Après avoir banni l’utilisation de 36 pesticides sur son territoire en 2022, la Ville de Montréal se ravise et retire un poison à rats de la liste des produits interdits, en réaction aux plaintes des entreprises d’extermination qui craignent une prolifération des rongeurs dans la métropole.

« Depuis l’année dernière, on doit utiliser des pièges pour attraper les rats à l’extérieur, parce que tous les poisons antirats sur le marché contiennent des ingrédients interdits par le règlement municipal », explique Nathaniel Leavey, copropriétaire de la firme d’extermination Les Entreprises Maheu, qui se réjouit de la décision de la Ville de permettre à nouveau l’utilisation de produits contenant de la diphacinone pour le contrôle des rongeurs.

Selon l’expert en gestion parasitaire, les pièges sont bien moins efficaces que les poisons pour se débarrasser des rats à l’extérieur des bâtiments, puisqu’ils ne permettent d’attraper qu’un seul rat à la fois.

Hausse de la demande

M. Leavey dit avoir observé une hausse d’environ 50 % du nombre d’appels de clients aux prises avec une infestation de rats en 2022, et l’interdiction des produits rodenticides a certainement contribué à cette augmentation, selon lui.

En retirant la diphacinone de la liste des produits interdits à l’extérieur, la Ville donne au moins une option de poison aux exterminateurs pour le contrôle des rats.

« C’est un ajustement qui arrive après un an. On a banni l’utilisation de 36 pesticides, mais on s’est rendu compte que l’un de ces produits s’avérait nécessaire », explique Marie-Andrée Mauger, responsable de l’environnement au comité exécutif.

« On veut s’assurer que les entreprises de gestion parasitaires aient ce qu’il faut dans leur boîte à outils. »

Les plaintes au sujet de la présence de rats sont stables, selon l’élue municipale, du moins dans l’arrondissement de Ville-Marie, qui comprend le centre-ville. « On reçoit une centaine de plaintes par année dans cet arrondissement, dit-elle. En novembre 2022, on était rendu à 84 plaintes depuis le début de l’année. »

Peu nuisible pour l’environnement

Parmi les produits interdits, la diphacinone est l’un des moins nuisibles pour l’environnement, note Mme Mauger. Mais ce n’est pas le poison le plus efficace, selon les exterminateurs.

« Ce n’est pas le meilleur produit, mais on devrait pouvoir s’organiser avec ça », commente Nathaniel Leavey.

Pour être efficace, la diphacinone doit être ingérée plusieurs fois par un rongeur, qui mourra après quelques jours, alors que d’autres poisons, maintenant interdits, agissent beaucoup plus rapidement, après une seule ingestion.

Le comité exécutif a approuvé mercredi le retrait de la diphacinone de la liste des pesticides interdits à l’extérieur. Cette décision doit être entérinée par le conseil municipal avant d’entrer en vigueur.

Les documents municipaux expliquent qu’« après une première année d’application du nouveau règlement, un ajustement doit être fait ».

« En effet, le secteur de l’extermination a rapporté ne plus disposer d’options de contrôle chimiques pour intervenir efficacement contre les rongeurs à l’extérieur des bâtiments, notamment à cause du manque de disponibilité de certains produits. De plus, la Ville a reçu des questionnements en provenance des secteurs alimentaire et pharmaceutique concernant les options d’extermination autour de leurs bâtiments. »

Protection de la biodiversité et de la santé

La décision de Montréal d’interdire plusieurs pesticides à l’extérieur, dont le glyphosate, herbicide le plus fréquemment utilisé sur la planète, qui entre dans la composition du Roundup, a été prise en 2021 pour protéger la biodiversité, la santé de la population ainsi qu’assurer la qualité du milieu de vie, avaient alors indiqué les élus.

On trouve dans la liste des produits interdits 6 fongicides, 12 herbicides, 11 insecticides et 7 rodenticides (moins un avec le retrait de la diphacinone de la liste).

Au total, ce sont 109 pesticides qui ont été retirés des rayons des commerces montréalais et dans les entreprises le 1er janvier 2022.

Mais Nathaniel Leavey note que le retrait de ces produits peut avoir des effets pervers. « Sachant que les entreprises ne peuvent plus utiliser certains poisons, les gens disent qu’ils vont le faire eux-mêmes avec des produits trouvés sur l’internet, qu’ils appliquent n’importe comment, alors ça peut être dangereux », fait-il remarquer.

Les entreprises de gestion parasitaire s’assurent, quand ils utilisent un poison à l’extérieur, de le mettre dans une boîte qui ne peut pas être ouverte par un enfant et qui est sécuritaire pour les autres animaux, explique M. Leavey, ce que le simple citoyen ne fait pas toujours.

En savoir plus
  • 36
    Nombre de pesticides interdits par Montréal le 1er janvier 2022
    109
    Nombre de produits contenant des pesticides retirés des tablettes des commerces de la métropole
    source : Ville de Montréal