(Montréal) Une centaine de personnes ont manifesté sous la pluie samedi après-midi pour sonner l’alarme face à une pénurie de logements « sans précédent depuis 14 ans » à Montréal, à l’appel du Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU).

Cette manifestation, qui s’est déroulée dans le quartier Côte-des-Neiges, a été précédée par un rassemblement familial que le FRAPRU a baptisé le « Grand Dîner des évincés » au parc Nelson-Mandela pour attirer l’attention sur la pénurie de logements à Montréal exacerbée par la transformation de logements en condos, la spéculation immobilière et l’accaparement de logements à des fins touristiques par Airbnb.

« Le constat, c’est que dans la dernière année, on a eu une baisse généralisée du taux d’inoccupation dans l’ensemble du Québec, mais la pénurie affecte davantage la grande région de Montréal et la ville de Gatineau », affirme Véronique Laflamme, porte-parole du FRAPRU.

À deux semaines de la grande journée des déménagements au Québec, le sort réservé aux locataires à faible revenu préoccupe au plus haut point le FRAPRU, qui fait état d’un taux d’inoccupation des logements de 1,9 % à Montréal et de 0,7 % à Gatineau où l’organisme a pris en charge cinq familles dans cette ville où les inondations et les tornades ont mis plus de pression sur les ménages locatifs.

Dans la métropole, c’est 161 ménages qui ont fait appel au service d’aide au logement de l’Office municipal d’habitation de Montréal depuis janvier, dont une vingtaine de familles n’ont toujours pas trouvé de logement pour le 1er juillet, selon Mme Laflamme.

« C’est la pire pénurie de logements en 14 ans à Montréal et ça ce n’est pas moi qui le dit, ce sont les chiffres de la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) », dit-elle en entrevue à La Presse canadienne.

Pourtant, la ministre des Affaires municipales et de l’Habitation, Andrée Laforest, indiquait le 31 mai dernier que « la situation du logement est actuellement bien contrôlée au Québec et les taux d’inoccupation n’ont rien de comparable à ceux enregistrés au début des années 2000. »

Ses propos ont été contredits dans les derniers jours par des organismes qui viennent en aide aux gens à faible revenu qui ont dressé un tout autre portrait, et au FRAPRU on n’hésite pas une seconde à parler d’une « crise du logement ».

« La ministre ne saisit pas la gravité de la situation dans les régions de Montréal et Gatineau, affirme Mme Laflamme qui déplore que la pénurie de logements ait fait monter le coût des loyers dans la dernière année. On parle de plus de 4 % de hausse, mais pour les plus grands logements, qui sont les plus rares, on a des hausses de loyer entre 6 % et 14 %, selon les quartiers. C’est énorme ! » dit-elle.

Selon le FRAPRU, 87 000 ménages locataires de Montréal dépensent plus de la moitié de leur revenu pour se loger. D’ailleurs, les manifestants ont revendiqué la construction de logements sociaux à la hauteur des besoins auprès des différents ordres de gouvernement, particulièrement auprès de Québec.

« On a l’impression que c’est la pénurie actuelle qui va finir par faire bouger ce gouvernement-là », affirme la porte-parole du FRAPRU qui écorche aussi au passage le précédent gouvernement libéral.

« On attend toujours les projets qui nous ont été annoncés, budget après budget, depuis 10 ans et plusieurs de ces projets-là n’ont jamais vu le jour. On parle de 13 000 logements sociaux annoncés depuis 10 ans qui n’ont jamais vu le jour », fustige Véronique Laflamme.

Les revendications du FRAPRU

Par ailleurs, le fait d’avoir tenu la manifestation dans le quartier Côte-des-Neiges, près du terrain vacant de l’ancien hippodrome de Montréal n’est pas un hasard.

« On veut que les terrains qui sont disponibles et qui sont de propriété publique soient soustraits à la spéculation immobilière », affirme Mme Laflamme qui souhaite évidemment que les gouvernements saisissent l’occasion pour « faire du logement social en nombre suffisant ».

Bref, le FRAPRU va continuer d’interpeller les gouvernements bien après le 1er juillet. Il a notamment dans sa mire le gouvernement Trudeau à l’approche des élections fédérales et prévoit des moyens de pression en septembre.

Le FRAPRU a souligné ses 40 ans cette année et tout indique que l’organisme aura encore sa raison d’être dans plusieurs années à venir.

« On remarque qu’à l’origine du FRAPRU un des enjeux qui préoccupaient les gens et pour lequel ils s’étaient dotés d’un regroupement national, c’était le maintien des locataires à faible revenu dans leur quartier après les grandes opérations de rénovations urbaines qui ont entraîné une hausse du coût des loyers, souligne Véronique Laflamme qui milite au sein du FRAPRU depuis une dizaine d’années

“Il y a eu des gains en 40 ans, mais il y a eu aussi des reculs et on voit que certains enjeux reviennent. »

 – -

Voici quelques données sur les taux d’inoccupation dans les villes du Québec :

-Montréal : taux d’inoccupation de 1,9 %

-Gatineau : taux d’inoccupation de 0,7 %

-Joliette : taux d’inoccupation de 1,7 %

-Drummondville : taux d’inoccupation de 1,7 %

-Sainte-Marie, en Beauce : taux d’inoccupation de 1,7 % (avant les inondations printanières)

-Gaspé : taux d’inoccupation de 1,2 %

-Val-d’Or : taux d’inoccupation de 1,2 %

-Rouyn-Noranda : taux d’inoccupation de 1,2 %

-Granby : taux d’inoccupation de 1,4 %

-Québec : taux d’inoccupation de 3,3 %

(Source : SCHL)