Il est interdit de se procurer une arme dans le but de se défendre. La loi canadienne ne le permet pas. Pourtant, une minorité de résidants du nord-est de Montréal ont décidé de le faire récemment. Jeunes professionnels ou mères de famille, ils possèdent leur permis de possession et d'acquisition d'arme ou souhaitent l’obtenir. Leur profil ne correspond en rien à celui des criminels notoires.

Des Montréalais ont accepté de se confier à La Presse à condition de demeurer anonymes. Beaucoup sont conscients que le fait de se procurer une arme pour se défendre n’est pas permis, alors que d’autres ne souhaitent pas que leur voisinage apprenne qu’ils possèdent un permis de possession et d'acquisition d'arme.

Anastasia*, une mère de Montréal-Nord établie depuis peu à Saint-Léonard, en a eu assez des douilles retrouvées au parc ou en bordure d’un trottoir. « Quand tu entends les coups de feu ou que c’est proche de chez toi, tu te mets vraiment à avoir peur de la balle perdue. »

Elle a pris sa décision en janvier dernier. Elle entame les procédures pour obtenir un permis de possession et d'acquisition d’arme. Elle est consciente qu’il est interdit par la loi de se procurer un pistolet avec la défense comme objectif. Il est également défendu de transporter une arme à autorisation restreinte pour les détenteurs de permis, sauf avec une autorisation pour se vers une activité récréative, comme un centre de tir.

Les armes sont devenues tellement banales dans mon secteur que je me dis : pourquoi ne pas apprendre et avoir cette sécurité chez moi ? Peut-être que c’est dans ma tête, mais à force d’en entendre parler, j’ai fait le saut.

Anastasia*, mère de Montréal-Nord établie depuis peu à Saint-Léonard

Pour se rassurer

L’insécurité ressentie par certains Montréalais fait-elle proliférer le recours aux armes ? Est-ce qu’une culture des armes à l’américaine s’implante au Québec ? Pas tout à fait, pense Emmanuel*, père de famille dans la fin de la trentaine. Les démarches pour obtenir son permis de possession et d'acquisition d'arme ont été entamées bien avant la médiatisation des fusillades. « Dans mon cas, c’est un intérêt personnel. J’ai des amis qui vont à la chasse et j’aimerais ça y aller. »

Mais savoir manipuler une arme le rassure, admet-il. Surtout dans un contexte d’insécurité dans certains coins de la métropole. « Je ne l’ai pas fait pour me défendre, mais ça pèse dans la balance de me dire que s’il arrive de quoi, je sais comment ça [une arme] fonctionne. C’est vrai que je me sens plus en sécurité. »

Sa femme et lui déménageront d’ailleurs bientôt en banlieue. « On avait déjà ce plan. Mais avec ce qui se passe à Montréal, on l’a accéléré pour nos enfants », explique l’homme de 37 ans.

Une balle perdue, ça peut arriver à n’importe qui.

Emmanuel*, père de famille

Pour sa conjointe Sarah*, le motif est clair : les nombreuses fusillades l’ont poussée à apprendre à manipuler une arme. Elle souhaite se protéger si un danger survient chez elle ou dans sa cour.

« J’espère ne pas avoir à le faire, mais je ne comprends pas ce qui se passe à Montréal », confie-t-elle. Originaire du quartier Saint-Michel, elle s’est toujours méfiée des armes à feu. Les fusillades ne datent pas d’hier, mais elles arrivent désormais à toute heure de la journée. « Moi, je le vois de même. C’est mieux d’avoir quelque chose que de ne rien avoir. Je veux aussi prendre des cours d’autodéfense. Ça ne va pas me rassurer à 100 %, mais c’est déjà un début. »

Laurie* possède elle aussi son permis. Mais à l’inverse, elle avertit quiconque que les pistolets ne doivent pas être utilisés pour se protéger. Le sérieux des démarches qu’elle considère comme bien encadrées lui a fait réaliser qu’il ne faut pas prendre les armes à la légère. « J’ai toujours entendu parler des armes, ça a toujours été quelque chose qui m’a intéressée. Je prenais ça un peu plus à la légère. Mais depuis que j’ai fait le cours, je comprends à quel point c’est dangereux. On te fait bien comprendre les dangers, même si ça demeure récréatif. Ce n’est pas un jeu ni une blague, ni quelque chose pour se défendre. »

*Prénoms fictifs

Une version précédente de cet article parlait de permis de port d'arme. Or, les Montréalais interviewés cherchent en fait à obtenir un permis de possession et d'acquisition.