Après des mois de tensions, Valérie Plante veut rebâtir les ponts avec les grands promoteurs immobiliers de Montréal en doublant le nombre de ménages admissibles à son programme d’aide financière à l’achat.

Dans un discours devant l’industrie, ce mardi, la mairesse tentera de les convaincre de mettre la main à la pâte afin qu’ils contribuent à livrer les 60 000 logements abordables qu’elle a promis aux Montréalais, a appris La Presse.

Première main tendue de Mme Plante : Montréal augmentera le nombre de ménages admissibles au programme d’appui à l’acquisition résidentielle (PAAR), qui verse jusqu’à 15 000 $ aux familles qui achètent une première propriété à Montréal. L’administration augmentera de façon importante le prix d’achat maximal pour être admissible jusqu’à 725 000 $ pour un logement existant (en hausse de 15 %) et jusqu’à 610 000 $ pour un logement neuf au centre-ville (en hausse de 35 %).

« Selon les estimations, les ajustements effectués au PAAR feront en sorte d’en doubler le nombre annuel de demandes potentielles par rapport à l’année 2021. Le budget des programmes en habitation peut absorber ces nouvelles demandes », indique un document municipal obtenu par La Presse.

Près de 7000 ménages ont profité de ce programme depuis 2018.

En plus d’inciter les familles à rester à Montréal – et particulièrement au centre-ville, où elles jouissent de davantage de subventions –, le programme cherche à stimuler la construction résidentielle. De telles subventions augmentent le bassin d’acheteurs potentiels et plaisent donc aux développeurs.

Besoin de collaboration

Valérie Plante prendra la parole dans le cadre d’un évènement organisé par l’Institut du développement urbain (IDU), l’organisation qui représente les promoteurs immobiliers.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

La Ville de Montréal espère voir naître un écoquartier sur le site de l’ancien hippodrome Blue Bonnets.

C’est que la mairesse a besoin d’eux si elle souhaite remplir la promesse phare de sa dernière élection : démarrer un grand chantier qui verrait 60 000 logements abordables sortir de terre à Montréal. Son administration veut notamment développer les terrains de l’ancien hippodrome Blue Bonnets ou de l’ex-cour de voirie de Louvain Est. La Ville peut favoriser le développement, mais elle ne construit jamais elle-même d’immeubles résidentiels.

« Nous devons nous y prendre intelligemment si nous voulons que ces logements soient offerts aux familles et à la classe moyenne, qui en ont cruellement besoin, et éviter qu’ils n’atterrissent entre les mains de gens plus fortunés, comme l’a permis le programme en place sous les administrations précédentes, déclarait la mairesse Plante en campagne électorale. Nous savons que la déréglementation du marché ne fonctionne pas et qu’il faut plutôt donner un coup de pouce au marché. »

Tensions

Depuis plusieurs mois, les relations sont difficiles entre l’administration municipale et l’industrie immobilière.

Mme Plante a fait adopter l’an dernier un règlement municipal « sur la métropole mixte » (RMM) qui force les promoteurs à inclure 20 % de logement social, 20 % de logement abordable et 20 % de logement familial dans tous leurs nouveaux projets résidentiels.

« Laisser le marché fonctionner tout seul, clairement, ça n’a pas fonctionné », avait-elle affirmé juste avant l’adoption du règlement. « On a fait nos devoirs, on a fait des compromis, mais là, il est le temps d’agir. […] Les familles qui ont de la misère à se payer leur logement même s’ils ont tous les deux un bon salaire, c’est eux, la classe moyenne. C’est eux qui ont besoin de se loger, c’est eux qui ont besoin de nous. »

Cette initiative a fait rager l’industrie, qui fait valoir qu’un encadrement aussi strict découragera la construction à Montréal et favorisera l’exil vers les banlieues. Les coûts associés à ces logements imposés par la Ville seront transférés aux autres acheteurs, affirme l’industrie.

« Proposer, comme le fait le règlement, de hausser encore davantage les prix est incohérent et contre-productif », avait déploré Jean-Marc Fournier, porte-parole de l’industrie, dans une lettre ouverte. « On propose une mesure réglementaire pour atteindre des objectifs sociaux qui relèvent normalement de la responsabilité des gouvernements supérieurs. À notre avis, il y a d’autres moyens qui peuvent être envisagés pour atteindre la même finalité en évitant que Montréal ne se tire dans le pied en poussant davantage les familles vers les banlieues. »

La campagne électorale municipale de l’automne dernier a aussi cristallisé une certaine opposition entre les promoteurs immobiliers et Valérie Plante. Cette dernière a ardemment défendu son RMM ainsi que l’interdiction de construire des gratte-ciel plus élevés que le mont Royal au centre-ville. Son équipe a fait valoir que Denis Coderre – qui a travaillé pour le géant de l’immobilier COGIR – était à la solde de l’industrie.