En dépit des nombreuses critiques de commerçants et de résidants, l’administration Plante a présenté jeudi comme un succès la fréquentation des voies actives sécuritaires (VAS) créées en raison de la COVID-19. L’opposition officielle y a surtout vu une opération de marketing politique.

« Nous constatons que plusieurs Montréalais ont pris goût à ces installations. Les familles s’y retrouvent aussi en grand nombre », a déclaré Éric Alan Caldwell, responsable de la mobilité au sein du comité exécutif.

M. Caldwell s’appuie sur les premières données recueillies par l’entreprise Éco-Compteur, qui a reçu le mandat de mesurer les déplacements à vélo et à pied sur les VAS. Le comptage se fait à partir de bornes qui détectent les mouvements et qui sont installées à des intersections. Ainsi, les statistiques correspondent à des tronçons de VAS précis.

Selon les données présentées en conférence de presse, les Montréalais ont déserté les transports en commun (70 à 90 % de baisse de fréquentation), et la circulation automobile a baissé de 20 %. En revanche, piétons et cyclistes sont au rendez-vous. On constate un achalandage important de certaines VAS, mais des nuances s’imposent.

La piste cyclable la plus achalandée en baisse

Ainsi, la piste cyclable Saint-Laurent–Bellechasse est présentée comme la plus achalandée sur une liste de 18 pistes (incluant les VAS et les voies déjà existantes du réseau cyclable). On y a compté une moyenne journalière de 5734 cyclistes entre le 1er juin et le 23 juillet. Mais dans les faits, cette piste cyclable connaît une baisse de fréquentation de 18 % par rapport à l’année dernière, peut-on constater dans un autre tableau.

De plus, l’administration Plante se félicite qu’à l’intersection de Christophe-Colomb et de Louvain, dans le quartier Ahuntsic, le nombre de cyclistes ait presque doublé (90 %) depuis 2019. Malgré cette hausse, ce n’est tout de même pas le coin le plus fréquenté, puisque la moyenne journalière est de 2518 cyclistes, ce qui classe cette piste cyclable au 10e rang.

Sur les trois pistes cyclables qui ont été élargies (de 3 à 6 mètres), soit Berri-Ontario. Rachel-Angus et Christophe-Colomb–Louvain, on note une hausse moyenne de la circulation à vélo de 36 %. C’est ce qui fait dire à M. Caldwell qu’il s’agit de mesures qui répondent à un besoin des cyclistes.

Pour ce qui est des piétons, Éco-Compteur fait état des mesures prises, mais précise n’avoir aucun comparable. On observe qu’il y a presque trois fois moins de piétons rue de la Commune, dans le Vieux-Montréal, que sur l’avenue du Mont-Royal, à l’intersection de la rue de La Roche, dans le Plateau : 5916 piétons en moyenne par jour, par rapport à 15 574.

Durant la période du 26 juin au 23 juillet, un maximum journalier de 21 867 piétons a été compté à l’angle de l’avenue du Mont-Royal et de la rue de La Roche. Malgré cela, la distanciation physique de 2 mètres exigée par les autorités sanitaires n’a jamais été un enjeu, a précisé le maire de l’arrondissement du Plateau-Mont-Royal et responsable du développement économique au comité exécutif, Luc Rabouin.

Un circuit réduit

Si M. Caldwell a reconnu que le comptage ne permettait pas de mesurer la satisfaction des Montréalais, il a aussi précisé que d’autres données sont attendues. Des analyses et un sondage concernant l’effet des VAS sur l’activité commerciale sont en cours.

Annoncées à la mi-mai par la mairesse, Valérie Plante, comme mesures temporaires, les VAS devaient compter 200 km à l’origine. Le retrait de 20 km de corridors sanitaires et la controverse soulevée par l’absence de consultation des commerçants et de la population, ce qui a entraîné l’ouverture d’une enquête de l’ombudsman, ont modifié les intentions de l’administration Plante. Le circuit s’étend actuellement sur 89,6 km, dont 51,2 km relèvent des arrondissements.

Il y a eu beaucoup d’évolution et d’ajustements. Ç’a été un processus où on consultait les milieux, les arrondissements, les sociétés de développement commercial, en même temps qu’on déployait [les VAS].

Éric Alan Caldwell, responsable de la mobilité au sein du comité exécutif

Ce dernier a souligné que les aménagements avaient été ni plus ni moins une « bouée de sauvetage pour certains commerces ». Aucun chiffre attestant cette affirmation n’a été présenté. Deux commerçants étaient toutefois présents à la conférence de presse pour témoigner de leur satisfaction.

Selon le conseiller municipal de l’opposition officielle Francesco Miele, porte-parole du parti Ensemble Montréal, les données d’Éco-Compteur ont été interprétées à la sauce politique. « C’est une abstraction de la réalité. C’est toujours le monde idéologique de Projet Montréal qui est en branle », a dit M. Miele. « Pas un mot sur les gens à mobilité réduite, pas un mot sur le fait qu’il y a une enquête de l’ombudsman sur la façon que ç’a été fait. […] On parle d’achalandage, mais il n’y a pas eu un chiffre sur les activités commerciales », a-t-il critiqué.