Si des effluves de cappuccino vous titillent les narines au parc Père-Marquette, dans Rosemont, ne cherchez pas une brûlerie voisine du regard : le café – glacé – se trouve sous vos pieds.

Depuis le début de l’hiver, les cols bleus de l’arrondissement testent le café moulu comme antidérapant afin de remplacer le gravier sur un chemin du parc. Un projet pilote limité, le temps d’étudier l’efficacité de l’originale idée.

« On veut voir c’est quoi, l’effet abrasif du café. Ce n’est pas du marc de café : c’est du café qui n’a pas été utilisé », a expliqué Ariane Goyette, cheffe de la Division des parcs et des installations à l’arrondissement de Rosemont–La Petite-Patrie, en entrevue avec La Presse.

Le projet a vu le jour après que les installations locales de Keurig, fabricant de capsules de café, eurent offert leurs rejets industriels à la Ville de Montréal. Il s’agit de café qui n’a pas passé le contrôle de qualité parce que – par exemple – sa mouture ou sa torréfaction n’était pas parfaite.

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Montréal épand du café pour éviter que les gens glissent sur la glace au parc Père-Marquette dans l’arrondissement de Rosemont–La Petite-Patrie à Montréal (projet-pilote).

« Nous avons identifié plusieurs opportunités pour les résidus de café, dont la production de fertilisant biologique, de cuirs véganes et finalement l’utilisation du café moulu en remplacement des abrasifs requis l’hiver sur les routes, trottoirs et sentiers – une initiative explorée récemment dans quelques villes européennes », a expliqué par courriel Marie-Anne Champoux-Guimond, directrice du développement durable de Keurig Dr Pepper Canada. Son usine montréalaise est située dans Saint-Michel.

Résultat : café à volonté au parc Père-Marquette. Les cols bleus ont étendu des centaines de kilos de café jusqu’à maintenant à l’aide de la machinerie qu’ils utilisent normalement pour le gravier ou le sable.

Constats contrastés

Comme il s’agit d’un projet pilote, un unique chemin du parc profite actuellement d’un couvert caféiné.

Jusqu’à maintenant, l’arrondissement note que « ce n’est pas aussi abrasif que du sable ou du sel. Sur la glace, ce n’était pas concluant. Mais quand c’est comme ça [en neige], on dirait que c’est mieux, a indiqué Mme Goyette. On ne fait pas de mélanges. On veut voir ce que ça donne, le café tout seul. »

Avant le premier épandage, les services municipaux ont plongé dans les études scientifiques afin de déterminer quel impact pourrait avoir le café sur l’écosystème des parcs urbains. Aucun risque évident n’a été identifié, a indiqué Ariane Goyette.

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Ariane Goyette, cheffe de la Division des parcs et des installations à l’arrondissement de Rosemont–La Petite-Patrie

« On s’en sert déjà [du café] pour faire du compost, a-t-elle dit. Pour les animaux, il n’y a pas tellement de données scientifiques. […] Mais la probabilité qu’un chien en mange suffisamment [pour avoir des effets]… »

Comme matière organique, le café a l’avantage de se dégrader progressivement avec le temps, contrairement au gravier qui doit souvent être balayé au printemps. Comme Keurig fournit gratuitement la matière dans le quartier voisin, l’arrondissement fait aussi des économies en approvisionnement et en transport.

Dans les garages de l’arrondissement, rue des Carrières, l’immense poche de café se vide rapidement depuis le début de l’hiver. « Il va falloir aller en chercher d’autre », constate Mme Goyette. Un petit réchaud pour passer à travers la saison froide.