Québec refuse que la subvention qu'il a accordée pour le projet de réaménagement du parc Jean-Drapeau serve à en payer l'élément central, soit l'amphithéâtre naturel de 65 000 places.

Le chantier de 73,4 millions a beau être en branle depuis juillet 2017, c'est seulement récemment que Montréal et Québec ont fini par s'entendre sur la façon dont la métropole pourrait utiliser la contribution de 35 millions du gouvernement. Les élus montréalais ont en effet été appelés à entériner l'entente seulement lundi dernier... soit à six mois de la fin du chantier.

Fait particulier, l'entente prévoit que « les travaux liés à l'aménagement d'un amphithéâtre naturel pouvant accueillir environ 65 000 personnes sont non admissibles à l'aide financière », peut-on lire dans le texte de 16 pages. Aucune explication ne figure dans le document pour expliquer cette contrainte.

Invité à expliquer cette décision, le ministère des Affaires municipales est resté vague. « Lors de l'analyse du montage financier à l'hiver 2017, la Ville et le Ministère ont choisi de retirer l'amphithéâtre naturel des composantes pouvant bénéficier de l'aide financière », a indiqué le porte-parole Sébastien Gariépy. Il ajoute que « les coûts des travaux liés aux autres composantes admissibles du projet global ont été suffisants pour atteindre la totalité de l'aide financière de 35 millions ».

L'entente avec le gouvernement stipule que le financement de Québec se limitera aux éléments périphériques à l'amphithéâtre naturel.

En effet, le projet prévoit la réfection de l'allée Calder, qui relie l'édicule du métro à la célèbre sculpture, de la promenade riveraine ainsi que la création d'un Village événementiel et d'une Agora naturelle.

L'entente précise que si les factures soumises par la Ville n'atteignent pas la somme maximale de 35 millions, la subvention sera révisée à la baisse. Vérifications faites, l'amphithéâtre ne représente que 30 % de la facture de 73,4 millions. La Ville de Montréal juge ainsi peu probable de perdre une partie du financement.

CLOU DU PROJET

La décision de Québec est d'autant plus surprenante qu'en octobre 2015, le gouvernement disait clairement appuyer le projet d'amphithéâtre en accordant une subvention.

« Grâce à cet investissement, l'île Sainte-Hélène sera dotée d'un amphithéâtre naturel qui deviendra un lieu de diffusion d'exception destiné à de nombreuses activités culturelles et événementielles. »

- Robert Poëti, à titre de ministre responsable de la région de Montréal, en 2015

Le communiqué du ministère des Affaires municipales diffusé le jour même mettait d'ailleurs l'accent sur l'amphithéâtre naturel. « Cet aménagement contemporain permettra de mettre en valeur le secteur ouest de l'île Sainte-Hélène où sera construit un amphithéâtre naturel d'une capacité de 65 000 places qui pourra accueillir des spectacles et des événements culturels durant les quatre saisons. De calibre international, le Parterre bénéficiera de tous les avantages que peut offrir une salle de spectacle à la fine pointe de la technologie. »

Si cette annonce a été faite en octobre 2015, les discussions pour en arriver à une entente ont traîné en longueur. En mai 2017, les élus montréalais ont décidé d'autoriser le début des travaux même si aucune entente n'était encore intervenue. Puis, en juin 2017, le ministère des Affaires municipales donnait son feu vert, mais indiquait que son aide se faisait « sous réserve de conditions préalables », non précisées à l'époque. Les travaux ont finalement débuté en juillet 2017. La majeure partie du chantier doit prendre fin en juin prochain, même si certains travaux dureront jusqu'en décembre.

PROJET RÉVISÉ

Le projet de réaménagement du parc Jean-Drapeau a été profondément revu sous Denis Coderre. À l'origine, c'est la réfection de la promenade riveraine qui devait être le clou du projet. Ce volet a toutefois été revu à la baisse, passant de 22,5 millions à 6 millions. La réfection de la place des Nations a aussi été lourdement amputée, passant de 12,5 à 2 millions. À l'inverse, le Parterre, qui devait faire l'objet de seulement 1,6 million en travaux, est devenu l'élément central, l'ex-maire décidant d'y aménager un véritable amphithéâtre naturel, évalué à 30 millions. Les travaux à l'allée de Calder ont aussi été majorés, passant de 18,5 à 32,4 millions.

AUTRES CLAUSES

L'entente prévoit également une clause permettant à la ministre de résilier l'entente à tout moment, sans avoir à motiver la résiliation. À l'inverse, si elle souhaite résilier l'entente, la Ville doit obtenir l'autorisation de la ministre et fournir un motif.

Une autre clause impose également à la Ville d'informer la ministre 20 jours avant d'effectuer toute activité publique, comme une pelletée de terre protocolaire (improbable dans la mesure où les travaux ont débuté en juillet 2017) ou l'inauguration (prévisible). Québec doit de plus donner son feu vert avant toute annonce du genre.

Enfin, l'entente prévoit que Montréal aménage à ses frais un panneau permanent pour indiquer que les travaux sont réalisés grâce à une aide financière du gouvernement du Québec.