Avec la victoire de Valérie Plante et Projet Montréal dimanche, Dominique Ollivier deviendra présidente du comité exécutif de la Ville de Montréal. Relisez notre portrait, publié à la fin du mois d'octobre.

D’Haïti au Québec, de l’Abitibi à Montréal, de l’écriture à la politique : les contrastes ont forgé Dominique Ollivier, qui est présentée comme la future numéro deux de la Ville de Montréal si Valérie Plante remporte les élections du 7 novembre.

« Après 12 ans à faire des recommandations basées sur l’intérêt public, c’était l’occasion ou jamais d’amener ces préoccupations dans un espace de décision », commence Dominique Ollivier, attablée devant un café au lait à La Cloche à Fromage, près des Shops Angus. Habillée avec sobriété, le regard clair derrière ses lunettes, celle qui a été présidente de l’Office de consultation publique de Montréal (OCPM) pendant sept ans et commissaire pendant près de six ans en impose par son calme.

La femme de 57 ans est candidate comme conseillère municipale pour le district du Vieux-Rosemont. Si Projet Montréal remporte la course électorale, elle sera présidente du comité exécutif à l’hôtel de ville, devenant la quatrième femme à occuper ce poste, et la première femme noire.

Ses priorités : assurer une saine gestion du budget, des ressources et de la main-d’œuvre pour la transition écologique, favoriser la diversité et la lutte contre les inégalités et rétablir les ponts entre la métropole du Québec et les régions.

« Irrémédiablement Québécoise »

C’est que le Québec, Dominique Ollivier le connaît sous ses différentes formes. Elle est arrivée en Abitibi à l’âge de deux ans et demi, et l’accueil chaleureux que sa famille a reçu a favorisé son intégration. « J’ai plein de beaux souvenirs, de jeux dans la neige, de fêtes locales », évoque-t-elle.

Elle est la fille de l’écrivain renommé Émile Ollivier, qui a fui Haïti et le régime Duvalier au milieu des années 1960.

Ses deux parents enseignent en Abitibi, au séminaire d’Amos et à l’école secondaire. Quelques années plus tard, la famille déménage à Montréal.

L’exil laisse une empreinte puissante. « Je viens d’une famille militante, qui était venue [au Québec] pour se "protéger de la pluie" et qui travaillait toujours à un retour improbable [en Haïti] », se souvient-elle. Or, Dominique Ollivier, au fur et à mesure qu’elle grandit, ne souhaite plus ce départ. « Je me sens irrémédiablement Québécoise, ancrée en sol québécois », tranche-t-elle.

Perdre le droit d’exister

Le sentiment d’appartenance ne l’empêche pas de faire face à des expériences difficiles. Alors qu’à l’âge de 6 ans, Dominique Ollivier lance à qui veut l’entendre qu’elle souhaite devenir « maire » de Montréal, à 16 ans, elle espère disparaître. « Je voulais être la personne la plus normale et ordinaire possible, parce que j’avais l’impression que je n’avais pas le droit d’exister », se souvient-elle.

Un constat qui va l’amener à poursuivre ses études supérieures en ingénierie à l’École polytechnique de Montréal, plutôt qu’en communication.

« Il n’y avait personne qui me ressemblait dans le milieu des médias, déplore-t-elle. J’ai eu quelques expériences assez malheureuses qui ont un peu tué en moi le désir d’émerger. »

La jeune femme finit par devenir une spécialiste de la diversité culturelle en fondant un magazine interculturel appelé Images, qu’elle dirige de 1990 à 1995. Elle entame ensuite une carrière au sein du gouvernement du Québec, occupant divers postes au ministère des Relations avec les citoyens et de l’Immigration. En 2003, elle complète une maîtrise en administration publique à Montréal.

Au tournant des années 2000, elle devient conseillère politique pour Gilles Duceppe, chapeautant un chantier de réflexion sur l’identité québécoise pour le Bloc québécois. En 2004, elle est aussi candidate à l’investiture pour le Parti québécois dans Gouin.

J’ai passé une décennie au gouvernement du Québec, au Bloc québécois et au Parti québécois pour faciliter le fait que tout le monde ait une voix, et qu’on finisse par avoir des institutions publiques qui ressemblent au tissu social de la société.

Dominique Ollivier

Pionnière et modèle

Dominique Ollivier en est venue à être un modèle sur lequel peuvent s’appuyer d’autres jeunes femmes.

« J’étais dans ma cuisine et j’ai crié très, très fort [quand j’ai su que Mme Ollivier se présentait pour Projet Montréal] », raconte en riant Ericka Alneus, candidate dans le district Étienne-Desmarteau, dans Rosemont–La Petite-Patrie.

Dominique Ollivier affirme que le leadership de Valérie Plante l’a encouragée à faire le saut en politique municipale. « Pour moi, c’est la personne qui fait tout ce qui est impossible », souligne-t-elle. Parmi ces impossibilités, représenter la diversité de Montréal.

L’autre jour, dans un parc, on était neuf femmes noires en train de discuter de l’avenir de Montréal. J’ai attendu toute ma vie pour ça !

Dominique Ollivier

Dominique Ollivier a l’envergure intellectuelle et la capacité de mener des débats sur des sujets délicats en désamorçant les tensions, estime Pierre Guillot-Hurtubise, ancien collègue du Bloc québécois. « Elle a un très grand respect du point de vue des uns et des autres et, à cause de son passage à l’OCPM, elle a une grande connaissance des principaux enjeux municipaux », ajoute-t-il.

Tandis qu’elle se promène dans la rue William-Tremblay pour parler de sa candidature aux résidants, sous le soleil d’octobre, Dominique Ollivier sourit avec simplicité.

« Il y a des gens, comme ça, qui sont comme un bon vin, croit Ericka Alneus. Quand ils vieillissent, ils acquièrent souplesse et délicatesse. »