher le mur antibruit de l’autoroute pour gagner une certaine vision. Il y aurait alors une impression un peu moins massive au-devant des propriétés », poursuit l’élu.

« Oui, c’est une autoroute, il va forcément y avoir des inconvénients, mais on veut les minimiser le plus possible », insiste M. Blanchette, dont l’administration dit avoir déposé des études de circulation et des études sonores au ministère des Transports (MTQ) « pour démontrer le bien-fondé de ses demandes ».

Un « traumatisme » bien ancré

Le maire Blanchette rappelle de surcroît que Bois-des-Filion avait déjà été « coupé en deux » il y a 50 ans, en avril 1973, « pour faire apparaître un tracé de l’autoroute qui n’est finalement jamais venu ». Depuis, l’unique lien allant de l’est vers l’ouest est le boulevard Adolphe-Chapleau, où on projette justement de construire le pont surélevé.

« On vit encore avec ce traumatisme-là. Plusieurs propriétés ont disparu dans les années 1970. Personne ne veut revivre ça », souffle le maire en entrevue.

Ces derniers mois, il dit avoir eu « plusieurs rencontres » avec le ministère des Transports, sans toutefois obtenir de garanties.

Oui, ils nous écoutent, mais il n’y a rien de concret qui en ressort. Chaque fois qu’on apporte un point de vue, il n’est pas vraiment pris en compte. Et c’est comme ça depuis 2019.

Gilles Blanchette, le maire de Bois-des-Filion, à propos de sa relation avec le ministère des Transports

Il estime avoir une « bonne écoute » de la nouvelle ministre des Transports, Geneviève Guilbault, avec qui il espère dénouer l’impasse.

Québec « ouvert » à réévaluer des éléments

Au ministère des Transports, on se dit « ouvert à réévaluer certains éléments, en respect des différentes contraintes présentes et en considérant les besoins de l’ensemble des parties prenantes ». « Le projet est à l’étape de réalisation, mais la conception est toujours en cours, notamment pour la section nord de la future autoroute 19 localisée à Bois-des-Filion », rappelle le porte-parole, Martin Girard.

Sur la question du pont surélevé, par exemple, Québec dit travailler « avec une firme d’architectes afin d’analyser différents concepts », en tenant compte des « contraintes géotechniques, hydrauliques et des normes de sécurité routière, mais également en considérant les recommandations du BAPE [Bureau d’audiences publiques sur l’environnement] ». « Par exemple, au niveau des contraintes hydrauliques, la proximité de la rivière des Mille-Îles et la hauteur de la nappe phréatique représentent un défi pour la conception de l’autoroute dans ce secteur », poursuit M. Girard.

Quant à l’accès à la Place du Parc, le porte-parole fait valoir que d’intégrer la fin d’une autoroute de façon harmonieuse « représente un défi ». « Une éventuelle fermeture de l’avenue de l’Érablière pourrait s’avérer nécessaire pour une question de sécurité, dans la mesure où la route 335 deviendra une autoroute à cette hauteur », maintient-il. Néanmoins, plusieurs options seraient encore « en cours d’analyse ».

Reculer le mur antibruit pour préserver la qualité de vie des résidants s’avère aussi complexe, selon le ministère, ce dernier étant nécessaire « afin de limiter le bruit de l’autoroute et de la piste multifonctionnelle qui sera utilisée par des véhicules hors route ». « Ce mur antibruit est aussi exigé par le décret environnemental autorisant le projet de prolongement de l’autoroute 19. […] Toutefois, nous analysons plusieurs scénarios incluant la possibilité de déplacer une section du mur en plus de travailler à bonifier son aspect architectural », conclut M. Girard.