« C’est sûr qu’il y a certaines personnes au marché qui ont pris le contrôle du marché. »

Maraîcher de père en fils, Michel Palardy confirme que tout ne tourne pas rond au marché Jean-Talon, qui fête ses 85 ans cette année. Les administrateurs de la Corporation de gestion des marchés publics de Montréal (CGMPM) ont démissionné en bloc vendredi et la police a ouvert une enquête, à la suite du rapport du contrôleur général de la Ville qui fait état d’irrégularités et de manœuvres illégales dans les marchés publics montréalais, dont les marchés Jean-Talon et Atwater.

« Ça fait de la mauvaise publicité », ajoute M. Palardy, à l’arrière de son kiosque de fleurs et de légumes, où il travaille avec sa fille Élise.

C’est sûr que ça peut empêcher du monde de venir. Mais ça reste qu’il n’y a pas de problème pour les acheteurs qui viennent ici. Les problèmes sont plus à l’interne.

Michel Palardy

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Michel Palardy, maraîcher et propriétaire d’un kiosque au marché Jean-Talon

Selon lui, si les administrateurs démissionnaires du CGMPM ont quitté leur poste, c’est parce qu’il y a un « règne de la peur » au marché.

« Je n’en sais pas plus, glisse-t-il. Je ne sais pas non plus ce qui se passe avec la Ville. Quelles sont ses intentions ? Est-ce qu’elle veut se débarrasser du marché Jean-Talon ? Si c’est ça, qu’elle le dise. »

Diversité

En attendant, les affaires ne vont pas si mal, même si plusieurs emplacements sont vides. « Il n’y a pas de relève sur les fermes, explique le maraîcher. Et il y en a beaucoup, comme mon frère, qui préfèrent vendre en gros. Ça ne les intéresse pas de venir ici. Un moment donné, le marché Jean-Talon a voulu les attirer, mais ils ne viendront pas. Ça prend des petits producteurs. »

Des revendeurs de fruits et légumes ? « Oui, on n’a rien contre », répond M. Palardy.

« Ça prend de la diversité au marché, c’est bien », ajoute sa fille Élise.

Virage

Germain Simard, propriétaire du kiosque Les amoureux du terroir, estime lui aussi que « ça prend un peu de tout pour attirer les gens au marché ».

« Il n’y a pas de problèmes d’achalandage, assure-t-il. Les espaces vides, pour moi, c’est plus ou moins important. C’est plus apparent qu’avant parce qu’on a enlevé des places de stationnement pour mettre des tables à pique-nique. »

On a perdu quelques producteurs, des départs à la retraite, des choses du genre, mais rien de grave. Les clients qui viennent ici trouvent un ensemble de produits qui font leur bonheur.

Germain Simard

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Germain Simard, propriétaire du kiosque Les amoureux du terroir

« Au quotidien, les clients sont là », assure l’autre fille de M. Palardy, Josiane Palardy, propriétaire de Porcmeilleur.

L’important, pour Germain Simard, c’est le virage que les marchés publics doivent opérer.

« Les affaires ne vont pas moins bien que l’an passé, assure le boutiquier. Mais il y a certainement eu un manque dans la gestion de la Corporation des marchés publics. Est-ce qu’on s’est adaptés au développement des rues autour du marché Jean-Talon, par exemple, et aux nouveaux commerces de proximité qui ont ouvert leurs portes ? Est-ce qu’on a fait quelque chose pour attirer les fermiers ici dans le passé ? Je pense qu’on s’est couchés sur nos lauriers. »

Laxisme

Paul Saint-Vincent, propriétaire de la boucherie bio du même nom, est conscient des problèmes de la corporation qui gère les marchés publics de Montréal et récolte les loyers depuis 1993.

On est au courant depuis un an qu’il y a des problèmes. Il y a des changements qui se font en haut, à la Corporation, au niveau d’une meilleure application des règlements. L’administration précédente avait des lacunes ; il y avait un certain laxisme.

Paul Saint-Vincent

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Paul Saint-Vincent, propriétaire d’une boucherie bio

M. Saint-Vincent possède une ferme d’élevage dans Lanaudière et une deuxième boucherie au marché Atwater. « Les affaires roulent, poursuit-il. Je fais ma propre mise en marché. J’ai mon site internet. Je profite de la renommée des marchés publics, mais c’est tout. Je fais mes propres affaires. »

Son voisin, propriétaire de la poissonnerie Aqua Mare, connaît aussi une excellente saison.

« Une crise ? Non, il n’y en a pas vraiment. Je travaille ici depuis deux ans et ça va très très bien, assure le gérant Wajih Rached. Ça va même mieux que l’année dernière. Samedi et dimanche, la cuisine marche très bien. On travaille beaucoup avec les touristes. Durant la semaine, ce sont nos clients réguliers. »

Interrogée sur la crise dans les marchés publics, la mairesse Valérie Plante a dit hier, en point de presse, que son administration voulait s’assurer que tous les marchés de Montréal sont bien gérés. « L’intimidation est inacceptable », a-t-elle insisté.