Devant un adversaire empêtré dans une controverse au sujet de ses contrats, Valérie Plante a vanté sa distance avec le milieu économique, la décrivant comme un atout, mercredi, en entrevue éditoriale avec La Presse.

Après avoir passé des années à défendre la crédibilité économique de Projet Montréal, sa cheffe a reconnu qu’il existait toujours un fossé entre elle et les gens d’affaires de Montréal.

« C’est sûr que je ne viens pas de leur milieu. Je l’ai senti souvent que je ne serais jamais de ce milieu-là », a dit Mme Plante, une ex-syndicaliste. À son avis, des acteurs économiques ont en tête cet écart dans leurs relations avec elle : « Ça vient des deux bords, aussi, un peu. De se dire : « Nous, on est comme ci et elle, elle est comme ça. » »

La mairesse a même relevé avoir vécu des occasions où – dans un cocktail ou une cérémonie – elle a interrompu des interlocuteurs un peu trop entreprenants. « Je suis les règles. C’est vrai que parfois il y a des conversations que je n’ai pas parce que je demande aux gens s’ils sont inscrits au Registre des lobbyistes », a-t-elle rapporté.

Je la pose, cette question-là, c’est important. Je représente la Ville de Montréal avec un budget de 6,7 milliards. C’est l’affaire qui me stressait beaucoup quand je suis devenue mairesse.

Valérie Plante

Au Québec, la loi contraint quiconque tente d’influencer les pouvoirs publics de dévoiler publiquement son affiliation.

Mme Plante a toutefois insisté sur le travail de rapprochement qu’elle a effectué avec le milieu des affaires au cours des quatre dernières années. « J’ai travaillé beaucoup avec eux. J’ai été très très présente dans le milieu économique et on a appris à se connaître, a-t-elle dit. Est-ce qu’on est toujours d’accord ? Non. Mais je sens qu’il y a un respect mutuel. »

Prudence sur la « taxe de bienvenue »

Les questions éthiques sont au centre de cette fin de campagne, mais c’est l’habitation qui est l’enjeu principal des élections de dimanche, selon Mme Plante. Et elle soutient être la seule à avoir un plan crédible à ce sujet, en évoquant notamment son règlement 20-20-20, qui prévoit que tout nouveau projet immobilier devra inclure 20 % de logements sociaux, 20 % de logements abordables et 20 % de logements familiaux.

« Je suis très heureuse d’être précurseure, et je pense que c’est le rôle d’une métropole d’être leader en matière d’habitation, affirme-t-elle. On va construire 60 000 logements, et ils seront abordables pendant 40 ans minimum. Il n’y a personne qui fait ça. »

L’habitation, pour moi, c’est un des éléments qui va permettre à Montréal de se démarquer à travers le monde.

Valérie Plante

Une métropole abordable, avec une bonne qualité de vie, permettra aux entreprises frappées par une pénurie de main-d’œuvre d’attirer plus de candidats, fait-elle remarquer.

Elle ne prévoit pas, toutefois, abolir les droits de mutation (la « taxe de bienvenue »), à l’achat d’une propriété, comme l’a évoqué son adversaire Denis Coderre. Cette taxe représente des revenus de 200 millions pour la Ville, qui devraient alors venir d’une autre source, a-t-elle soulevé.

Un décret provincial sur la vaccination ?

Par ailleurs, Valérie Plante est allée plus loin que jamais dans son appui de principe à la vaccination obligatoire de « tous les employés de la Ville » contre la COVID-19. Elle a toutefois évoqué une solution qui passerait par le gouvernement provincial.

« Idéalement, le gouvernement du Québec pourrait mettre – par exemple – un décret pour couvrir l’ensemble de la fonction publique, a-t-elle dit. Ça, ce serait idéal. »

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Valérie Plante

La mairesse a souligné l’importance de se concerter avec les syndicats qui représentent les employés touchés par la mesure « pour ne pas se retrouver avec des chicanes, des conflits » et que, « finalement, ça desserve le citoyen ». Mme Plante a affirmé qu’il fallait à tout prix éviter les ruptures de services qui pourraient être causées par l’exclusion soudaine d’employés non vaccinés.

Début octobre, Denis Coderre a proposé le premier d’imposer la vaccination obligatoire à tous les employés de la Ville de Montréal. À son avis, le gouvernement du Québec verrait d’un œil positif une telle décision du maire de Montréal.

« Les automobilistes doivent s’adapter »

Sur la question de la mobilité, Valérie Plante a admis qu’il pouvait être plus difficile de circuler en voiture à Montréal, en raison des nombreux chantiers, et elle a dit comprendre la frustration de certains automobilistes. Mais elle a aussi souligné que le nombre de voitures ne cessait d’augmenter et estimé que la solution passait par l’amélioration de l’offre de transports en commun.

Elle a aussi défendu, à nouveau, l’implantation de pistes cyclables, notamment le tronçon du Réseau express vélo (REV) qui emprunte la rue Saint-Denis, et qui a retranché une voie de circulation. « C’est vrai que les automobilistes doivent s’adapter, mais on doit partager l’espace public, on n’a pas le choix, » a-t-elle plaidé.

« Sur Saint-Denis, depuis 2014, il y a eu 300 collisions avec des cyclistes et des piétons, 300 ! Et il y a eu trois morts. La piste cyclable qu’on a faite améliore la sécurité, et en plus, 30 nouveaux commerces se sont installés sur Saint-Denis depuis le début de l’année. »