À la fameuse question « Puis, y allez-vous ? », Denis Coderre a toujours la même réaction depuis quelques mois : il éclate de rire. Ça lui fait au moins un point en commun avec la mairesse actuelle.

Denis Coderre tente de gagner du temps. Il aimerait pouvoir maintenir ce suspens jusqu’en février ou mars prochain. C’est ce qu’on me dit dans son entourage.

« En repoussant au maximum son annonce, il se protège des attaques de Projet Montréal », m’a confié un élu qui suit de près la réflexion qui habite Denis Coderre.

Je crois l’ancien maire de Montréal quand il affirme qu’il n’est pas encore totalement fixé. Cette annonce, il la fera quand il aura une certitude. Une très grande certitude.

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L’ancien maire de Montréal, Denis Coderre, affirme ne pas encore avoir décidé s’il se présenterait aux prochaines élections municipales.

« Il veut refaire ce que Drapeau avait réussi en se faisant réélire après une défaite, m’a dit un autre élu. Sa défaite l’a profondément marqué. Il ne veut pas revivre ça. »

En attendant, il continue de travailler à sa transformation, tant physique que spirituelle. Ce changement étonne d’ailleurs ses proches. Il fallait entendre Mitch Garber au micro de Pénélope McQuade mercredi dernier. Il a dit qu’il ne reconnaissait plus son ami.

« Je l’aimais beaucoup. Je l’adore maintenant », a déclaré l’homme d’affaires.

Bref, Denis Coderre réfléchit, jauge, évalue. Mais il joue du coude aussi. Dans les évènements publics où il est invité, il ne se gêne pas pour se comporter en politicien. Lors de la catastrophe survenue à Beyrouth, son soutien à la communauté libanaise de Montréal semblait émaner d’un maire élu.

« Je suggère que nos drapeaux à Montréal soient en berne en guise de solidarité à la communauté libanaise et d’illuminer nos ponts et le Stade olympique aux couleurs du drapeau du Liban », a-t-il publié sur Twitter, le 4 août.

« Tu prépares ton retour en politique ? », lui a écrit quelqu’un.

Gagner du temps est une stratégie tout fait compréhensible. Mais il y a un hic : elle empêche pour le moment d’autres candidats intéressants de se positionner.

Alors que tout le monde attend de voir ce que va décider Denis Coderre, personne n’ose avancer son pion sur l’échiquier.

Je pense notamment à Ensemble Montréal, qui doit, en principe, se donner un nouveau chef (Lionel Perez est toujours le chef intérimaire). Je précise que ce parti, bâti sur les bases de l’ancien parti de Denis Coderre, est présent dans une douzaine d’arrondissements (prédominance dans quatre) pour un total de 31 élus.

Plusieurs noms ont circulé récemment : David Heurtel, Danièle Henkel, Robert Poëti, Marie Grégoire, Chantal Rouleau et d’autres. Ce qui est étrange à propos d’Ensemble Montréal, c’est qu’en multipliant les approches, on fait clairement comprendre à l’ancien maire qu’on veut foncer avec ou sans lui.

S’il revenait, Denis Coderre voudrait-il composer avec la base d’élus d’Ensemble Montréal et créer des alliances avec les autres (indépendants, Équipe Anjou, Équipe Barbe) ? Ou préférerait-il repartir à neuf et bâtir un nouveau parti à son image ?

En attendant, vous l’aurez sans doute remarqué, la mairesse Valérie Plante a adopté une nouvelle attitude. Depuis une dizaine de jours, nous avons droit à une mairesse 2.0 ! La grogne qui s’est exprimée dans des chroniques, des éditoriaux et notre sondage du 5 septembre dernier l’a visiblement secouée.

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Valérie Plante, mairesse de Montréal

Valérie Plante a compris qu’une déclaration comme « Je n’ai pas été élue pour plaire à tout le monde » n’était pas un bon punch line. Depuis quelques jours, la mairesse répète à qui veut l’entendre qu’elle reconnaît que ça ne tourne pas rond dans sa ville.

Chez Paul Larocque, qui a qualifié de « fou braque » le climat qui règne rue Rachel, Valérie Plante a dit que cela la mettait en colère de voir le chaos créé par certains chantiers. Devant Paul Arcand, elle a répété qu’elle voulait « être à l’écoute des citoyens ».

Le samedi 12 septembre, elle a publié sur Instagram une photo d’elle prise devant un chantier jugé dangereux alors qu’elle se rendait à vélo à un évènement public. « Je me suis arrêtée pour en discuter avec les travailleuses et travailleurs et j’ai contacté l’Escouade mobilité qui est débarquée rapidement sur place pour sécuriser le chantier. Plus tard, j’ai fait le suivi avec mon équipe », a-t-elle écrit.

Bien sûr, on peut voir cela comme une stratégie bassement politique et se dire qu’il a fallu que la voix des citoyens passe par l’amplification des médias pour que la mairesse de Montréal comprenne enfin que ses citoyens ont besoin d’être réconfortés et non de se sentir éjectés.

Mais on peut aussi voir cela comme un geste d’humilité et de sagesse de la part de Valérie Plante. En ce sens, c’est tout à son honneur.

Reste à voir comment la mairesse saura naviguer à travers la prochaine année afin de gagner la confiance des électeurs, mais aussi de maintenir celle de ses élus dont certains seront tentés de mener une campagne collée sur les principes radicaux de leur parti.

Car l’atout dont dispose Valérie Plante repose sur la force de son équipe. Il faut rappeler que pour l’une des rares fois dans l’histoire de Montréal, les citoyens ont voté pour un parti et non pour une seule personne comme c’est souvent le cas sur la scène municipale. C’est ce qui la distingue des politiques provinciale et fédérale.

Les Montréalais voudront-ils cette fois voter pour un individu ou un parti ? C’est la question qui fera toute la différence aux prochaines élections. Et c’est aussi celle que se posent tous ceux qui brûlent d’envie d'avancer un pion en ce moment.