L’un des candidats vedettes de l’équipe de Denis Coderre dans la communauté anglophone, Joe Ortona, président de la Commission scolaire English-Montréal (CSEM), a été congédié de son poste de procureur municipal à la Ville de Montréal à l’été 2016, a appris La Presse. Son départ serait en partie lié à sa bataille pour contester des contraventions reçues pour s’être garé devant une garderie.

Président et commissaire de la CSEM depuis sept ans, Giuseppe « Joe » Ortona est une figure connue de la communauté anglophone. Il se présente pour le poste de conseiller municipal du district de Loyola dans l’arrondissement de Côte-des-Neiges–Notre-Dame-de-Grâce au sein du parti Ensemble Montréal, du candidat Denis Coderre.

Début juillet, il était décrit comme le « défenseur des institutions anglophones » par le chef de l’opposition Lionel Perez. « La communauté anglophone a aussi besoin de porte-parole », avait déclaré Denis Coderre. Joe Ortona s’est aussi fait connaître du grand public dans le cadre des contestations de la Loi sur la laïcité de l’État (loi 21) et de la loi abolissant les commissions scolaires (loi 40).

Si tout semble lui réussir dans les dernières années, Joe Ortona cache cependant une tache à son CV. L’ancien procureur municipal à la Ville de Montréal – de janvier 2012 à juillet 2016 – a en effet été congédié par son employeur, il y a cinq ans.

Officiellement, l’avocat a démissionné de son poste de procureur municipal. Il a même reçu une lettre de recommandation de la Ville en septembre 2017. Mais cette « démission » découle d’un grief syndical contestant le congédiement du procureur, à l’été 2016. « Il y a eu une entente sur une multitude de griefs avec la Ville de Montréal », résume MJean-Nicolas Loiselle, président du syndicat des juristes de la Ville de Montréal.

« Je n’ai rien à cacher, je n’ai rien à me reprocher », insiste Joe Ortona au bout du fil. S’il ne peut « se défendre » pour expliquer les circonstances de son « départ » de la Ville, c’est parce qu’il est lié par une entente de confidentialité. En 2017, il a accepté de « tourner la page », parce que ses affaires allaient bien depuis son départ, un an plus tôt, affirme-t-il.

Selon un document du Service des affaires juridiques obtenu par La Presse, la Ville de Montréal a accordé en février 2017 un contrat de 22 000 $ à un cabinet externe pour la représenter dans le cadre d’un grief déposé en 2016 « suite au congédiement de M. Giuseppe Ortona ».

Constats d’infraction de stationnement

Les circonstances du congédiement de Joe Ortona demeurent nébuleuses, comme aucun document public ne les détaille. Mais selon une source du monde municipal, qui ne peut s’exprimer publiquement, le départ de Joe Ortona serait lié, au moins en partie, à sa contestation de constats d’infraction de stationnement.

II y en a dans la Ville qui ont considéré que ça, c’était un conflit d’autorité. […] Moi, je suis convaincu que mon départ à la Ville n’était pas lié uniquement à un simple ticket de parking.

Joe Ortona

Selon lui, l’affaire a débuté avant la contestation des constats d’infraction. Il était en effet impliqué dans des griefs concernant le processus d’obtention de permanence.

Joe Ortona a reçu des constats d’infraction deux jours de suite en août 2015 pour s’être garé devant une garderie proche de la cour municipale. Il avait l’habitude de s’y garer depuis trois ans. Sauf que le stationnement y était uniquement permis pendant 15 minutes pour les parents. « Quand je me stationne là, c’est pour déposer mes affaires et revenir immédiatement », s’est-il défendu à l’époque.

À son procès, en juillet 2016, Joe Ortona a ainsi attaqué les règlements municipaux de la Ville pour contester ses propres contraventions. C’est justement ce mois-là qu’il a cessé de travailler pour la Ville. Essentiellement, l’avocat a joué sur les mots en plaidant que le panneau n’interdisait techniquement pas de stationner, puisqu’il s’agissait d’un « P » blanc sans barre rouge dessous.

« Là où je me suis stationné, il n’y a pas de “No parking” », a-t-il plaidé au procès. Le panneau « Réservé garderie » n’avait ainsi aucune « valeur légale », selon MOrtona. « La Ville aurait pu décider de mettre des panneaux où le stationnement est clairement interdit et créer des exceptions », a-t-il fait valoir.

PHOTO CATHERINE LEFEBVRE, COLLABORATION SPÉCIALE

Zone réservée à la garderie située non loin de la cour municipale

Ainsi, il avait reçu à ses yeux un constat en vertu du mauvais article de loi. Sa défense n’a toutefois pas fonctionné, puisque la juge a rejeté ses arguments et l’a condamné à une amende de 40 $. En appel, la Cour supérieure a confirmé cette décision en septembre 2017.

Selon le président du syndicat, la Ville de Montréal n’avait pas de « processus clair » à l’époque quant à la manière dont les employés pouvaient contester leurs propres constats d’infraction. « M. Ortona avait contesté un ticket dans les règles établies à l’époque. C’était le far west », soutient MLoiselle.

Joe Ortona maintient qu’il était dans son droit de contester ses constats. « Sans parler de mon cas à moi, contester un ticket de parking, ce n’est pas une raison de renvoyer quelqu’un », plaide-t-il.