Les deux arrondissements montréalais qui sont voisins des terrains du projet Royalmount ont exprimé clairement, hier soir, leur opposition à la présence de ce complexe touristique et commercial privé de 2 milliards à l'intersection des autoroutes 15 et 40, en plein centre de l'île de Montréal.

Le maire de l'arrondissement de Saint-Laurent, Alan DeSousa, a indiqué hier que son administration s'opposait au projet dans sa forme actuelle, lors des consultations publiques menées par la Commission sur le développement économique et urbain et l'habitation de la Ville de Montréal.

L'arrondissement de Côte-des-Neiges-Notre-Dame-de-Grâce a pour sa part qualifié le projet Royalmount de « modèle de développement dépassé, trop orienté sur l'usage de l'automobile, et qui tient peu compte de l'emplacement dans lequel il s'inscrit ».

Les deux arrondissements ont plaidé pour la création d'un comité, sous l'autorité de la ville-centre ou sous toute autre forme, dont le mandat serait de réaliser une planification urbaine commune et cohérente avec les municipalités de Mont-Royal et de Côte-Saint-Luc. Cette planification devra comprendre un plan de transport intégré pour l'axe de l'autoroute Décarie afin de mieux absorber les impacts du projet Royalmount et des projets résidentiels importants prévus dans le secteur.

Un boulevard et un tramway

Comme La Presse l'a révélé hier, près de 20 000 nouveaux logements et résidences sont déjà en planification dans les villes de Mont-Royal et de Côte-Saint-Luc ainsi que dans les arrondissements de Côte-des-Neiges-Notre-Dame-de-Grâce et de Saint-Laurent, autour de l'axe Décarie.

Les villes et arrondissements craignent que l'arrivée de plusieurs milliers de futurs résidants et la circulation automobile générée par le projet Royalmount, qui attend 70 000 visiteurs par jour, ne créent de sérieux problèmes de circulation dans tout le centre-ouest de l'île.

Le maire DeSousa a plaidé hier pour un prolongement du boulevard Cavendish, entre Côte-Saint-Luc et son arrondissement, un projet attendu depuis maintenant deux générations.

Ce boulevard nord-sud, parallèle à l'autoroute 15, est interrompu sur une distance d'un peu plus d'un kilomètre par la présence d'une gare de triage ferroviaire et de l'autoroute 40, à la limite des territoires de Côte-Saint-Luc et de Mont-Royal.

L'arrondissement de Saint-Laurent propose également d'implanter un tramway sur ce boulevard, quand il sera parachevé. Le tramway partirait de la station de métro Namur, en bordure du boulevard Décarie, et rejoindrait vers l'ouest le boulevard Cavendish, où il se déploierait ensuite en direction sud jusqu'à la rue Saint-Jacques, et en direction ouest jusqu'à l'aéroport Trudeau, à Dorval, via le chemin de la Côte-de-Liesse.

DeSousa ne croit pas Carbonleo

Royalmount est un vaste projet commercial et touristique planifié sur des terrains industriels désaffectés dans la municipalité de Mont-Royal, à l'intersection des autoroutes 15 et 40. Le projet prévoit l'implantation de cinq hôtels, de plusieurs tours de bureaux, de 100 restaurants, de 200 commerces, d'un centre de mieux-être haut de gamme, d'un aquarium, d'un cinéma et de deux salles de spectacle.

En réponse aux craintes exprimées par des administrations municipales et plusieurs autres acteurs de la société civile quant à la congestion routière provoquée par le projet, le promoteur Carbonleo s'est engagé à financer la construction d'une passerelle au-dessus de l'autoroute Décarie, au coût de 22 millions, pour relier directement la station de métro De la Savane à Royalmount.

Le promoteur a aussi promis de mettre en oeuvre des mesures de rétention pour convaincre les visiteurs de ne pas quitter les lieux durant les périodes de pointe, quand les autoroutes 15 et 40 sont sollicitées au-delà de leur capacité.

Le maire de l'arrondissent de Saint-Laurent, Alan DeSousa, a clairement affirmé hier « qu'on ne souscrit pas aux hypothèses du promoteur », qu'on juge trop optimistes, et qu'on croit davantage les projections des services techniques de la Ville, qui prédisent une augmentation du volume de la circulation d'environ 20 % et des retards additionnels moyens de 15 à 30 minutes pour les usagers des autoroutes 15 et 40, en période de pointe de fin de journée.

Selon le maire, l'implantation de Royalmount, dans sa forme actuelle, va provoquer une « explosion » de la circulation automobile à l'intersection des autoroutes 15 et 40, et un « cauchemar pour tous les résidants de Montréal » jusqu'à Anjou, dans l'est de la métropole.

Révision profonde

Dans son mémoire, l'arrondissement de Saint-Laurent recommande « une réflexion en profondeur sur l'essence même du projet, qui tiendrait en compte plusieurs options de développement s'intégrant plus adéquatement au milieu existant. Par exemple, on pourrait imaginer un Royalmount comme un des deux pôles (avec le projet de l'ancien Hippodrome) entre lesquels des liens fluides relieraient les projets immobiliers en développement dans l'axe Décarie ».

L'arrondissement de Côte-des-Neiges-Notre-Dame-de-Grâce aussi a insisté sur la nécessité de revoir le projet Royalmount afin qu'il soit « centré sur la création de milieux de vie dynamiques qui comprennent une mixité d'usages, dont le résidentiel serait le point d'ancrage ».

Il est aussi recommandé que « le volet commercial de ces secteurs soit concentré sur les besoins de première nécessité des résidants et soutienne la consommation responsable, le développement durable, les commerces indépendants et l'achat local, par des mesures concrètes encourageant la présence de commerces de quartier ».

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La Chambre de commerce craint un « blocage » du projet

Le président de la Chambre de commerce du Montréal Métropolitain (CCMM), Michel Leblanc, a prévenu une commission du conseil municipal qu'un « blocage » du projet touristique et commercial Royalmount par la Ville de Montréal enverrait un « puissant » message négatif aux investisseurs songeant à s'établir dans la métropole. « La Chambre, c'est la voix du milieu des affaires, a-t-il affirmé vers la fin de son passage devant la commission. Et la voix du milieu des affaires vient vous dire qu'elle est inquiète, parce qu'elle a la perception que la Ville de Montréal voudrait bloquer ce projet-là. » Questionné par des élus pour savoir ce qui lui donnait cette impression, M. Leblanc a mentionné « certains échos » et des déclarations publiques de « beaucoup d'individus qui sont dans l'administration municipale et qui donnent à penser que la Ville de Montréal, si elle le pouvait, empêcherait ce projet. »