Le Règlement pour une métropole mixte actuellement à l’étude par l’Office de consultation publique de Montréal (OCPM) risque de rendre le marché du logement moins abordable sans améliorer l’accès au logement pour les plus démunis.

Ce jugement lapidaire est porté par Mario Polèse, professeur émérite de l’Institut national de la recherche scientifique. L’universitaire spécialiste en économie urbaine a rendu public le contenu de son mémoire hier devant les commissaires de l’OCPM. La Presse en a obtenu une copie.

« La seule façon d’assurer que le logement reste abordable à Montréal est d’encourager la construction résidentielle », y lit-on.

D’après M. Polèse, Montréal est une ville abordable en comparaison d’autres métropoles comme Toronto parce qu’elle a refusé d’imposer des frais élevés d’aménagement aux constructeurs, du moins jusqu’à tout dernièrement, mais le règlement à l’étude vient mettre ce précieux atout en péril.

Le règlement en question propose d’obliger les promoteurs à prévoir 20 % de logements sociaux, 20 % de logements abordables et 20 % de logements familiaux de trois chambres et plus. Le volet social s’applique à tout projet de cinq logements et plus, tandis que les volets abordable et familial s’appliquent aux projets de 50 logements et plus.

Désertion de l’État

Dans son mémoire, M. Polèse avance que le logement social est une responsabilité de l’État, pas des promoteurs privés. Si Montréal manque de logements sociaux, c’est parce que les ordres de gouvernement supérieurs ont sous-investi, ces dernières années. 

« Les 20 % par le Règlement pour le logement social – en l’occurrence des espaces cédés par les promoteurs – ne combleront pas le vide laissé par le secteur public. La clé du logement social est le financement par l’État », assure le professeur.

Pour ce qui est du logement abordable, le règlement fait face à une difficulté d’application : soit la Ville fixe le niveau de prix trop bas, et alors les promoteurs refuseront de construire, soit elle fixe le niveau de prix le plus près possible de la valeur marchande, « ce qui va à l’encontre même de l’intention du règlement », plaide-t-il.

Le professeur fait ressortir un autre travers. Si la Ville décidait de fixer des seuils de loyer bien en dessous du marché, « rien ne garantit que les heureux gagnants soient des ménages à faible revenu, puisqu’il n’y aura pas de contrôle sur les futurs locataires ».

Le même raisonnement s’applique pour le volet familial : s’ils sont trop chers, les logements ne se vendront pas ; s’ils ne le sont pas assez, les constructeurs ne les bâtiront pas. « La Ville a choisi de fixer des proportions qui reproduisent en gros ce que le marché fait déjà. »

Mario Polèse arrive donc à la conclusion que le règlement a surtout pour effet d’ajouter une couche de bureaucratie qui va en effrayer plusieurs. « L’effet de dissuasion risque surtout de jouer pour des petits projets et entrepreneurs qui n’auront pas les ressources pour y faire face. Résultat : un marché oligopolistique où ne survivront que les joueurs capables de naviguer dans les méandres de la nouvelle réglementation. »