Quelques 6900 employés de la Ville de Montréal ont encaissé plus de 100 000 $ l’an dernier, deux fois plus qu’il y a cinq ans. Quant au club select des fonctionnaires touchant un salaire de plus de 200 000 $, il a presque triplé en taille durant la même période.

Cette croissance rapide inquiète un groupe de défense des contribuables, qui croit que la capacité de payer des Montréalais a dépassé sa limite alors que les finances municipales étaient durement frappées par la pandémie.

Les données ont été rendues publiques après une demande d’accès à l’information de La Presse. La Ville compte environ 23 000 employés.

La Ville a notamment révélé que l’ex-chef de police Philippe Pichet demeurait au troisième rang des employés municipaux les mieux payés en 2020, touchant 280 000 $, trois ans après avoir été écarté de la direction du SPVM.

PHOTO SIMON GIROUX, ARCHIVES LA PRESSE

L’ex-chef de police Philippe Pichet

Seuls le directeur général Serge Lamontagne (366 000 $) et l’un de ses directeurs adjoints Alain Dufort (284 000 $) ont encaissé davantage. Le chef de police Sylvain Caron a reçu 252 000 $. Tous sont mieux payés que la mairesse Valérie Plante, qui gagne 196 000 $.

Au total, 60 fonctionnaires ont gagné plus de 200 000 $ en 2020. Ils étaient seulement 24 en 2015.

Des fonctionnaires municipaux très bien payés

« J’aimerais dire que je suis surpris, mais ça fait des années que les données montrent que les employés municipaux au Québec sont beaucoup, beaucoup mieux rémunérés que leurs collègues au privé », a dénoncé Renaud Brossard, porte-parole de la Fédération des contribuables. Il évoque une « grande déconnexion » entre la rémunération des fonctionnaires et les revenus moyens des contribuables montréalais, sur qui repose pourtant le poids de cette masse salariale.

M. Brossard fait notamment référence à une étude de 2019 réalisée par l’Institut de la statistique du Québec (ISQ) et qui conclut que les fonctionnaires municipaux gagnent en moyenne 40 % mieux leur vie qu’un employé du secteur privé effectuant un travail équivalent.

En 2020, la Ville de Montréal a dépensé 1,8 milliard en masse salariale, dont 91 millions en heures supplémentaires.

Il y a un manque de contrôle de la part des élus. Ce n’est pas un problème qui est exclusif à la Ville de Montréal. Il y a un certain laxisme quand vient le temps de négocier les conventions collectives.

Renaud Brossard, porte-parole de la Fédération des contribuables

L’administration Plante n’a pas voulu commenter le dossier.

250 000 $ pour un policier

Parmi les 15 employés les mieux payés par Montréal se glissent trois policiers (non-cadres) qui ont encaissé plus de 225 000 $ en 2020. L’un d’eux a même atteint une rémunération de 250 000 $.

Les données de la Ville de Montréal incluent toutefois le montant total touché par ses employés, y compris toute prime et toute somme obtenue en règlement d’un grief. Impossible de savoir si c’est le cas pour ces policiers.

« De façon générale, les dossiers de ressources humaines sont confidentiels », a fait valoir le SPVM dans un courriel à La Presse. « Vous faites référence à des cas spécifiques et à ce titre, nous ne ferons pas de commentaire. » L’organisation n’a pas voulu préciser si elle limitait le nombre d’heures supplémentaires effectuées par ses policiers.

« Règle générale, [les heures supplémentaires sont] un pur produit du manque d’effectifs. C’est vrai pour les infirmières, et c’est aussi vrai pour les policiers et policières », s’est borné à dire Martin Desrochers, responsable des communications pour la Fraternité des policiers de Montréal.

Dans le dossier de Philippe Pichet, le Service de police a précisé qu’une partie de son salaire de 2020 était versée par la Ville de Fermont, où il se trouvait en prêt de service. Il est maintenant chez lui, chargé d’élaborer un « Plan de continuité des opérations » pour le SPVM.

Dans une récente poursuite de 1,1 million, l’homme se plaint d’avoir été « tabletté » et d’avoir reçu une affectation sans importance.

La Ville de Montréal, de son côté, énumère des évènements imprévisibles pour expliquer une partie de la croissance de sa masse salariale : inondations, canicule et COVID-19. « Afin de maintenir les services à la population et d’offrir un soutien aux personnes touchées par ces situations, les employés et employées ont mis l’épaule à la roue, a plaidé la porte-parole Audrey Gauthier par courriel. Le paiement des heures supplémentaires réalisées lors de ces évènements explique en partie les variations salariales. »

Les embauches, l’augmentation des échelles salariales et les paiements rétroactifs à la suite du renouvellement d’une convention collective peuvent aussi avoir contribué, a-t-elle continué.

Avec la collaboration de William Leclerc, La Presse