Le gardien de l’éthique de la Société de transport de Montréal (STM) se retrouve lui-même en potentiel conflit d’intérêts depuis qu’il dirige en parallèle la Ville de Longueuil, a appris La Presse.

Sylvain Joly, avocat en chef de la STM, est élu municipal dans son quartier de la Rive-Sud depuis 2013. Mais l’automne dernier, il a été nommé au comité exécutif de la mairesse Catherine Fournier, l’équivalent d’un conseil des ministres au municipal. Il y est responsable du dossier de la circulation.

Ce double emploi de MJoly le place dans une situation périlleuse, selon un ex-élu qui a siégé pendant 17 ans au conseil d’administration de la STM. « Notre code d’éthique dit clairement qu’on ne doit pas seulement éviter les conflits d’intérêts, mais aussi l’apparence de conflits d’intérêts », a affirmé Marvin Rotrand en entrevue téléphonique avec La Presse.

M. Rotrand dit connaître et respecter MJoly, puisque ce dernier assiste à toutes les réunions du C.A. de l’organisation. Il n’a aucune raison de douter de sa probité. Toutefois, « la prudence voudrait qu’il choisisse entre les deux rôles. Qu’il n’occupe pas les deux à la fois ».

La Ville de Longueuil et la STM sont liées par des ententes, notamment concernant la station de métro qui se trouve sur le territoire de la municipalité. La STM et le Réseau de transport de Longueuil (RTL) s’adressent aux mêmes bailleurs de fonds pour leurs projets de développement et le financement régulier des deux entités est assuré par le même organisme, l’Autorité régionale de transport de Montréal (ARTM).

Responsable de l’éthique

MJoly travaille comme avocat à la STM depuis plus de 30 ans et s’est hissé jusqu’au sommet de son service. En plus d’assister aux rencontres du conseil d’administration en qualité de secrétaire de la corporation, il siège aussi à son comité de gouvernance et d’éthique.

« Suite à mon élection, l’ensemble des mesures requises ont été mises en place pour éviter toute situation de conflit d’intérêts qui pourrait découler de la situation. Une véritable cloison a été érigée entre les deux entités », a plaidé Sylvain Joly dans une déclaration écrite transmise par la STM.

Il n’existe d’ailleurs pas nécessairement d’incompatibilité à occuper un emploi et une fonction d’élu dans la mesure où les mesures éthiques sont prises.

Sylvain Joly, dans une déclaration écrite transmise par la STM

M. Joly a assuré que la « cloison » en question avait été « validée par un spécialiste indépendant ».

Le Code d’éthique de la STM établit que c’est lui qui est responsable des dossiers déontologiques au sein de l’organisation : les employés et les administrateurs lui remettent des déclarations d’intérêts, il doit les conseiller dans des situations délicates et trancher les débats éthiques. « Le Secrétaire corporatif [MJoly] est responsable de l’interprétation du Code d’éthique », indique le document. « Nous pouvons tous communiquer avec lui pour obtenir conseil en ces matières et s’en remettre à ses recommandations. »

Selon son échelle salariale, il gagne entre 165 000 $ et 183 000 $ à la STM.

À la Ville de Longueuil, son travail lui vaut un traitement d’environ 75 000 $, selon les données disponibles dans un rapport de 2020. Il est membre de la Commission de l’éthique, de la gouvernance et de la démocratie de la municipalité.

« Irréprochable »

Les deux organisations auxquelles Sylvain Joly a prêté allégeance ne voient pas de problèmes à se partager ses services.

« La qualité et la probité du travail qui est accompli par M. Joly à la STM, ainsi que son respect de l’éthique et de l’ensemble des aspects juridiques et réglementaires qui encadrent ses fonctions, c’est irréprochable », a réagi Philippe Déry, porte-parole de l’organisation.

Dès sa première élection comme conseiller municipal de Longueuil, en 2013, des mesures avaient été mises en place pour éviter les conflits d’intérêts, a-t-il rapporté. L’aide d’un conseiller en éthique de l’Union des municipalités du Québec avait été sollicitée.

« Son entourage professionnel a été avisé de son implication politique afin d’éviter que tout dossier qui touche ou qui pourrait toucher – de près ou de loin – la Ville de Longueuil et/ou le RTL soit mentionné ou discuté en sa présence », a continué M. Déry. « Toutes les mesures d’encadrement nécessaires ont été mises en place. »

À Longueuil, on voit les choses du même œil.

« Nous nous sommes notamment assurés que M. Joly soumette sa déclaration d’intérêts pécuniaires dans les premiers jours de son mandat », a indiqué par écrit Camille Desrosiers-Laferrière, attachée de presse au cabinet de la mairesse de Longueuil. « M. Joly nous a également confirmé avoir envoyé un avis écrit à ses subordonnés [de la STM] afin qu’il soit clair qu’ils ne devaient pas l’entretenir des dossiers qui pourraient avoir un quelconque lien avec la Ville de Longueuil. »

« Nous sommes reconnaissants de la transparence avec laquelle M. Joly a amorcé ses nouvelles fonctions, de même que pour son sens de l’éthique et sa rigueur qui l’honorent », a-t-elle ajouté.