Constat d’échec pour le programme montréalais d’indemnisation des commerçants victimes de longs travaux de voirie, sur le point d’être modifié après avoir été dix fois moins populaire que prévu.

La Ville veut maintenant en élargir les critères d’admissibilité.

Selon des documents d’accès à l’information obtenus par La Presse, seuls 2,3 millions $ ont été versés dans le cadre de ce programme annoncé en grande pompe en 2018 et pourtant doté d’une enveloppe de 25 millions $.

Montréal voulait notamment répondre aux problèmes des magasins installés sur des artères importantes — comme Saint-Denis, Saint-Hubert et Sainte-Catherine — qui sont passées à travers des chantiers de plusieurs mois, voire quelques années.

Le programme était rétroactif au 1er janvier 2016. Pour être éligibles à une subvention d’au plus 30 000 $ par année, les commerçants devaient pouvoir prouver avoir une perte de bénéfice brut d’au moins 15 %.

Programme méconnu

L’administration Plante a commandé une étude afin de comprendre les problèmes du programme.

« En innovant avec ce programme en 2019, nous avions à cœur d’assurer une amélioration continue et c’est pour cette raison que nous avons mandaté la firme Raymond Chabot Grant Thornton de nous accompagner dans l’identification des bonifications au programme », a indiqué Catherine Cadotte, du cabinet de la mairesse Plante. Nous travaillons sur cette refonte depuis des mois, et nous sommes fiers d’offrir un programme qui permettra à un plus grand nombre de commerçants d’être soutenus par la Ville. »

« Une proportion importante (42 %) des établissements visés par le programme ne sont pas au courant qu’il existe », ont conclu les consultants, selon un document interne de la Ville de Montréal, obtenu par La Presse. « Ceux qui connaissent le programme mais qui ne souhaitent pas appliquer ont indiqué comme raison la complexité du processus et du calcul et des critères d’admissibilité. »

Parmi les commerces qui ont soumis une demande d’indemnisation, le tiers ont été jugés inadmissibles. Au premier rang des motifs : une perte de bénéfice brut qui n’atteint pas 15 % sur l’année.

« On est vraiment dans le champ avec ce programme », a asséné Aref Salem, porte-parole de l’Opposition sur les questions commerciales, en entrevue avec La Presse. « Il y a 22,7 millions $ qui n’ont pas été dépensés dans ce programme-là. On vient de passer par une année de crise majeure, une crise d’une ampleur apocalyptique pour les petits commerçants, les restaurants, les bars. […] On trouve qu’il y a 22,7 millions $ disponibles qui n’ont vraiment pas été mis à la disposition de ces commerçants. »

Critères modifiés

Devant le manque de popularité du programme, l’administration Plante compte en modifier les critères d’éligibilité.

À sa réunion de mercredi, le comité exécutif de la Ville de Montréal sera appelé à « abaisser de 15 % à 5 % le minimum de perte de bénéfice brut à assumer par le requérant » et à augmenter à 40 000 $ le montant maximal de l’aide accordé. Le conseil municipal devra aussi se prononcer sur une partie de ces modifications.

Ces modifications « vont permettre d’aider plus et mieux les commerçants affectés », a fait valoir Mme Cadotte.

En outre, la Ville compte faire des efforts supplémentaires pour faire connaître le programme à davantage de commerçants, notamment en misant sur les Sociétés de développement commercial (SDC).

La Ville en vient aussi à la conclusion que près de la moitié des commerces ne vivent pas d’effets majeurs lorsque la rue sur laquelle ils sont installés subit des travaux majeurs et que « la situation n’est peut-être pas aussi alarmante que ce que les commerçants pouvaient affirmer avant le lancement du programme ».