(Québec) Le gouvernement Legault juge « questionnable » le choix de la Ville de Montréal, qui a nommé Bochra Manaï – l’un des visages de la contestation de sa Loi sur la laïcité de l’État – à titre de commissaire antiracisme.

L’équipe de la mairesse Valérie Plante défend toutefois son choix et rejette les arguments de Québec. Les partis d’opposition, eux, sont divisés.

Le cabinet du premier ministre François Legault a transmis jeudi aux médias une déclaration affirmant que « la nomination de Mme Manaï est questionnable compte tenu de ses prises de position passées et de sa croisade personnelle contre la loi sur la laïcité ».

« Pour nous, il s’agit d’une erreur de la part de la Ville de Montréal. Le gouvernement du Québec fait déjà de la lutte contre le racisme une priorité, comme en témoigne le rapport déposé en décembre dernier », a affirmé le cabinet du premier ministre.

La Ville de Montréal a annoncé mercredi que Bochra Manaï devenait la première commissaire à la lutte contre le racisme. Cette nomination a suscité des débats, entre autres sur les réseaux sociaux, Mme Manaï ayant été impliquée en 2019 dans la contestation judiciaire de la Loi sur la laïcité de l’État, connue avant son adoption sous le titre de projet de loi 21.

Valérie Plante défend sa nomination

En réaction à la déclaration du cabinet de François Legault, le cabinet de Valérie Plante a voulu rappeler que la Ville « ne peut, ni légalement, ni moralement, discriminer un ou une candidate qualifiée […] sur la base de ses prises de position et ses emplois passés ».

« Les embauches de fonctionnaires sont la prérogative de la Ville de Montréal », a continué Geneviève Jutras, attachée de presse de la mairesse. « Mme Manaï est hautement compétente, et c’est ce qui fait d’elle la candidate choisie. »

Mme Jutras a ajouté que « le débat est clos » concernant la Loi sur la laïcité de l’État.

La cheffe parlementaire de Québec solidaire, Manon Massé, a appelé le gouvernement de la Coalition avenir Québec (CAQ) à la prudence, soulignant les récentes nominations partisanes du parti au pouvoir.

« J’invite M. Legault à faire preuve de prudence en critiquant les nominations de la mairesse Plante, alors qu’il a lui-même récemment nommé l’ancien président de la CAQ à un gros poste taillé sur mesure dans la fonction publique et que plusieurs amis personnels occupent maintenant des postes dans la fonction publique. Pourquoi, dans ce cas-ci, met-il en doute la compétence de Mme Manaï en matière de racisme systémique ? », a-t-elle demandé.

Une nomination qui divisera, prédit le PQ

Le chef du Parti québécois, Paul St-Pierre Plamondon, estime pour sa part que l’administration de la mairesse Valérie Plante utilise « des fonds publics pour imposer son idéologie », prédisant que la nomination de Mme Manaï va « diviser et nous éloigner d’une solution qui nous mènerait à davantage d’équité sociale ».

« Lorsqu’on utilise des fonds publics pour une cause que l’on juge nécessaire, ce poste-là doit être porté par des gens qui ont un passé qui inspire confiance pour la population. Là, on a clairement quelqu’un qui a milité contre la loi 21, qui l’a qualifiée de suprémaciste et d’extrémiste. On a la volonté d’imposer un lexique idéologique qui est problématique aux yeux de plusieurs Québécois », a dénoncé le chef péquiste.

Autrefois porte-parole du Conseil national des musulmans canadiens, Bochra Manaï est notamment titulaire d’un doctorat en études urbaines et de deux maîtrises, l’une en géographie urbaine, l’autre en relations interethniques. Elle a également été impliquée par le passé dans le réseau communautaire.