Il serait « contre-productif » pour la Société de transport de Montréal (STM) de réduire la fréquence de passage des rames de métro et des autobus, se sont inquiétés jeudi des élus et des organismes, au moment où une telle diminution est envisagée afin d’équilibrer le budget de l’opérateur, dont les finances ont été mises à mal par la pandémie.

« Moins il y a de service, moins ça devient intéressant de troquer l’automobile pour le transport collectif. C’est contre-productif. Le temps presse pour la STM, le gouvernement doit agir rapidement », a affirmé le porte-parole de Québec solidaire en matière de transports et député de Taschereau, Etienne Grandmont.

Ce dernier réagissait à un reportage de Radio-Canada paru jeudi, citant un document interne selon lequel une baisse de service de 3,7 % pour les bus et de 4,8 % pour le métro est envisagée pour absorber les pertes financières de la STM. La Presse a pu confirmer que cette hypothèse est étudiée, mais qu’il ne s’agit pas formellement d’une orientation budgétaire. Le but serait notamment d’éponger les baisses d’achalandage, alors qu’à peine 75 % des usagers sont de retour dans les transports en commun du Grand Montréal.

Ladite mesure, qui serait une possibilité parmi plusieurs autres, pourrait permettre d’équilibrer le budget de la STM, qui doit être présenté la semaine prochaine en même temps que celui de l’administration de Valérie Plante, avec une économie d’environ 18 millions.

Le porte-parole de la STM Philippe Déry a indiqué jeudi que « le budget de la STM n’est pas encore ficelé », la société étant « toujours en discussion avec ses bailleurs de fonds ». « Nous sommes conscients de l’importance d’offrir une offre de service attractive », a-t-il assuré.

Un « trou financier » important

Pour la directrice générale de Trajectoire Québec, Sarah V. Doyon, des réductions de service « ne sont jamais une bonne stratégie pour ramener de l’achalandage dans le transport collectif ». « On comprend qu’il y a un trou financier important, mais je pense que ça démontre surtout l’importance de trouver rapidement de nouvelles sources de financement pour éviter cette situation-là », dit-elle.

Son organisation demande notamment un financement permanent de l’exploitation du transport collectif par le gouvernement fédéral. « Pour le moment, Ottawa ne finance que les infrastructures. Ça, c’est une potentielle nouvelle source. Au moins pour cette année, ça prendrait une aide d’urgence », note Mme Doyon.

Je sais bien, pour avoir eu des discussions avec [des responsables de la société], que la STM ne veut pas de coupes. Eux aussi veulent retrouver l’achalandage. Mais ça fait partie des scénarios évalués. On espère qu’ils n’auront pas à s’y rendre.

Sarah V. Doyon, directrice de Trajectoire Québec

L’élu Etienne Grandmont, lui, appelle le gouvernement Legault à « garantir qu’il n’y aura aucune baisse de service à la STM et débloquer des fonds d’urgence si nécessaire ». « Avec les travaux dans le tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine, c’est le moment d’augmenter l’offre de transport collectif à Montréal, pas de la réduire. Le transport en commun, c’est l’avenir », a-t-il soutenu.

Au cabinet de la ministre des Transports, Geneviève Guilbault, on réitère être « partenaires » des sociétés de transport, en rétorquant toutefois que « les choix budgétaires de la STM relèvent de l’administration municipale ».

Tout cela survient au lendemain d’une annonce en mobilité de la Ville de Montréal, qui a confirmé mercredi que l’utilisation du transport collectif deviendrait gratuite pour les personnes de 65 ans et plus à Montréal dès juillet 2023. L’administration Plante, qui en avait fait un engagement électoral l’automne dernier, dépensera 40 millions annuellement pour y arriver. Comme ce nouvel incitatif ne sera mis en place qu’en juillet 2023, il n’en coûtera toutefois que 24 millions pour sa première année.