Denis Coderre annonce à mots couverts sa candidature à la mairie de sa « métropole rayonnante » et critique l’« esprit de quartier » de Valérie Plante dans son livre-programme à paraître sous peu.

La Presse a obtenu l’ouvrage auprès d’une source confidentielle, jeudi.

M. Coderre y envisage deux nouvelles lignes de transports en commun inspirées du Réseau express métropolitain (REM), en plus de projeter de boucler la ligne orange du métro de Montréal et d’en prolonger la ligne jaune. Le tout, horizon 2040.

L’ex-maire plaide aussi pour l’importance de la fluidité de la circulation automobile, la nécessité de densifier le centre-ville en autorisant des gratte-ciel plus hauts, l’urgence d’accélérer la décontamination de l’est de Montréal et la possibilité de nationaliser les voies ferrées servant aux transports en commun montréalais. « Nous devrons accepter que le métro à Montréal ne soit plus souterrain à 100 % ni complètement sur pneumatiques », écrit-il.

Il reconnaît les « problèmes réels et inquiétants de profilage racial » au sein du Service de police de la Ville de Montréal et l’existence du racisme systémique.

Il assure aussi avoir pris du recul par rapport à l’homme qu’il était jusqu’en 2017, son annus horribilis, et attribue sa défaite à une « crise personnelle » : il se décrit comme un « homme qui souffrait au plus haut point, mal dans sa peau, au risque de sa propre vie ».

S’il a réussi à se relever, Montréal peut lui aussi se remettre sur pied, fait-il valoir.

« J’ai passé les quatre dernières années à revivre et à me retrouver. Plus j’avançais dans la rédaction de ce livre, plus je me sentais comme dans [un] cercle de guérison », écrit-il, en frôlant l’annonce de sa candidature aux élections de novembre 2021.

« Les années qui viennent seront marquées par de profonds changements faisant suite à la pandémie, mais aussi en raison de la transformation inévitable de nos économies et de nos sociétés, continue-t-il. Pour ma part, je suis prêt à y mettre tous les efforts. Pour aider à harmoniser la qualité de vie et la qualité de la ville. Et ainsi, retrouver Montréal. »

Ces deux derniers mots constituent le titre du livre de M. Coderre, qui fait 325 pages et doit sortir le 31 mars. Il est publié aux Éditions La Presse, propriété de Coopsco depuis octobre dernier. La source confidentielle qui a remis un exemplaire du livre à La Presse n’est pas associée, de près ou de loin, aux Éditions La Presse.

Valérie Plante critiquée

Le livre, à la fin duquel Denis Coderre est cité comme le président d’un « comité de rédaction » comprenant six autres personnes, s’ouvre sur son dernier discours à l’hôtel de ville de Montréal, après la défaite de 2017.

« La dernière campagne électorale (ou la non-campagne) que je venais de vivre avait été désastreuse, ne serait-ce qu’au plan personnel. Problèmes de santé, perte d’intérêt pour la politique, tempérament irrité et irritable, plus rien ne passait. Je ne m’étais jamais senti aussi seul de toute ma vie, relate-t-il. J’avais beau travailler 20 heures par jour, 7 jours par semaine, ce déséquilibre de vie était en train de m’atteindre et je fonçais directement vers un mur. Je sentais que tout s’écroulait devant moi, autour de moi. »

L’ex-maire présente son texte comme le résultat du « recul » qu’il a pris depuis. L’homme a perdu beaucoup de poids, a rajeuni son look et tente de présenter un visage moins chicanier.

Il n’a toutefois rien perdu de sa capacité d’attaque.

« Notre gouvernance se comporte à nouveau comme une créature des provinces et non comme un gouvernement de proximité », assène-t-il à l’endroit de la mairesse actuelle, sans la nommer.

Pis encore, en choisissant l’esprit de quartier comme unique donnée dans l’équation des solutions à apporter, nous mettons de côté le rôle crucial et vital qui revient d’emblée à la constitution d’une métropole rayonnante. Nous savons pertinemment que nous n’avons pas à choisir entre la vie de quartier et vision de métropole.

Denis Coderre, dans son livre à paraître

Valérie Plante a aussi montré les dents, jeudi. La mairesse a dénoncé le « striptease » de son adversaire, à qui elle reproche de ne pas déclarer clairement et publiquement sa candidature.

PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE

Valérie Plante, mairesse de Montréal

« Qu’il montre ses couleurs à un moment donné. Le plus tôt est le mieux », a-t-elle dit en entrevue à Radio-Canada en fin de journée. « Il y a des enjeux de société importants, et je veux en débattre. »

Une ville « compatible » avec l’auto

M. Coderre résume sa vision pour Montréal par une accroche en forme de slogan de campagne, « Qualité de vie. Qualité de ville », placée bien en évidence sur la page couverture de son livre.

L’ex-maire revient, sur des dizaines de pages, sur sa vision de la diplomatie urbaine et du vivre-ensemble, des idées clés de son mandat à l’hôtel de ville.

Plus concrètement, le futur candidat se pose clairement en défenseur des projets du REM – tant de l’Ouest que de l’Est – et propose même de nouveaux axes prioritaires, à desservir par un mode de transport qui reste à définir.

Le livre inclut trois cartes.

L’une présente un « axe du Parc » qui relierait Berri-UQAM au métro Sauvé, sous terre du centre-ville à Outremont (en passant sous le mont Royal et le Mile End), puis en hauteur jusqu’à sa destination.

La seconde présente un « axe Diagonal » qui relierait Berri-UQAM au cégep Marie-Victorin, sous terre jusqu’au collège de Rosemont, puis en hauteur.

La troisième présente la vision de M. Coderre pour le réseau de transport de Montréal d’ici 2040, avec une ligne orange circulaire grâce à un prolongement à Laval, une ligne jaune prolongée jusqu’à Bois-de-Boulogne vers le nord et La Prairie vers le sud, ainsi qu’une ligne bleue qui atteint le boulevard Roi-René.

« Il faudrait avoir le courage d’imaginer une négociation de la nationalisation de plusieurs tronçons de voies ferrées pour augmenter la fréquence des trains, électrifier les rails et créer de nouvelles voies aux lignes existantes afin de desservir des villes importantes », écrit-il.

Denis Coderre n’oublie toutefois pas sa base électorale, des résidants des quartiers périphériques qui comptent sur leur voiture dans leur vie quotidienne. Il affirme s’être mis au vélo, mais rejette les plans d’urbanisme qui rendent la circulation automobile labyrinthique.

« La ville qu’on habite doit être compatible avec la ville qu’on traverse à pied, à vélo, en métro ou en auto, car les quartiers sont aussi des lieux de destination », lit-on dans l’ouvrage. « L’élargissement des trottoirs, la piétonnisation des rues et la mise en service de pistes cyclables ne doivent donc pas être conçus et aménagés de manière rigide et dogmatique. Des stratégies punitives ou régressives visant à exacerber une partie de la population ne peuvent pas être bonnes. Il est totalement contre-productif, à tous les niveaux, d’inverser des sens uniques entre deux rues, de couper des rues en deux, de mettre des feux rouges inutilement là où il n’y a pas de traverse, etc. Pour ne rien offrir de plus en retour. »

IMAGE TIRÉE DE LA PAGE FACEBOOK DE DENIS CODERRE

Retrouver Montréal, par Denis Coderre