Hausse de la surtaxe sur l'essence à 6 cents le litre. Système de péage selon le kilométrage parcouru. Taxe sur les immatriculations étendue à de nouveaux secteurs. Imposition accrue des stationnements.

Les villes de la grande région de Montréal proposent de demander aux automobilistes de contribuer davantage au financement du transport collectif.

Freiner la baisse

La Presse révélait récemment que les 82 villes de la grande région de Montréal s'attendaient à voir leur facture pour les transports collectifs doubler d'ici 2028, une augmentation jugée insoutenable. Dans un rapport rendu public hier, la Commission du transport de la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) constate que la contribution des automobilistes est en baisse par rapport à la facture totale.

En 2001, les automobilistes contribuaient dans une proportion de 8 % au financement des transports collectifs. En 2019, leur contribution ne représente plus que 5 %. Or, en maintenant les taxes et frais actuels, leur contribution ne se chiffrera plus qu'à 2,9 % en 2028. Pour corriger la situation, la CMM propose « une hausse de la part assumée par les automobilistes » afin qu'ils couvrent 8 % de la facture.

Doubler la surtaxe sur l'essence ?

La CMM propose un cocktail de mesures pour faire contribuer davantage les automobilistes. Parmi les scénarios, les élus proposent de doubler la surtaxe sur l'essence imposée dans la région de Montréal. Elle passerait ainsi de 3 à 6 cents le litre. Rappelons que celle-ci a été augmentée pour la dernière fois en 2010, alors qu'elle était de 1,5 cent le litre.

Le rapport indique qu'à 6 cents, la surtaxe resterait inférieure à celle en vigueur dans la région de Vancouver, actuellement à 17 cents, mais qui augmentera à 18,5 cents ce printemps. « Si on a à prendre une décision, c'est immédiatement. N'attendez pas que l'essence soit à 1,50 $ [le litre], sinon on va tous se faire tirer », a plaidé le maire de Vaudreuil-Dorion, Guy Pilon, qui préside la Commission du transport de la CMM.

Plus de véhicules électriques, moins de revenus

Cette hausse de la surtaxe sur l'essence est jugée d'autant plus nécessaire que la diminution de la consommation de carburant des véhicules et la croissance du nombre de véhicules électriques réduisent ces revenus. La CMM anticipe ainsi que, si la surtaxe est maintenue à 3 cents le litre, ses revenus tirés annuellement risquent de diminuer de 5 millions d'ici 10 ans. Soulignons que cette surtaxe de la région montréalaise s'ajoute à la taxe de 19,2 cents le litre imposée dans l'ensemble du Québec.

L'option du péage kilométrique

Les besoins en financement étant importants, les villes envisagent toutefois d'aller plus loin. Le rapport propose d'enfin aller de l'avant avec la « tarification routière », une idée étudiée depuis plus de 10 ans, mais jamais implantée. Il s'agirait de mettre en place un système de péages par zones géographiques - sur les ponts ceinturant Montréal, par exemple - ou selon le nombre de kilomètres parcourus sur le réseau autoroutier dans la région métropolitaine.

Cette mesure de tarification kilométrique pourrait rapporter de 600 à 800 millions en 2028, anticipe la CMM. Les élus proposent toutefois d'attendre 2024 avant de l'implanter, alors que plusieurs projets aujourd'hui en chantier seront enfin réalisés, comme le REM. Le rapport évalue que cette mesure serait « impossible à réaliser en l'absence d'une véritable option pour les automobilistes. Il faut au préalable envoyer un message aux automobilistes en bonifiant suffisamment le niveau de service » des transports collectifs.

Immatriculations et stationnements

Parmi les autres mesures proposées, la CMM suggère d'étendre à toute la région la surtaxe de 45 $ sur les immatriculations que seuls les citoyens de l'île paient pour le moment. Cette mesure pourrait ainsi rapporter jusqu'à 108 millions en 2028. Autre mesure avancée, une taxe sur les stationnements de 1 $ par heure pourrait générer environ 250 millions par an.

« Ça ne sera pas tabletté »

En soumettant son rapport, le maire Guy Pilon a dit espérer que celui-ci ne se retrouverait pas aux oubliettes. « Ça ne sera pas tabletté, je peux vous l'assurer », lui a répondu la mairesse de Montréal, Valérie Plante.

Lors d'un point de presse, Mme Plante a insisté sur l'importance d'améliorer le financement des transports en commun, les finances des villes ne pouvant absorber la hausse des coûts. « Le constat est clair, on ne peut pas se contenter du financement actuel. Juste pour les coûts d'exploitation des réseaux actuels de transport collectif, on n'y arrive pas. Alors, imaginez quand on ajoutera des métros, des tramways et des trains légers. On ne peut pas tout payer avec les taxes foncières, ça ne marche pas », a dit Valérie Plante. Elle estime par ailleurs que ces difficultés ne justifient pas de mettre sur la glace le développement des transports collectifs.

Difficiles à convaincre

Mais faire accepter ces changements ne sera pas facile, a constaté la CMM après avoir commandé en janvier dernier un sondage à la firme CROP. L'idée d'augmenter la taxe sur l'essence recueille peu d'appuis. À peine 31 % des 1073 résidants de la grande région de Montréal sondés se sont dits favorables et 69 % contre.

Le sondeur a toutefois noté une « certaine élasticité », puisque les gens se disaient prêts à payer le litre d'essence jusqu'à 1,29 $, alors qu'il était à 1,10 $ à ce moment-là. L'idée d'un péage kilométrique ou par zone était à peine mieux reçue, 40 % des répondants se disant favorables et 60 % contre. Une hausse des taxes sur les stationnements semblait plus acceptable, alors que 70 % des participants se sont dits en faveur et 30 % contre.