(New York) Depuis le mois dernier, un poste névralgique est à pourvoir à New York. Outre un baccalauréat et une expérience pertinente par rapport au poste en question, la ou le candidat idéal doit posséder une « attitude intrépide, un humour astucieux et une aura générale de dur à cuire », selon l’offre d’emploi un brin facétieuse. À cela doivent s’ajouter « la volonté, la détermination et l’instinct de tueur pour combattre le véritable ennemi » de la ville, qui s’avère « rusé, vorace et prolifique ».

Le titre officiel de la personne qui décrochera cet emploi sera « directeur de la lutte contre les rongeurs ». Mais les médias l’ont vite surnommée « tsar des rats ». Salaire annuel : entre 120 000 $ et 170 000 $.

Ce tsar travaillera pour une ville qui a vu les plaintes reliées aux rats exploser de 49 % en 2022, conséquence de la COVID-19. La population des rats de New York, estimée à environ deux millions, soit un pour quatre humains, n’a pas augmenté, mais la pandémie a encouragé les rongeurs à sortir davantage et à s’aventurer là où on les voyait moins, ou pas.

Le tsar des rats s’activera surtout pour un maire qui semble faire une fixation sur le rattus norvegicus, nom savant du petit (tout est relatif) rongeur qui vit à New York depuis le temps de la guerre d’indépendance américaine.

Adams contre rats

Selon le site d’information Gothamist, Eric Adams, qui a terminé sa première année à la mairie de New York le 1er janvier, a prononcé les mots « rat » ou « rats » au moins 80 fois depuis octobre dernier.

Sa plus célèbre mention du rongeur est survenue au cours de ce même mois, lorsqu’il a résumé, en se tenant debout devant un camion à ordures, son plan pour rendre les cinq arrondissements de New York « vivables » : « combattre la criminalité, combattre l’inégalité et combattre les rats ».

Il est revenu sur ce sujet de prédilection en décembre dernier lors d’une interview à la radio.

PHOTO KENA BETANCUR, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Le maire de New York, Eric Adams

Je déteste les rats et je cherche à tuer les rats et à me débarrasser des rats dans la ville.

Eric Adams, maire de New York, en décembre dernier

Pauvre Eric Adams. La semaine dernière, les médias de New York ont révélé que les inspecteurs du département de la santé de la ville lui avaient collé pas une, ni deux, mais trois citations à comparaître depuis le 7 décembre 2022 pour une infestation de rats à l’extérieur d’un triplex dont il est le propriétaire à Brooklyn.

Les inspecteurs ont découvert « un terrier de rats », des « crottes de rat fraîches » et une « piste de rats active » le long de la propriété du maire. Ce dernier peut se consoler, jusqu’à un certain point : 11 autres propriétaires du même pâté de maisons que le sien ont également reçu des citations à comparaître pour les mêmes raisons. Les infractions pour infestation de rats sont passibles d’une amende de 300 $.

Le maire a déjà gagné sa cause après l’inspection du 7 décembre, faisant valoir qu’il avait dépensé 6800 $ pour combattre son problème de rats. Il entend présenter la même défense pour les infractions plus récentes.

McKinsey & Company est de la partie

Mais revenons au problème plus large des rats à New York. Eric Adams n’attend pas l’embauche du tsar des rats pour s’y attaquer. Son administration a notamment fait appel au cabinet de conseil international auquel tous les responsables élus de la planète semblent avoir recours ces temps-ci pour affronter divers enjeux, de la vaccination contre la COVID-19 au déconfinement en passant par les seuils d’immigration : McKinsey & Company.

Le cabinet a donc obtenu en octobre dernier un contrat de 4 millions de dollars pour examiner la mise en œuvre d’un programme pilote de conteneurs à ordures à l’échelle de la ville. Ses experts s’intéresseront notamment aux expériences de Paris et d’Amsterdam, entre autres villes, pour déterminer les types de bacs qui fonctionneraient le mieux pour New York.

Évidemment, point n’est besoin d’être un génie de McKinsey pour savoir que la façon dont New York gère ses ordures est l’équivalent d’un mariage avec bar ouvert. Ces amoncellements quasi permanents de sacs poubelles sur les trottoirs sont une invitation irrésistible pour les rats de faire la fête aux frais d’autrui.

Eric Adams comprend le problème, jusqu’à un certain point. À son instigation, le conseil municipal a adopté une loi qui interdira aux New-Yorkais de mettre des sacs poubelles sur les trottoirs avant 20 h – plutôt que 16 h – la veille de la collecte des ordures.

Les experts l’ont applaudi, jusqu’à un certain point. Depuis des années, ils réclament des changements dans la façon de gérer les ordures de New York. Mais ce changement ne réglera rien, selon eux, pour la simple raison que les rats sont des animaux nocturnes. En été, leurs festins ne commencent pas avant 20 h, de toute façon.

N’empêche, lors du dévoilement des nouvelles règles concernant les sacs poubelles, la responsable de la collecte des ordures à New York, Jessica Tisch, a exprimé une opinion qui est devenue un mème viral sur TikTok, Twitter et autres réseaux sociaux.

« Les rats vont absolument détester cette annonce. Mais les rats ne dirigent pas cette ville. C’est nous qui la dirigeons », a-t-elle dit, pince-sans-rire.

La date d’entrée en vigueur de la nouvelle loi sur les sacs poubelles ? Le 1er avril. Ça ne s’invente pas. Conclusion : à New York, 2023 sera l’année du rat, encore.