Les églises de Montréal sont particulièrement vulnérables aux incendies parce qu’il manque cruellement d’argent pour les rénovations. À ce problème s’ajoutent le coût des mises à niveau, gonflé par la préservation des éléments architecturaux, et la mainmise des rénovations par les spécialistes de la protection du patrimoine, moins versés dans les mesures anti-incendie.

La basilique en 1978

Incendie à la basilique Notre-Dame, à Montréal, en 1978

La basilique Notre-Dame est peut-être l’église la mieux protégée contre les incendies à Montréal. C’est qu’en décembre 1978, un incendie criminel a ravagé la chapelle du Sacré-Cœur de la basilique. Par la suite, la basilique a été entièrement mise aux normes. « C’est la seule église pour laquelle il y a eu un programme de mise aux normes anti-incendie, durant la reconstruction jusqu’en 1983 », explique Stéphane Corriveau, chef de division aux opérations du Service de sécurité incendie de Montréal (SIM). « Il y a des alarmes et des gicleurs partout où il en faut. »

Infiltrations et problèmes structurels

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Incendie à la chapelle des Franciscains, à Montréal, en février 2010

L’hiver dernier, l’évêque auxiliaire de Montréal Alain Faubert s’est rendu sur les lieux de deux incendies criminels, qui ont visé les églises Saint-Eusèbe et Saint-Bernardin, non loin du pont Jacques-Cartier. « Chaque fois, on voit les problèmes que pose le manque d’entretien dans des paroisses populaires qui n’ont pas beaucoup d’argent, dit Mgr Faubert. Saint-Bernardin est un patrimoine assez moderne, 50-60 ans, alors que Saint-Eusèbe est plus vieux, dans la foulée du congrès eucharistique de Montréal en 1910. On a beaucoup d’espoir avec les déclarations du gouvernement qu’il y aura plus de réinvestissement dans les réfections d’églises. On a facilement besoin de centaines de millions. Pour une église de taille moyenne, on parle de 500 000 $ juste pour le toit, sans s’attaquer aux problèmes structurels et aux infiltrations d’eau, des champignons, le mortier qui s’effrite. Dans notre climat, il y a beaucoup de problèmes. Et quand il y a des infiltrations, il peut y avoir des problèmes électriques, et l’effondrement en cas d’incendie est plus probable. » Mgr Faubert estime par contre que les pompiers sont très attentifs aux besoins des églises. « J’étais curé à Saint-Germain d’Outremont, il y avait des problèmes de capteurs trop sensibles à l’humidité et de fausses alertes, les pompiers arrivaient très rapidement. »

Aires ouvertes

Les incendies dans les églises mènent souvent à l’effondrement de la structure à cause du manque d’entretien et de la vaste aire ouverte favorisant la propagation des gaz chauds, selon Stéphane Corriveau, du SIM. « Il n’y a pas beaucoup de matériel combustible, mais il y a quand même la charpente. Souvent, quand l’incendie est déjà de bonne taille, on est en mode défensif et on n’envoie pas les pompiers à l’intérieur de l’église à cause du risque d’effondrement. » Les gicleurs ne sont souvent installés que dans les endroits qui sont loués pour des réunions, parce que le Code du bâtiment ne les rend nécessaires que dans les salles où se rassemblent plus de 150 personnes. Que pense M. Corriveau de la performance des pompiers français à Notre-Dame de Paris ? « C’est difficile à évaluer de loin, mais je vois qu’il y avait 400 pompiers et qu’il y avait un risque d’effondrement, c’est assez classique comme incendie d’église. »

Les problèmes du patrimoine

Les problèmes d’entretien des églises liés à l’appauvrissement des fabriques et des diocèses qui s’en occupent sont compliqués par leur nécessaire pérennité, selon Robert Solomon, de l’Association nationale de protection contre les incendies (NFPA) des États-Unis, qui a publié en 2013 et en 2015 deux rapports sur le sujet. « Généralement, quand un bâtiment est mal entretenu et a un système électrique vétuste, c’est qu’il est abandonné, dit M. Solomon. Pas dans le cas des églises. En plus, il y a des chandelles et beaucoup de bois dans les bancs et les éléments décoratifs, les statues, et une immense salle où les flammes peuvent prendre de la force, avec beaucoup d’oxygène. Les mises à niveau pour la protection contre les incendies sont compliquées par le facteur de la protection du patrimoine et l’usage liturgique. Par exemple, on doit utiliser du cuivre pour les tuyaux alimentant les gicleurs. Il est souvent difficile d’intégrer des portes coupe-feu à l’architecture. Je viens de revenir de Paris et j’avais bien vu que Notre-Dame était en rénovation. Souvent, ça implique du soudage, par des experts artistiques qui ne sont pas spécialistes de la protection contre les incendies sur les chantiers. »

EN CHIFFRES

1600

Nombre d’incendies dans des édifices religieux en moyenne chaque année aux États-Unis

2

Nombre de morts dans des incendies dans des édifices religieux en moyenne chaque année aux États-Unis

30 %

Proportion des incendies dans des édifices religieux aux États-Unis qui sont d’origine criminelle

Source : NFPA