La partie n’est pas encore gagnée pour ceux qui souhaitent un stade de baseball à Montréal. Mais puisque l’idée est dans l’air, nous avons demandé à des architectes renommés de nous offrir leur vision. Résultat? Au-delà d’un simple complexe sportif, ils imaginent un projet « signature » en symbiose avec le quartier et la ville. Voici leurs idées.

Un modèle écoresponsable

Si une firme d’architectes connaît les stades de la Ligue majeure de baseball, c’est bien Populous, de Kansas City. Sur les 30 parcs existants, elle en a construit, ou rénové, pas moins de 20 ! « Montréal pourrait voir naître le premier stade de baseball écoresponsable [net zero] », pense Earl Santee, cofondateur de Populous. Comment ? En utilisant, par exemple, des panneaux solaires, des toits verts, des eaux récupérées, des éclairages DEL, des appareils sanitaires à faible débit, de la mobilité durable, etc. Et c’est sans compter sur l’évolution des normes et des technologies environnementales à venir dans les prochaines années. Ainsi, un futur stade profiterait des dernières innovations et deviendrait un véritable modèle, précise-t-il. Par ailleurs, d’autres projets immobiliers sont aussi à l’étude en périphérie du bassin Peel, où pourrait être construit le futur stade. S’ils ajoutaient suffisamment d’habitations en développement mixte, on pourrait y voir émerger une vie de quartier avec des écoles, des parcs, etc. L’architecte américain ne connaît pas la teneur des propositions. Mais si cette intégration se réalise, Earl Santee estime qu’elle serait positive. « Elle permettrait d’y vivre différentes expériences dans la communauté et dans la ville », dit-il.

La création d’un quartier

« Ce projet, c’est la création d’un quartier, lance Maxime-Alexis Frappier, président d’ACDF Architecture. Elle offre à Montréal la fabuleuse opportunité de réfléchir à cette intégration. » L’architecte tend à privilégier une avenue où le stade serait beaucoup plus qu’un objet esthétique. « C’est un bâtiment qui doit entrer en dialogue avec les gens qui habitent le lieu, dit-il. Il doit créer un environnement de vie intéressant et contribuer au secteur 365 jours par année. » Il suggère d’intégrer des fonctions résidentielles, hôtelières et d’affaires (bureaux) à même le stade. Des ruelles réinterprétées donneraient accès aux bâtiments et à la rue. Car, rappelle-t-il, l’animation au niveau de la rue est l’une des caractéristiques de Montréal. « Il faut en arriver à un quartier réel où il fait bon vivre, dit-il. Où l’on retrouve une mixité sociale et un mode urbain qui pourrait faire école. » Selon lui, le projet est aussi une vitrine pour véhiculer des valeurs liées à l’environnement, à la mobilité et à la durabilité. « C’est une occasion de montrer à l’international notre savoir-faire et notre savoir-être, dit-il. Ça pourrait être plus qu’un projet standard. Il faut créer une signature, un projet emblématique fort et capable de rendre fiers les Montréalais et les Québécois. »

Un projet en symbiose

« Peu importe où il se trouvera, le stade devra bien s’arrimer au quartier, dit Éric Pelletier, associé principal, création chez Lemay. Il devra contribuer au renouveau du secteur et créer une symbiose. » Il remarque qu’une vie de quartier est en train de s’établir dans Griffintown et son voisinage, même si elle est encore jeune. « On pourrait compléter la trame urbaine, qui est plus du côté nord, en faisant un pont avec le côté sud, dit l’architecte. Il faut réussir à créer un quartier vivant autour du stade. » À proximité du complexe sportif, il verrait des zones plus commerciales. Elles seraient accompagnées d’habitations avec une mixité sociale, d’écoles, d’espaces verts et d’autres services. « Il doit y avoir une vie de quartier avec de l’animation, dit-il. Les gens doivent s’approprier les lieux. » Bref, au contraire d’un stade installé au milieu d’un immense stationnement, M. Pelletier mise plutôt sur un espace urbain piétonnier. C’est pourquoi la mobilité durable a un rôle important à jouer. « On pourrait aussi réduire l’empreinte écologique du bâtiment en termes de matériaux et de consommation, ajoute M. Pelletier. Ce projet est un legs pour les prochaines générations. »

Un lieu pour les artisans

Maxime Vandal, copropriétaire de la firme Les Ensembliers, ne conçoit pas de stades de baseball. Mais cet architecte est réputé pour ses travaux dans les grands domaines privés au Québec. Ses bureaux sont situés dans Griffintown, le quartier avoisinant les terrains envisagés pour accueillir un stade de baseball. Depuis son arrivée, il a constaté l’embourgeoisement du secteur. « Et j’ai assisté au départ des artisans », constate l’expert en rénovation patrimoniale. En 15 ans, des ébénistes, des forgerons, des lampistes, des rembourreurs, des sculpteurs, des peintres décoratifs, entre autres, ont été délogés. M. Vandal pense que le projet du stade offre l’occasion de retisser un lien entre les artisans et la communauté. « Un stade, c’est un lieu d’événements et de rassemblements, dit-il. S’il voit le jour, pourquoi ne pas en profiter pour créer, dans le secteur, un pôle de créativité afin d’y présenter le travail des artisans québécois ? » Cet espace urbain, subventionné par les gouvernements, s’installerait dans des boutiques actives (showrooms), des espaces événementiels ou des boutiques temporaires. « Ce serait une façon structurante d’incarner la place de Montréal comme ville de créativité et de design, dit l’architecte. Et de redonner une place aux artisans et à l’histoire du quartier, tout en générant une économie circulaire. »