British Museum ou Musée de Lachine, même combat. Ce n’est pas une frise du Parthénon, mais une coiffe cérémoniale du XIXe siècle vient de devenir l’un des premiers artéfacts de musée à faire l’objet d’une demande de restitution d’une nation autochtone du Québec.

La Presse a appris que le grand chef des Cris de la Baie-James, Abel Bosum, avait officiellement demandé à Valérie Plante de redonner l’objet à son peuple, lors d’une rencontre tenue début juin.

La coiffe fait partie de la collection du petit Musée de Lachine, un établissement municipal, depuis 1948. Elle avait été léguée par Fred Russel Hamilton, un collectionneur montréalais. La façon dont il l’a acquise est inconnue.

PHOTO MARTIN VIAU, TIRÉE DU SITE MUSEESMONTREAL.ORG

La coiffe crie fait partie de la collection du petit Musée de Lachine, un établissement municipal, depuis 1948.

La patronne de l’institut culturel cri Aanischaaukamikw, Sarah Pashagumskum, faisait l’inventaire des objets cris dans les musées québécois avec des collègues, il y a cinq ans, lorsqu’elle est tombée sur cet objet dans un catalogue. Des recherches dans la communauté leur ont permis de retrouver des descendants de Jane Gunner, la femme de Mistissini à qui il aurait appartenu, vers 1850.

« Nous étions très excités d’avoir trouvé cette coiffe et de l’avoir liée à une famille et à une communauté », a expliqué Mme Pashagumskum en entrevue téléphonique, depuis le village d’Oujé-Bougoumou, qui accueille l’institut.

Il est difficile de surestimer l’importance d’une coiffe comme celle-là. Ça touche presque tous les aspects de notre culture et de notre identité.

Sarah Pashagumskum, directrice générale de l’institut culturel cri Aanischaaukamikw

Il est d’autant plus urgent de la récupérer, ajoute-t-elle, que les connaissances entourant ces objets disparaissent à la vitesse grand V.

« Demande analysée avec soin »

Le cabinet de la mairesse Plante ne ferme pas la porte à la demande des Cris de la Baie-James, mais refuse de s’avancer.

« Toutes les questions liées à la mise en valeur des vestiges archéologiques et d’artéfacts ayant appartenu aux peuples autochtones font présentement l’objet d’une profonde réflexion, a indiqué par écrit Geneviève Jutras, attachée de presse de la mairesse. Cette demande du musée cri d’Oujé-Bougoumou sera assurément analysée avec soin dans le cadre d’un repositionnement du musée [de Lachine]. »

La coiffe n’est pas oubliée au fond d’une boîte poussiéreuse : il y a 10 ans, elle a été complètement restaurée.

« En 2007, dans le cadre d’un projet de numérisation de la collection du Musée, nous avons réexaminé cet objet et avons constaté son extrême fragilité, a expliqué le Musée dans un courriel. Grâce aux photos d’archives, nous avons déduit que la coiffe était probablement abîmée avant même son arrivée au Musée. »

Le Centre de conservation du Québec l’a restaurée en 2009. Il a fallu plus de 570 heures à la restauratrice pour réaliser ce travail.

Le Musée de Lachine

D’un point de vue historique, l’artéfact est important parce que peu de coiffes de la même époque et parvenues jusqu’à nous offrent un décor aussi élaboré, selon le Musée. Elle est faite de perles de verre cousues sur un lainage.

Le Musée de Lachine a refusé à La Presse l’accès à l’objet.

« Comme si je rencontrais ma grand-mère »

La coiffe a déjà fait un séjour à l’institut culturel en 2016, pour un prêt d’un an. Un rassemblement avait eu lieu pour l’accueillir.

« Quand ils l’ont apportée ici, c’est comme si je rencontrais ma grand-mère que je n’ai jamais connue », a affirmé en entrevue Dinah Simard, une descendante de Jane Gunner, en entrevue téléphonique. La dame avait la voix brisée par l’émotion quand elle a décrit la façon dont le prêt a pris fin.

Quand ils l’ont enlevée, c’était comme si ça nous était arraché à nouveau.

Dinah Simard 

« Je sais qu’on nous a dit qu’on pouvait la visiter, mais on n’a pas toujours le temps de descendre jusqu’à Montréal… »

La coiffe était portée « pour rendre honneur aux hommes après une chasse », a-t-elle continué. « Une femme le portait, pas seulement la coiffe, mais aussi d’autres vêtements ornés de perles de verre. »

Sa fille Trifona travaille au sein de l’institut culturel. « Les baies représentent les enfants, les fleurs représentent la mère et ainsi de suite », a-t-elle expliqué.

Dinah et Trifona Simard aimeraient voir la coiffe revenir entre les mains des Cris de la Baie-James le plus rapidement possible.

La question des restitutions se pose de façon urgente pour des centaines de musées un peu partout dans le monde qui ont acquis des objets de façon discutable au cours des siècles précédents. Les frises du Parthénon, un joyau antique conservé au British Museum de Londres, sont devenues le symbole de ce débat : elles sont au centre d’un vif conflit entre le Royaume-Uni et la Grèce, d’où elles ont été déplacées au tout début du XIXe siècle.