Les bureaux des archéologues impliqués dans la transformation de l’hôpital Royal Victoria ont récemment été vandalisés dans une nouvelle escalade de l’opposition au projet, accusé de violer de potentielles tombes autochtones.

Des individus cagoulés et vêtus de noir ont fait irruption vendredi dernier chez Arkéos – effrayant les employés présents – avant de peindre des graffitis sur les murs et de détruire du mobilier.

« La surprise était totale. Ça s’est fait vite, ils étaient bien organisés », a décrit l’archéologue David Tessier, patron de la firme, en entrevue avec La Presse. Il a porté plainte à la police et tente actuellement d’évaluer le coût des dommages.

L'action a été revendiquée par des militants d’extrême gauche qui n’ont pas révélé leur identité. Ils s’opposent à l’attribution d’une partie de l’ancien hôpital à l’Université McGill, qui compte y installer un campus environnemental. Les projets de réfection commencent à peine et des fouilles archéologiques sont prévues à court terme.

« En tant que colons anarchistes et complices, nous avons décidé d’attaquer Arkéos aujourd’hui, car nous voulons leur faire savoir qu’ils portent également une responsabilité dans le projet colonial initié par McGill », ont-ils indiqué dans leur communiqué de revendication, publié sur une plateforme fréquemment utilisée par ces militants. « Si vous ne voulez pas pleurer à cause de quelques boîtes renversées et de la saleté sur vos luxueux canapés, la meilleure solution serait probablement de ne pas accepter de fucking contrats coloniaux. »

PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

Des affiches contre les fouilles archéologiques ont été installées près de l'hôpital Royal Victoria.

La même plateforme avait servi à annoncer la tenue d’un campement d’opposition au projet, la semaine précédente. Celui-ci avait été rapidement démantelé.

« Totalement opposés à l’intervention archéologique »

La cellule anonyme a indiqué agir en appui à Mères mohawkes, groupe de militantes opposées aux travaux de transformation de l’hôpital Royal Victoria.

Elles allèguent que des enfants autochtones pourraient avoir été enterrés il y a quelques décennies à peine sur place, sur le terrain d’un institut de recherche au passé controversé. Par ailleurs, elles s’inquiètent pour les sépultures vieilles de plusieurs siècles qui pourraient se trouver sur place. Plus globalement, elles affirment que le mont Royal fait partie d’un territoire non cédé et que tout projet nécessiterait l’approbation des communautés autochtones concernées.

« Nous sommes totalement opposés à l’intervention archéologique dans sa forme actuelle », ont-elles écrit la semaine dernière dans un communiqué. « Perturber les lieux de sépulture autochtones ancestraux et récents est une question très sérieuse dans notre culture. »

Le groupe Mères mohawkes s’est toutefois dissocié de l'action contre les bureaux d’Arkéos. « Nous sommes faussement considérés comme les principaux suspects dans l’organisation de ces actions, risquant ainsi des perquisitions et des poursuites policières, même si nous n’avons absolument rien à voir avec tout cela », indique un communiqué publié en début de semaine. Le groupe dit préférer la voie judiciaire et a déposé une demande d’injonction pour faire arrêter les travaux. Elle devrait être entendue dans deux semaines.

L’attaché de presse francophone du groupe, qui s’identifie sous le nom Okwaraken, a indiqué qu’elles n’avaient rien à ajouter au sujet de l'action contre Arkéos. Il a ajouté qu’elles comptaient faire valoir devant la justice que les fouilles qui commenceront bientôt ne suivent « aucune recommandation de la Commission [de] vérité et [de] réconciliation et de l’Association canadienne d’archéologie pour la recherche de tombes anonymes ». Ces recommandations font valoir que les recherches de tombes anonymes doivent être coordonnées par les communautés autochtones elles-mêmes. « C’est tout bonnement inexplicable », a-t-il ajouté.

Arkéos demeure impliqué

Du côté d’Arkéos, on affirme que l’attaque de vendredi ne convaincra pas la firme de se retirer du projet. « On ne veut pas que [les ouvriers] creusent sans qu’il y ait d’archéologues. Ce serait vraiment une perte », a dit M. Tessier. À son avis, aucune autre firme ne voudrait s’impliquer dans un projet devenu si politiquement explosif.

L’archéologue a souligné qu’il ne faut pas confondre le groupe Mères mohawkes avec la communauté mohawke. M. Tessier a fait valoir que sa firme avait reçu des feux verts du conseil de bande et des aînés de la communauté.

Il a ajouté que les allégations selon lesquelles des tombes relativement récentes pourraient se trouver sur le site ne sont appuyées sur aucun fait concret. La recherche de telles tombes relève davantage du travail policier que de l’archéologie, a-t-il dit.

Ce n’est pas la première fois que des militants d’extrême gauche s'en prennent à des sous-traitants de projets auxquels ils s’opposent. Plusieurs entreprises et individus liés à la construction d’une prison pour migrants à Laval ont été visés par des attaques : la voiture d’un architecte avait même été brûlée en 2019.