Les citoyens de Mont-Royal ne sont pas au bout de leurs peines. Non seulement ils perdent leur liaison ferroviaire dès janvier, mais en plus, la circulation automobile deviendra infernale à compter d’avril en raison d’un chantier routier.

En mauvais état, deux des trois ponts traversant la voie ferrée qui divise la ville cossue doivent absolument être reconstruits. Les travaux au pont Jean-Talon sont commencés. Suivra la reconstruction du pont Cornwall en 2020.

Une solution existe pour éviter le chaos, soutient la Ville, mais la Caisse de dépôt l’a rejetée la semaine dernière.

Des études de circulation de CIMA+, mandatée par la Caisse de dépôt, indiquent qu’une fois le pont Cornwall fermé, la file de voitures s’étirera sur 1 km sur les boulevards Graham et Laird matin et soir. Sur Laird, le bouchon va aller rejoindre le Centre Rockland.

Ça va être le chaos complet et total. J’aurai un stationnement sur deux de mes boulevards.

Philippe Roy, maire de Mont-Royal

La Presse a joint le maire pour avoir sa réaction à des copies de lettres échangées entre l’hôtel de ville et le promoteur du Réseau express métropolitain (REM), obtenues de tiers.

Propriété du Canadien National dans le passé, le pont Cornwall est maintenant la propriété de CDPQ Infra, promoteur du projet de train léger de 67 kilomètres. La filiale de la Caisse de dépôt va profiter de la fermeture du tunnel en 2020 pour reconstruire le pont en même temps. Les travaux commenceront en avril et dureront huit mois.

Demande rejetée

Pour limiter les bouchons, la Ville suggère de rouvrir le passage à niveau qui existe à la hauteur des rues Jasper et Lazard, mais qui est hors service depuis 35 ans. La Ville propose de l’ouvrir dans une direction pendant 90 minutes le matin et en sens opposé en après-midi. Le passage est déjà fonctionnel et va d’ailleurs servir à la circulation des véhicules d’urgence durant les travaux.

Le maire Roy en a fait la demande formelle le 8 novembre dans une lettre à Macky Tall, président et chef de la direction de CDPQ Infra.

« Il ne sera pas possible d’y faire circuler d’autres véhicules puisqu’il ne s’agit pas de passage à niveau, mais bien d’une traverse piétonne », a répondu André Dufour, directeur général, Projet REM, le 19 novembre dernier. Il évoque des enjeux de sécurité.

Pour le maire, ces raisons ne tiennent pas la route.

Nous serons pris dans les bouchons pendant huit mois. C’est complètement fou que des ingénieurs du REM tolèrent cette situation alors qu’il existe une solution toute simple.

Philippe Roy, maire de Mont-Royal

Il se dit prêt à payer des signaleurs pour éviter les accidents. Il souligne que le chantier du REM ferme à 16 h, ce qui signifie que la zone sera désertée à l’heure de pointe du soir.

Dans un courriel, CDPQ Infra, à qui on a demandé de justifier son refus, précise que des trains vont continuer de circuler sur les voies pendant les travaux pour transporter les débris et ainsi éviter d’engorger le réseau routier.

D’après le maire Philippe Roy, il est question d’un maximum de six mouvements de train par jour. « Mes signaleurs pourront faire arrêter la circulation automobile et laisser passer les trains », rétorque-t-il. Le porte-parole du REM indique pour sa part que le nombre de passages fait encore l’objet de discussions.

Manque de respect dénoncé

Pour le citoyen de Mont-Royal Peter Malouf, qui fait circuler une pétition en ligne exigeant du promoteur du REM d’implanter une série de mesures d’atténuation pour limiter les répercussions des travaux sur la circulation à Mont-Royal, l’attitude de la Caisse est déplorable.

« CDPQ ne semble pas comprendre ce qui se passe dans le voisinage, dit-il dans un entretien. Il y a un manque de respect pour les citoyens, point final. C’est inacceptable de gérer les intérêts des citoyens comme ça et de ne pas nous respecter. »

Dans la réponse de M. Dufour du 19 novembre, l’équipe du REM avance que tous les efforts seront consentis pour minimiser les impacts des travaux, qu’une surveillance policière sera déployée et que la porte n’est pas fermée à de nouveaux ajustements aux feux de circulation.

Le DG revient en outre sur l’« excellente collaboration » avec les autorités municipales et sur les « échanges constructifs » qui ont permis de reporter la reconstruction du pont Cornwall de janvier à avril, ce qui permet d’éviter les mois d’hiver où la circulation est plus difficile, et d’optimiser la durée des travaux sur huit mois au lieu de douze.

En outre, « une passerelle aérienne sera aménagée pour assurer un corridor dédié et sécuritaire pour les piétons et maintenir la fluidité de la circulation durant les travaux de reconstruction », ajoute CDPQ Infra.

— Avec William Leclerc, La Presse

Sabia reste impassible devant les doléances des maires

Le patron de la Caisse de dépôt et placement du Québec maintient le cap. En mêlée de presse jeudi, Michael Sabia s’est dit très satisfait de l’avancement de la construction du REM et ne se laisse pas démonter face aux critiques acerbes formulées par certains maires de l’île de Montréal qui accusent l’institution de faire semblant de les écouter avant d’aller de l’avant avec ses actions unilatérales, sans se soucier des répercussions sur la qualité de vie de leurs concitoyens. « Étant donné l’ampleur du projet, il y aura toujours des choses à discuter, a dit M. Sabia. Il y aura toujours un certain débat, c’est normal. On est toujours à l’écoute. Nous avons une équipe qui travaille presque quotidiennement avec la Ville de Montréal et avec d’autres municipalités. »