Bien qu’encore marginales par rapport aux déplacements automobiles et aux autres mode de transport collectif, les navettes fluviales gagnent en popularité dans le Grand Montréal. Près de 250 000 trajets ont été réalisés entre juin et octobre 2022. À l’aube du début du mégachantier dans le tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine, l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM) envisage d’augmenter le nombre de liaisons.

« En 2021, alors que la saison avait été écourtée en raison de la pandémie, 38 222 passages avaient été enregistrés. Pour des raisons sanitaires, la saison 2020 avait été annulée. En 2019, il y en avait eu 59 500. Là, du 4 juin au 16 octobre 2022, on a enregistré pas moins de 246 677 trajets, avec des pics en juillet et en août », confirme le porte-parole de l’ARTM, Simon Charbonneau, en entrevue avec La Presse.

Six liaisons de l’ARTM permettaient cette année de se rendre d’un point à l’autre par la navette fluviale entre les quais Jacques-Cartier, dans le Vieux-Port, l’île Sainte-Hélène, le parc de la Promenade-Bellerive, les secteurs Réal-Bouvier et Yvon-Julien à Longueuil et Boucherville, ainsi que l’île Charron et Pointe-aux-Trembles.

La liaison de Boucherville vers le parc de la Promenade-Bellerive est d’ailleurs gratuite depuis ce mardi, une « occasion en or pour les utilisateurs du tunnel La Fontaine de changer leur mode de transport », selon l’entreprise Navark, qui exploite ladite navette. Celle-ci se poursuivra au moins jusqu’au 13 novembre, voire jusqu’au début de décembre.

D’après Simon Charbonneau, la navette fluviale peut être un levier de plus en plus intéressant en transport collectif, surtout chez les cyclistes, qui sont nombreux à l’utiliser (plus de 23 000). « On voit qu’il y a un engouement grandissant pour ça. En navette, il n’y a pas de cônes, pas de nids-de-poule. Et on est en navigation directe sans arrêt, avec des temps de départ et d’arrivée très précis. Pas moins de 96 % des départs sont réalisés à l’heure ou à moins de 10 minutes de l’heure prévue », dit-il.

Bon nombre d’usagers empruntent d’ailleurs les navettes en famille : 19 % des usagers les ayant utilisées cette année avaient 11 ans et moins, et y ont accès gratuitement.

Encore marginale

N’empêche, la navette fluviale est encore loin d’être un moyen de transport majeur. Ses 250 000 déplacements de la saison représentent un ou deux jours de déplacements automobiles sur les principaux ponts entre la Rive-Sud et l’île de Montréal, qui accueillent en moyenne 120 000 véhicules au quotidien.

« On reste conscients que c’est un élément de plus, mais que ce n’est pas la solution pour tout le monde. La navette a ses limites, mais par contre, elle a l’avantage de relier des points difficilement reliables autrement », affirme Gilles Tanguay, directeur des opérations de Navark, qui gère quatre liaisons de l’ARTM.

À ses yeux, la force des navettes fluviales est surtout « d’allier le transport actif au transport collectif ». « Si on prend Pointe-aux-Trembles–Centre-ville ou, dans le futur, Pointe-aux-Trembles– Boucherville, voire Varennes, ça peut devenir très intéressant pour faciliter les déplacements. Il y aurait moyen aussi de partir de Terrebonne et de Repentigny. Le fleuve est un chemin, ce n’est pas un obstacle », poursuit M. Tanguay.

Il faut vraiment voir la fermeture du tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine comme une opportunité. Tout le monde est en recherche de solutions. Et la navette fluviale sera un plan B qui peut être très porteur.

Gilles Tanguay, directeur des opérations de Navark

L’ARTM croit aussi pouvoir mousser la navette encore davantage, car au printemps prochain, les travaux au pont-tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine, qui s’échelonneront jusqu’en 2025, seront déjà bien amorcés. L’organisme ne ferme d’ailleurs pas la porte à un élargissement du nombre de liaisons. « Tout est sur la table à ce moment-ci, résume M. Charbonneau. Il y a des gens qui ont déjà levé la main pour développer d’autres trajets. Il y a des discussions budgétaires à avoir. »

« Ce qui est certain, c’est qu’on va revenir ce printemps avec des navettes qui vont servir de solutions au chantier dans le tunnel La Fontaine. On regarde même pour débuter plus tôt que la saison dernière », ajoute le porte-parole, précisant qu’une contribution de BIXI Montréal est aussi en vue.

L’an dernier, une enveloppe de 8,1 millions avait été consacrée au budget des navettes fluviales pour la saison. Cette somme devrait demeurer dans les mêmes eaux, le transport collectif n’étant pas exactement dans une situation d’abondance, vu les pertes faramineuses engendrées par la pandémie. « Pour nous, c’est important qu’un dollar investi se traduise par un maximum de services. Tous les partenaires vont devoir en discuter », conclut Simon Charbonneau.

Le pont Victoria contribuera

Au Canadien National, le porte-parole Jonathan Abecassis a confirmé mardi que l’organisme a contacté le ministère des Transports du Québec (MTQ) afin de « proposer des solutions mettant le pont Victoria à contribution pour alléger les problèmes de circulation envisagés par la fermeture du tunnel La Fontaine ». Le CN se dit aussi « en discussions » avec exo, afin d’explorer les « possibilités d’optimisation » sur la ligne Mont-Saint-Hilaire, qu’on envisage de bonifier. Par ailleurs, les travaux de réfection en cours sur le pont Victoria, qui ont été lancés en mars, devraient se terminer « à la fin novembre de cette année », selon M. Abecassis.