Un seul et unique navire de croisière s’est branché au système d’alimentation électrique du port de Montréal à ce jour. Les autres continuent de faire tourner leurs moteurs, à défaut d’être équipés pour utiliser les installations de 11 millions aménagées en 2017 dans le but de réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES).

Les croisiéristes qui arrivent à Montréal à bord du Veendam peuvent se targuer d’avoir une empreinte carbone un peu plus faible que la moyenne de leurs semblables.

Ce paquebot de 219 mètres, pouvant accueillir 1350 passagers et battant pavillon des Pays-Bas, est le seul qui se branche au système d’alimentation électrique à quai du port, ce qui lui permet d’éteindre ses moteurs durant ses escales.

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Le MS Veendam, paquebot de 219 mètres pouvant accueillir 1350 passagers et battant pavillon des Pays-Bas, est le seul qui se branche au système d’alimentation électrique à quai du port, ce qui lui permet d’éteindre ses moteurs durant ses escales.

Depuis que l’infrastructure a été installée en 2017, au coût de 11 millions de dollars, dont 5 millions provenant d’Ottawa et 3 millions de Québec, le Veendam l’a utilisée 11 fois, démontrent les données d’utilisation fournies à La Presse par l’Administration portuaire de Montréal (APM).

L’été dernier, il n’est venu que trois fois à Montréal en raison de son redéploiement sur un autre circuit par son propriétaire, Holland America, et un problème technique l’a empêché de se brancher à une occasion.

C’est donc dire qu’il y a eu seulement deux branchements au système d’alimentation électrique à quai du port sur les 76 escales faites par des navires internationaux et intérieurs durant la saison des croisières 2019.

L’APM estime avoir ainsi évité l’émission de 55 tonnes de GES, loin du potentiel de 1300 tonnes qui pourrait être atteint si tous les navires pouvaient couper leurs moteurs à quai.

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Lent virage

Le « virage vert » de l’industrie des croisières « se fait lentement, mais sûrement », a déclaré à La Presse la directrice des communications de l’APM, Mélanie Nadeau, reconnaissant que le système d’alimentation électrique à quai était « relativement peu » sollicité jusqu’à maintenant.

Nous avons fait le choix d’être proactifs et de mettre en place les installations d’accueil pour l’électrification afin d’être prêts pour les membres de l’industrie des croisières qui choisiront de prendre ce virage.

Mélanie Nadeau, directrice des communications de l’APM

Le port de Montréal fait valoir qu’une étude commandée par l’Association internationale des compagnies de croisière évaluait en 2018 que 88 % des navires de croisière en construction ou en commande dans le monde auraient la possibilité d’être dotés de l’équipement nécessaire au branchement électrique à quai.

Or, puisque la tendance est à la construction de navires toujours plus gros, ceux-ci n’auront « jamais » la possibilité de venir à Montréal, en raison du faible tirant d’eau et d’air, pense Paul Arseneault, titulaire de la Chaire de tourisme Transat de l’École des sciences de la gestion de l’Université du Québec à Montréal.

Si le port de Montréal ne peut effectivement pas profiter de la tendance au « gigantisme naval », il peut cependant profiter de l’autre tendance, répond Mélanie Nadeau, celle des navires de luxe, plus petits.

Le nombre de branchements à quai pourrait d’ailleurs augmenter significativement dès cette année si les deux croisiéristes avec qui le port est en discussion, et qui possèdent des navires disposant de l’équipement nécessaire, confirment leur venue.

Paul Arsenault explique la lenteur de l’industrie à se tourner vers l’alimentation électrique à quai par le fait que ce système n’est pas synonyme de réduction des émissions de GES dans tous les ports du monde, par exemple dans les pays où l’électricité est produite à partir d’énergies fossiles.

Navires de marchandises branchés

Le portrait est complètement différent en ce qui concerne les navires de marchandises qui passent l’hiver au port de Montréal : 100 % d’entre eux sont branchés au système d’alimentation électrique à quai, cette année.

Le port de Montréal pourrait ainsi dépasser son objectif de réduction des émissions de GES de 1500 tonnes pour ce secteur.

Les « navires hivernants » représentent un plus grand potentiel de réduction de GES parce qu’ils restent à quai beaucoup plus longtemps que les navires de croisière, mais leur consommation d’énergie est sans commune mesure avec la leur.

Avec leur « petit équipage d’une dizaine de personnes », ils se branchent sur des bornes de 200 ou 400 ampères, explique Mélanie Nadeau.

Les navires de croisière qui mouillent à Montréal – qui peuvent compter jusqu’à 2500 passagers et membres d’équipage – sont quant à eux de véritables villes flottantes, poursuit-elle ; ils doivent être alimentés par une installation électrique de 25 000 volts.

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Du gaz au port de Québec

Le port de Québec a préféré se doter d’un système d’alimentation à quai au gaz naturel liquéfié plutôt qu’à l’électricité.

Depuis son installation, en juillet 2018, 26 avitaillements ont été effectués, a indiqué à La Presse Marie-Andrée Blanchet, porte-parole de l’Administration portuaire de Québec (APQ).

L’APQ avait pourtant annoncé en 2015 avoir obtenu un financement combiné de 10,1 millions de dollars d’Ottawa et de Québec pour alimenter en électricité les navires de croisière mouillant au quai de la Pointe-à-Carcy, promettant des réductions de GES de « plusieurs milliers de tonnes » par année.

L’automne dernier, le président-directeur général de l’APQ, Mario Girard, a justifié ce revirement en déclarant à La Presse qu’il n’y avait « aucun bateau sur les lignes de construction qui s’en allait vers l’électrification à quai ».

Car même si l’essentiel des navires en construction ou en commande peut être équipé pour se brancher à un système d’alimentation électrique à quai, cela ne veut pas dire qu’ils seront effectivement dotés de l’équipement nécessaire, fait valoir Mme Blanchet.

Seulement 5 des 18 ports fédéraux au pays ont bénéficié du programme d’aide financière d’Ottawa pour se doter d’installations d’alimentation électrique à quai : Montréal, Halifax et trois ports de la Colombie-Britannique.