Le taux d'occupation aux urgences de l'hôpital du Suroît, à Valleyfield, atteignait 300 % hier matin. Et à Châteauguay, la situation était à peine mieux, alors que le taux d'occupation était de 226 % à l'hôpital Anna-Laberge. Depuis près d'un mois, l'achalandage aux urgences de ces deux établissements de l'ouest de la Montérégie est presque systématiquement le plus élevé de la province, a constaté La Presse.

Ces débordements surviennent alors que le gouvernement vient d'annoncer un changement de localisation pour le nouvel hôpital de Vaudreuil. Un établissement attendu impatiemment dans la région, qui connaît une forte croissance de population depuis les dernières années.

Le Dr Bernard Richard est chef de département aux urgences de l'hôpital du Suroît depuis 13 ans. Il est témoin de l'augmentation constante du nombre de patients. « On reçoit maintenant de 30 à 40 ambulances par jour, alors que j'ai 22 civières. C'est intenable », dit le Dr Richard, qui estime qu'environ la moitié des patients viennent de Vaudreuil.

Hier matin, les urgences étaient si congestionnées à l'hôpital du Suroît que les ambulanciers étaient incapables de débarquer leurs patients. « Il n'y avait juste pas de civières pour les accueillir », note le Dr Richard. L'an dernier, l'hôpital a atteint un seuil critique de 330 % de taux d'occupation aux urgences. Pour le Dr Richard, ce taux « commence à être dangereux ».

Besoins criants

Le Dr Sylvain Dufresne, médecin de famille à Vaudreuil et président de l'Association des médecins omnipraticiens du Sud-Ouest, affirme que les besoins de la population de Vaudreuil, qui ne cesse de croître, sont immenses et qu'en conséquence, la pression sur les urgences des hôpitaux de l'ouest de la Montérégie s'accentue toujours. « Cette semaine, la situation au Suroît est épouvantable », dit-il.

Maryse Bégin, porte-parole du Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux (CIUSSS) de la Montérégie-Ouest, explique que les forts achalandages aux urgences sont liés à la croissance et au vieillissement de la population de la région. « Nous enregistrons une hausse de 13 % des arrivées d'ambulances par rapport à la même période l'an dernier », précise-t-elle. Le nombre de patients qui occupent des lits aux étages, mais qui sont en fin de soins actifs et donc attendent un lit d'hébergement à l'extérieur de l'hôpital, est aussi en hausse, causant une congestion aux urgences. Le Dr Richard remarque que plusieurs résidences pour personnes âgées autonomes ont poussé ces dernières années à Vaudreuil. Mais très peu de lits pour les personnes en perte d'autonomie ont été créés. « Plusieurs facteurs peuvent expliquer le débordement aux urgences. Mais c'est sûr que des lits en CHSLD et un hôpital de plus, ça aiderait », dit le Dr Richard.

Changement de terrain pour l'hôpital de Vaudreuil

L'ouest de la Montérégie réclame depuis des années un nouvel hôpital. Vendredi, la ministre de la Santé, Danielle McCann, a annoncé avoir choisi de modifier l'emplacement du projet d'hôpital à Vaudreuil. Mais elle assure que l'échéancier, qui prévoit une ouverture en 2027, sera respecté.

Le précédent gouvernement avait choisi un terrain situé à l'intersection de l'autoroute 30 et de la route 340 à Vaudreuil pour établir le nouvel hôpital. Ce terrain d'environ 25 hectares était situé sur des terres agricoles.

En mai 2018, la Commission de protection du territoire agricole du Québec (CPTAQ) avait émis un avis défavorable sur le projet. Malgré tout, en juin 2018, l'ancien ministre de la Santé Gaétan Barrette allait de l'avant avec le projet. Des avis d'expropriation avaient été préparés et des travaux de caractérisation des sols effectués. Mais le terrain n'avait pas été acheté, confirme-t-on au ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS).

Au début du mois de décembre, la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) a aussi refusé de modifier son Plan métropolitain d'aménagement et de développement afin d'autoriser la construction de l'hôpital sur des terres agricoles. La ministre McCann a décidé de respecter cet avis et a annoncé que d'autres terrains étaient déjà à l'étude.

Réactions mitigées

Le Dr Dufresne espère que l'échéancier de la construction du nouvel hôpital ne sera pas prolongé. Car selon lui, la population de Vaudreuil a besoin de cet hôpital rapidement. « Actuellement, avoir une consultation avec un médecin spécialiste à Vaudreuil est quasi impossible. Il faut aller ailleurs », affirme le Dr Dufresne, qui envoie parfois des patients en Ontario en raison du manque de ressources dans son secteur.

Le Dr Dufresne explique qu'à Vaudreuil, le ratio est de 1700 à 1800 patients par médecin, soit « le pire de la Montérégie ». Le recrutement de nouveaux médecins de famille est aussi extrêmement difficile, selon lui. « Actuellement, j'ai huit nouveaux postes disponibles, et seulement quatre candidats confirmés. Les jeunes veulent aller travailler là où il y a un hôpital, et on n'en a pas. Si le projet n'aboutit pas, j'ai peur que ce déficit de médecins s'aggrave », dit-il.

Le maire de Vaudreuil, Guy Pilon, déplore la décision du gouvernement de changer l'emplacement de l'hôpital. « D'autres sites avaient été analysés, mais ils avaient été rejetés. Je ne comprends pas pourquoi on n'a pas continué sur la même voie », affirme-t-il.

Le président de l'Union des producteurs agricoles de la Montérégie, Christian St-Jacques, a pour sa part accueilli favorablement la décision de la ministre McCann. « Depuis le début, les agriculteurs dénoncent le choix fait par l'ancien gouvernement libéral de détruire délibérément le patrimoine agricole. [...] Les meilleures terres, celles qui présentent la plus grande valeur agronomique, sont ici, elles sont rares et non renouvelables, il faut les protéger », a écrit M. St-Jacques dans un communiqué.

Selon le Dr Richard, le projet de nouvel hôpital à Vaudreuil doit voir le jour rapidement. « Mais il faudra aussi trouver d'autres solutions parce qu'on ne pourra pas continuer comme ça jusque dans sept ans ou plus », conclut-il.