La plus grande autonomie conférée par Québec aux municipalités en 2017 a profité à la mairesse de Longueuil et au maire de Laval : leur rémunération a bondi respectivement de 49 % et de 28 %, et dépasse désormais celle de leur homologue montréalaise Valérie Plante.

Il s’agit d’une hausse importante des émoluments par rapport à ceux prévus à la mairie longueuilloise en 2017 et ce, sans que les responsabilités n’aient changées. La rémunération est passée de 161 000 $ à plus de 240 000 $ en 2019, selon les chiffres fournis par la Ville.

À Laval aussi, l’administration en place a décidé d’utiliser l’autonomie acquise avec la loi 122 pour permettre le cumul de la rémunération de chacun des postes occupés par son maire. Le salaire du maire Marc Demers a connu une hausse de 28 %, passant de 170 000 $ en 2017, à 217 000 $ cette année.

La paye de la mairesse Parent qui dirige la cinquième ville du Québec et celle du maire Demers à la tête de la troisième ville, sont donc plus élevées que celle versée à Valérie Plante, mairesse de Montréal avec ses 2 millions d’habitants et les obligations d’une métropole. Mme Plante touche 185 000 $ cette année, ce qui inclut une allocation de dépenses dont bénéficient tous les élus municipaux du Québec.

À Montréal, l’administration Plante a adopté dès son arrivée en poste un règlement plafonnant la rémunération des élus. Montréal disait vouloir « éviter une augmentation non souhaitable ». Les municipalités de Québec et de Gatineau ont également limité le traitement de leurs élus par voie réglementaire, et ce, même si les restrictions législatives qui s’appliquaient jusque-là avaient été retirées et que les villes pouvaient maintenant additionner sans limitations le salaire des élus correspondant à chaque fonction : conseil municipal, comité exécutif, organismes municipaux et instances régionales et suprarégionales.

Longueuil au sommet

C’est ainsi que la mairesse de Longueuil s’est hissée au sommet des salaires des élus municipaux. « C’est amplement justifié », a déclaré hier à La Presse le directeur des communications du cabinet de la mairesse Parent, Jean-Luc Benoît. Selon lui, les multiples tâches de Sylvie Parent correspondent à la rémunération versée. Et pas question d’y changer quoi que ce soit puisqu’aucun projet de règlement pour établir un plafond salarial n’est prévu, a-t-il précisé.

Mme Parent reçoit un salaire de base de 148 090 $ cette année, ce qui inclut ses fonctions au comité exécutif. En 2017, ce salaire était de 136 770 $. S’ajoutent 14 280 $ pour la présidence du conseil de l’agglomération de Longueuil. Quant à son siège de vice-présidente à la Communauté métropolitaine de Montréal, il lui permet de recevoir 45 000 $.

De plus, la mairesse siège à l’Autorité régionale de transport métropolitain, qui fait la planification régionale du transport. Ce poste représente un revenu additionnel de 16 267 $ en 2019. Ce montant n’est toutefois qu’une estimation pour les 11 séances que compte le calendrier du conseil d’administration. S’il devait y avoir des réunions extraordinaires d’ici la fin de l’année, Mme Parent recevrait un jeton de présence équivalant à 603 $ pour chaque réunion, a expliqué la Ville de Longueuil.

Il faut également additionner l’allocation de dépenses prévue par la Loi sur le traitement des élus municipaux, fixée à 16 767 $ cette année et qui est indexée annuellement. Tous les élus reçoivent une allocation de dépenses. Par ailleurs, à compter de cette année, le gouvernement du Canada estime que cette allocation constitue un revenu imposable. C’est ce qui explique que le conseil municipal de Longueuil – et de bien d’autres villes – a voté une augmentation de la rémunération annuelle de base de la mairesse et des conseillers municipaux pour compenser cette perte financière, en décembre dernier.

Tendance à la hausse

« C’est beaucoup », a commenté la professeure de l’UQAM Danielle Pilette, spécialiste des affaires municipales. « Cela aurait pu être pire si la situation politique s’y était prêtée », ajoute-t-elle, rappelant ainsi que Sylvie Parent est une mairesse minoritaire au conseil municipal.

La professeure note également une tendance à la hausse de la rémunération de tous les élus municipaux dans les municipalités de la grande région de Montréal, ce qui, selon elle, nécessitera la vigilance de la part des citoyens. La comparaison des villes de même taille, dans une région donnée, et qui détiennent une richesse foncière semblable sont autant de critères qui peuvent apporter un éclairage important, croit Mme Pilette.

À Laval aussi, l’administration Demers profite de l’abolition du concept de rémunération maximale. Au salaire de base de 117 670 $, s’ajoutent dorénavant la prime de 18 050 $ pour le comité exécutif et les rémunérations additionnelles liées à la CMM (45 000 $) et l’ARTM (20 000 $).Il faut également additionner l’allocation de dépenses de 16 767 $, pour un grand total de 217 487 $.

« Laval est la troisième plus grande ville. Son maire devrait avoir un revenu le situant à ce niveau et non pas comme [l’un des] mieux payés au Québec », a commenté le chef de l’opposition officielle à Laval, Michel Trottier. « Un plafond est nécessaire afin d’éviter ce genre de dérapage », a-t-il ajouté.

L’attachée de presse du maire, Valérie Sauvé, a toutefois souligné qu’un règlement est « en chantier », pour lequel un comité a été mis sur pied. Mme Sauvé a expliqué que « M. Demers veut l’unanimité des votes » sur cette question. Selon les dispositions législatives actuelles, l’adoption d’un règlement sur la rémunération des élus municipaux doit être votée aux deux tiers des voix, dont le vote du maire. Cette règle « équivaut à doter le maire […] d’un veto », comme l’explique la documentation du ministère des Affaires municipales.

L’autonomie municipale

En juin 2017, l’Assemblée nationale a adopté la Loi visant principalement à reconnaître que les municipalités sont des gouvernements de proximité et à augmenter à ce titre leur autonomie et leurs pouvoirs (Loi 122). Cette loi a permis aux villes et villages du Québec de prendre le contrôle de la rémunération des élus. Jusque-là, la Loi sur le traitement des élus municipaux fixait le minimum et le maximum que le maire et les conseillers municipaux pouvaient recevoir, même si ceux-ci assumaient des responsabilités supplémentaires (par exemple un poste au comité exécutif, au conseil d’administration d’une société de transport ou dans des instances régionales comme une MRC ou une agglomération). L’addition des rémunérations n’était pas permise. Depuis l’entrée en vigueur de la loi 122 le 1er janvier 2018, ce cadenas législatif a sauté.

Rémunération totale en 2019, comprenant l’allocation de dépenses

Sylvie Parent  Longueuil 240 404 $

Marc Demers  Laval 217 487 $

Valérie Plante Montréal 185 121 $

Régis Labeaume Québec 175 121 $

Maxime Pedneaud-Jobin Gatineau 171 097 $