L'usine de biométhanisation que la Ville de Longueuil projetait de construire pour traiter ses matières organiques risque fort de ne pas voir le jour, a appris La Presse.

La remise en question du projet, qui avait été annoncé en 2010 et qui devait être financé en partie par les gouvernements provincial et fédéral, concorde avec une explosion des coûts pour ce type d'installations ailleurs au Québec.

La Ville de Longueuil, qui en était à l'étape de la préparation d'un appel d'offres pour son usine de biométhanisation, affirme officiellement que le projet n'est pas complètement mort, mais reconnaît qu'elle étudie des solutions de rechange.

« On ne peut pas dire que c'est annulé », a déclaré à La Presse le porte-parole de la Ville, Louis-Pascal Cyr.

« Les maires de l'agglomération ont demandé [à la ville centre] d'explorer d'autres avenues », explique-t-il, évoquant notamment la possibilité d'acheminer les matières organiques des 427 000 habitants de l'agglomération à l'usine de biométhanisation de la Société d'économie mixte de l'est de la couronne sud (SEMECS), à Varennes.

Des négociations à ce sujet sont d'ailleurs en cours, ont indiqué à La Presse plusieurs sources bien au fait du dossier.

Joint par La Presse, le directeur général de la SEMECS, Sylvain Berthiaume, a indiqué ne pas pouvoir s'exprimer sur le sujet, affirmant toutefois qu'une telle entente nécessiterait un agrandissement des installations entrées en fonction le printemps dernier.

Flairant l'abandon du projet longueuillois, la Ville de Saint-Bruno-de-Montarville, qui fait partie de l'agglomération de Longueuil, s'est déjà tournée vers la SEMECS, avec qui elle a conclu le mois dernier un contrat pour le traitement de ses matières organiques à partir du 1er janvier prochain, rapportait récemment le journal local Les Versants.

Explosion des coûts

L'abandon possible du projet d'usine de biométhanisation de Longueuil intervient quelques jours à peine après l'annonce officielle de l'abandon de celle qui devait voir le jour à Beauharnois.

La Régie intermunicipale de valorisation des matières organiques (RIVMO) des municipalités régionales de comté (MRC) de Beauharnois-Salaberry et de Roussillon a effectivement annoncé vendredi par communiqué qu'elle renonçait à se doter d'une telle installation.

La proposition ayant obtenu le meilleur pointage, et par ailleurs la plus basse, s'élevait à 140 millions de dollars, soit le double de ce qu'avait évalué la RIVMO.

« Ça a été une surprise pour tout le monde. Dans les évaluations que nous avions eues jusqu'à ce jour par des firmes d'ingénierie, il n'y a rien qui laissait présager un tel écart », a expliqué Bruno Tremblay, président de la RIVMO et maire de Beauharnois, au cours d'un entretien avec La Presse.

« On est en train de rencontrer les soumissionnaires pour tenter d'expliquer les écarts », a ajouté M. Tremblay, précisant que cet exercice aiderait la RIVMO à décider de la suite des choses.

« Tout est sur la table », affirme-t-il, évoquant la possibilité de confier les matières organiques des deux MRC à des installations existantes, de lancer un nouvel appel d'offres pour une installation de biométhanisation ou encore de se doter de simples installations de compostage.

La biométhanisation « n'est pas une fin en soi », admet-il.

En attendant, la « période de rodage » qui doit commencer l'automne prochain est maintenue ; les matières organiques des 95 000 ménages des deux MRC seront envoyées dans une installation de compostage à Lachute.

Un procédé coûteux

Les coûts liés à la construction d'installations de biométhanisation et de compostage explosent partout au Québec.

À Montréal, la dernière estimation pour la construction de deux usines de biométhanisation, de deux installations de compostage et d'un centre de prétraitement s'élève à 520 millions de dollars, soit deux fois plus que prévu, apprenait-on le mois dernier.

« La biométhanisation, c'est vraiment un luxe », a lancé Karel Ménard, directeur général du Front commun québécois pour une gestion écologique des déchets.

Selon M. Ménard, ce procédé s'impose dans les milieux urbains de grande taille, comme à Montréal, mais pas en périphérie.

Dans le cas de Beauharnois, « 140 millions de dollars, ça revient très cher la tonne de GES évitée », s'exclame-t-il.

Quant à l'idée d'agrandir l'usine de biométhanisation de Varennes pour y acheminer les matières organiques de Longueuil, Karel Ménard estime que « ce ne serait pas idiot, ce serait peut-être même souhaitable ».

M. Ménard déplore que les gouvernements aient incité les municipalités à opter pour la biométhanisation, en mettant « beaucoup d'argent sur la table » en subventions, et les aient laissées à elles-mêmes devant une technologie méconnue ici.

« Ça encourage des projets trop gros pour les besoins [qu'elles ont] », estime-t-il, ajoutant que l'objectif de Québec de cesser l'enfouissement et l'incinération des matières organiques crée « un marché captif » qui pourrait expliquer en partie l'explosion des coûts.

« Peut-être qu'on déchante un peu » par rapport à la biométhanisation, croit-il, estimant que l'abandon du projet de Beauharnois et la remise en question de celui de Longueuil au profit d'autres solutions sont « peut-être une sage décision ».