(Montréal) Des participants à la manifestation contre la loi québécoise sur la laïcité, dimanche, ont signalé qu’ils ne sont pas près d’abandonner leur combat pour la faire renverser — avec ou sans l’appui de politiciens.

Plusieurs dizaines de manifestants se sont à nouveau rassemblés sous une pluie froide dans le quartier montréalais de Parc-Extension, dimanche après-midi, pour dénoncer le racisme systémique et la Loi sur la laïcité de l’État, connue avant son adoption comme le projet de loi 21.

Pendant que la foule se blottissait sous l’auvent d’une station de métro avant le début de la marche, des membres de la communauté ont souligné ce qu’ils décrivent comme les aspects discriminatoires du projet de loi.

Aux yeux d’Ichrak Nourel Hak, une étudiante en enseignement qui porte un hijab, la loi a enhardi les racistes et entraîné une multiplication des incidents islamophobes.

La loi, qui interdit à certains employés gouvernementaux de porter des symboles religieux au travail, empêcherait la jeune femme d’enseigner dans une école publique québécoise après l’obtention de son diplôme.

« Avec cette loi, le gouvernement a ouvert la boîte de Pandore et a donné à des islamophobes la liberté de cracher sur toute une communauté religieuse », a-t-elle lancé au micro.

« En 2019, on se fait tout bonnement agresser et discriminer parce qu’on n’a pas de traits québécois, parce qu’on a des noms imprononçables pour certains, ou parce qu’on a une couleur de peau ou des traits physiques qui diffèrent de la majorité », a enchaîné l’étudiante.

Le quartier multiculturel où la marche a eu lieu se situe dans la circonscription du premier ministre Justin Trudeau, qui a été réélu il y a quelques jours seulement, à la tête d’un gouvernement minoritaire cette fois.

Au cours de la campagne électorale, la plupart des chefs de partis fédéraux ont accepté de ne pas intervenir dans une contestation judiciaire de la loi, à la demande du premier ministre François Legault. Seul Justin Trudeau n’a pas fermé la porte à une éventuelle action en justice, mais il adopte pour le moment une approche attentiste.

Malika Lounece, qui a pris part à la marche en compagnie de sa fille, ne semble pas placer beaucoup d’espoir dans les politiciens.

« Est-ce que Trudeau va faire quelque chose ? Quand il était majoritaire, il n’a rien fait, a-t-elle relevé. Là il est minoritaire, je ne sais pas. »

Samer Majzoub, le président du Forum musulman canadien, croit pour sa part que les politiciens fédéraux hésitaient à dénoncer la loi durant la campagne par crainte de perdre des votes du Québec.

Le gouvernement de François Legault défend sa loi, adoptée plus tôt cette année, en affirmant qu’elle assure un État laïc et qu’elle est appuyée par une majorité « significative et représentative de Québécois ».

La Commission scolaire English-Montréal a déposé une contestation judiciaire la semaine dernière, alléguant que la « clause dérogatoire » invoquée pour soustraire la loi à l’application de la Charte canadienne des droits et libertés ne s’applique pas aux articles relatifs à l’égalité des sexes et au droit à l’instruction dans la langue de la minorité.

Le Conseil national des musulmans canadiens, l’Association canadienne des libertés civiles et Mme Nourel Hak se sont également tournés vers les tribunaux pour faire invalider la loi. Ils en appellent d’ailleurs d’un jugement rendu récemment par la Cour supérieure du Québec, qui a rejeté leur demande d’injonction visant à suspendre immédiatement certaines dispositions de la loi.