Seize : c’est le nombre total de demandes d’aide financière déposées à ce jour à la Ville de Montréal par les commerçants des rues Saint-Denis, Sainte-Catherine et Saint-Hubert qui ont subi des pertes en raison des travaux. De ce nombre, seulement cinq ont reçu une réponse positive pour une somme totale de 134 700 $, rue Saint-Denis. Quatre demandes ont été refusées. Et six sont toujours à l’étude, a appris La Presse.

Pourtant, des centaines de commerces ont été touchés par les grands chantiers, en 2016, rue Saint-Denis, et en cours, rues Sainte-Catherine et Saint-Hubert.

Ce programme d’aide offert aux commerces touchés par des travaux majeurs a été adopté en janvier par la Ville. Rétroactif au 1er janvier 2016, il est doté d’une somme de 25 millions de dollars.

« Une subvention maximale de 30 000 $ par année financière affectée par le chantier est disponible pour chaque commerçant admissible », explique Marie-Ève Courchesne, chargée de communication de la Ville de Montréal.

Pas d’aide pour le Festin de Babette

La demande soumise par Brigitte Merran, propriétaire avec son fils du Festin de Babette, rue Saint-Denis, a été rejetée. La raison : son commerce spécialisé dans les chocolats chauds et les brunchs n’a pas enregistré une perte de bénéfice brut supérieure à 15 % sur toute l’année 2016.

PHOTO OLIVIER PONTBRIAND, LA PRESSE

Brigitte Merran, propriétaire avec son fils du Festin de Babette, rue Saint-Denis

Le problème, selon cette commerçante, c’est que l’administration municipale compare les revenus de l’année 2015 à ceux de 2016, plutôt que de comparer les mois pendant lesquels ont eu lieu les travaux, d’avril à septembre 2016, à ceux de l’année précédente pour déterminer si le propriétaire est admissible au programme d’aide.

« Calculé comme le fait la Ville, ça ne peut pas marcher », assure Mme Merran, qui évalue sa perte à 29 000 $ sur six mois, en 2016.

« Si j’ai fait le même chiffre d’affaires en 2016 qu’en 2015, c’est parce que je me suis battue et que 2015 a été ma pire année. » — Brigitte Merran, propriétaire du Festin de Babette

Plusieurs commerces de la rue Saint-Denis ont fermé entre 2011 et 2015, rappelle-t-elle. Aujourd’hui, un commerce sur quatre est fermé, à vendre ou à louer entre les rues Sherbrooke et Gilford.

« Pour nous, ça allait de pire en pire, poursuit Mme Merran. On ne pouvait pas continuer comme ça. On a donc essayé quelque chose de nouveau en faisant de la publicité sur les réseaux sociaux. On a fait tout ce qu’on pouvait. Mon fils n’a pas pris une cenne. Je lui donnais de l’argent régulièrement et je payais le loyer. »

Résultat : la situation a commencé à s’améliorer pour Le Festin de Babette. De janvier à mars 2016, avant les travaux, Mme Merran dit ne pas avoir perdu d’argent. Même chose d’octobre à décembre. Mais durant l’été, au pic des travaux et de la haute saison, la situation a été « dramatique ».

À la suggestion de la présidente de la Société de développement commercial (SDC) Rue Saint-Denis, Lyne Beauvilliers, qui n’a pas rappelé La Presse, Mme Merran a écrit une lettre à Robert Beaudry, responsable du développement économique et commercial au comité exécutif de la Ville de Montréal, pour défendre son cas. Lundi, elle a reçu l’appel d’un fonctionnaire qui a accepté de la rencontrer hier matin pour lui confirmer qu’elle n’avait droit à « rien de rien ».

Pourquoi cet insuccès ?

Rue Sainte-Catherine, où d’importants travaux sont en cours de façon quasi ininterrompue depuis janvier 2018, un seul commerçant a déposé une demande de subvention à la Ville à ce jour. Rue Saint-Denis, il y a eu treize demandes, dont trois refus. Et rue Saint-Hubert, deux, dont un refus.

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

D’importants travaux sont en cours sur la rue Sainte-Catherine, au centre-ville de Montréal.

Comment expliquer le faible succès de cette mesure ?

« La procédure pour bénéficier du Programme d’aide financière aux établissements situés dans un secteur affecté par des travaux majeurs est simple », répond Marie-Eve Courchesne.

« Toute l’information est accessible sur le site de la Ville. Les commerçants sont invités à déposer leurs demandes. » — Marie-Ève Courchesne, chargée de communication pour la Ville de Montréal

Mme Merran avance une autre explication : « Rue Saint-Denis, beaucoup ont déposé leur bilan, dit-elle. Ces commerces n’existent plus. Les grosses pointures sont toutes parties depuis les travaux de 2016, à part quelques irréductibles comme Zone et Renaud-Bray. »

Rue Sainte-Catherine, le directeur de la SDC Destination centre-ville, Émile Roux, fait savoir que son organisme a renvoyé récemment toute la documentation à l’ensemble des commerçants touchés par le grand chantier. « Sur notre liste, il y a une centaine de commerces situés sur la zone des travaux, en face ou à proximité, qui sont admissibles à l’aide financière, précise-t-il. Cela, sans parler des magasins qui sont dans les centres commerciaux, comme le Centre Eaton. »