Des promoteurs et groupes immobiliers tirent à boulets rouges sur l’administration Plante, qu’ils accusent de flagrant « manque d’écoute » et de dialogue dans le dossier du redéveloppement du secteur Bridge-Bonaventure. D’après trois acteurs de l’industrie, la Ville se dirige vers un projet carrément « sous-développé ».

« Leur vision propose seulement 17 unités d’habitation à l’hectare, ce qui est une sous-densification marquée lorsqu’on sait qu’on est face à une crise du logement. On pense que ce développement n’est socialement pas responsable, compte tenu des enjeux auxquels on devrait faire face », affirme le président de la firme COPRIM, Vianney Bélanger.

Accusant Montréal de « ghettoïser » le développement immobilier, les promoteurs – qui avaient convié les médias à un point de presse virtuel lundi – estiment plutôt pouvoir construire entre 12 000 et 15 000 logements dans le secteur. C’est au moins trois fois plus que la cible de l’administration Plante, qui a fixé il y a quelques semaines à 4000 le nombre d’unités qu’elle prévoit construire, dont 1270 logements sociaux et abordables ainsi que 320 logements familiaux.

« Ça manque de réalisme »

Or, pour M. Bélanger, la vision de la Ville « provient du XXsiècle ». « Les changements climatiques, l’étalement urbain, la crise du logement, tout ça, c’est comme si c’est absent de ce débat. Et avec leur processus, on en a encore pour trois ans de consultation. Ça manque de réalisme, de responsabilités. S’il n’y a pas un changement d’attitude et une vraie consultation ouverte, franche, on s’en va vers un projet qu’on va tous pouvoir regretter », ajoute le promoteur.

Le vice-président au développement immobilier du groupe MACH, Cédric Constantin, affirme que cette attitude joue contre l’intérêt de la population. « Dans l’approche qu’on a proposée à la Ville, on a privilégié des immeubles de faible empreinte au sol de façon à dégager des espaces verts au sol. Malheureusement, la Ville – dans son idée de vouloir privilégier des activités économiques – vient proposer des immeubles avec très peu d’empreintes au sol, et donc, très peu d’espaces verts », illustre-t-il. Pour lui, la Ville agit carrément « comme une dictature » en refusant d’écouter les revendications de l’industrie.

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Robert Beaudry, responsable des dossiers d’urbanisme au comité exécutif de Montréal

Joint par La Presse, le responsable des dossiers d’urbanisme au comité exécutif, Robert Beaudry, se dit « bouche bée » par la sortie des promoteurs, qui ont pourtant multiplié les rencontres avec le comité exécutif, selon ses dires. « Pas plus tard que la semaine dernière, le président du groupe MACH, par exemple, était dans le bureau de la mairesse. On travaille avec eux sur de nombreux projets », rétorque-t-il.

M. Beaudry affirme que les promoteurs occupent « trois sièges » sur la table de concertation, qui devait justement se réunir ce lundi, en plus d’avoir été « rencontrés en amont du dépôt des différentes visions ». « Ils vont aussi participer à la consultation qui viendra devant l’OCPM », ajoute l’élu municipal. « Ils ne se sentiront pas écoutés jusqu’au jour où on va décider de faire exactement ce qu’ils demandent. Mais ce n’est pas le rôle de la Ville. On ne travaille pas pour les promoteurs, on travaille pour la population. »

Une invitation au public

Le président de la société Devimco, Serge Goulet, a quant à lui fait valoir lundi que la Ville est « en train d’instrumentaliser des activités de consultation » pour cautionner « sa vision ».

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

Serge Goulet, président de Devimco

On est en train de se passer de ressources et de compétences dont Montréal aurait besoin. Le privé n’est pas à la table.

Serge Goulet, président de Devimco

« Ça fait trois ans qu’on essaie de se faire entendre. On a dû forcer la porte pour que la table de concertation accepte l’Institut de développement urbain (IDU) avec des développeurs privés », ajoute Serge Goulet, pour qui les démarches de consultation sont « improvisées » et « manquent de transparence ». Il réclame un « débat de fond » sur la manière qu’a la Ville de travailler avec le privé.

Son groupe convie ainsi le public montréalais à une grande journée « portes ouvertes » prévue le 31 mai prochain, dont les détails seront révélés au cours des prochains jours. « On veut que toute la population ait l’occasion de voir notre vision à nous, notre façon de rendre ce projet-là responsable économiquement, socialement et du point de vue environnemental. On va vous montrer ce que sont nos compétences, notre vision et nos ressources », conclut M. Goulet.

« Est-ce que les citoyens sont d’accord à payer de leurs taxes un projet sous-développé, alors qu’un projet responsable s’autofinancerait ? Moi, ça m’intéresse de poser cette question-là, mais présentement, avec la plateforme qu’on nous donne, on n’est pas capables. On est bâillonnés », conclut-il.

En savoir plus
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    Nombre d’hectares de nouveaux espaces verts publics que la Ville de Montréal veut créer dans ce secteur. L’administration Plante souhaite également ajouter cinq kilomètres de berges, le long du fleuve et du canal de Lachine, une station REM et une douzaine de kilomètres de voies cyclables de part et d’autre de la nouvelle promenade.
    source : Ville de montréal