(Montréal) Un rassemblement a eu lieu samedi avant-midi à la place Émilie-Gamelin, à Montréal, pour demander l’abolition des électrochocs en psychiatrie. Cette manifestation a lieu à l’occasion de la fête des Mères, car selon les organisateurs, les deux tiers des électrochocs sont donnés à des femmes.

Selon des données partagées par le comité Pare-chocs, un regroupement d’organismes militant pour l’abolition des électrochocs au Québec, 50 % des électrochocs seraient donnés à des femmes de 50 ans et plus et 41 % à des personnes âgées de 65 ans et plus. Près de 10 % seraient administrés à des femmes de 80 ans et plus.

Le regroupement indique que le Québec est passé de 4000 séances d’électrochocs en 1988 à plus de 11 000 en 2017. Le porte-parole de Pare-chocs, Ghislain Goulet, revendique que les électrochocs soient abolis. À court terme, il désire que ce traitement soit placé sous « haute surveillance » et qu’il fasse l’objet d’un débat public.

La coordonnatrice du Réseau des Tables régionales des groupes de femmes du Québec, Marie-Andrée Gauthier, dénonce que les femmes soient davantage ciblées dans les traitements d’électrochocs.

« En 2022, non seulement ont utilisent encore les électrochocs dans certains hôpitaux du Québec, mais les femmes sont encore surreprésentées », déclare Mme Gauthier.

Elle estime que les électrochocs administrés à ces femmes sans leur consentement libre et éclairé s’inscrivent dans un continuum de violence genrée.

C’était la 14e fois que cette manifestation se déroulait. L’évènement avait pris une pause de deux ans en raison de la pandémie.

La directrice générale de l’Association des groupes d’interventions en défense des droits en santé du Québec, Doris Provencher, s’est dite exaspérée de répéter au gouvernement le même message année après année. « Je suis tannée de toujours venir ici et de cogner sur le même clou », a-t-elle déclaré.

Électrochocs à une dame de 82 ans

En mars dernier, un jugement de la Cour supérieure du Québec a autorisé un centre hospitalier de l’Abitibi-Témiscamingue à faire subir à une dame de 82 ans, contre son gré, un maximum de 12 séances d’électro de convulsivothérapie (électrochocs).

L’ordonnance prévoit aussi des mesures de contention chimiques ou physiques en cas d’opposition physique « afin d’assurer sa sécurité ou celle d’autrui ». La dame pourrait donc être attachée par exemple pour recevoir le soin.

Doris Provencher estime qu’il s’agit d’un cas flagrant de maltraitance. « Au Québec il existe une loi sur la maltraitance […] et quand tu te retrouves avec une ordonnance de traitement comme la dame de l’Abitibi, tu es en situation de vulnérabilité », dénonce-t-elle.

Les causes qui ont amené l’état de détresse de l’octogénaire ne sont pas spécifiées dans l’ordonnance.

Enjeu méconnu

Des dizaines de manifestants étaient présents samedi en espérant que leur message sera entendu par le gouvernement du Québec, mais ils souhaitent surtout sensibiliser la population sur cette technique méconnue qui est de plus en plus pratiquée.

Ghislain Goulet mentionne que bien qu’il existe des statistiques quantitatives sur le nombre d’électrochocs administrés, il y a « aucun suivi sur cette technique risqué et controversé ». On ne sait pas par exemple si des décès sont reliés à ce traitement, dit-il.

« On veut se faire entendre par le public. La plupart des gens pensent que ça n’existe plus depuis les années 1950, mais ce n’est pas le cas. C’est en pleine expansion même. On veut sensibiliser la population à cette technique qui existe encore », indique M. Goulet.

Ce dernier dénonce aussi les disparités sur le nombre de fois que les électrochocs sont utilisés en psychiatrie entre les différentes régions du Québec.

Selon des données de la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ), le Centre-du-Québec est le secteur qui a le plus souvent recours à cette pratique. Plus de 1550 électrochocs ont été pratiqués en 2019, soit un taux de 6,5 par 1000 habitants, ce qui est environ six fois plus élevé que la moyenne de l’ensemble du Québec qui s’élève à 1,5.