Après le Bureau de l'inspecteur général, au tour de la vérificatrice générale (VG) de Montréal de critiquer durement la gestion de la Formule E. Son rapport annuel souligne des lacunes dans le suivi des finances et le manque de respect des règles en place par l'ancienne administration Coderre.

« La Ville n'a pas fait le suivi des sommes engagées et dépensées pour l'événement. Nous avons dû demander de l'information à plusieurs unités d'affaires concernées afin d'obtenir un portrait complet des coûts de ce projet », peut-on lire dans le rapport annuel de la vérificatrice générale Michèle Galipeau.

À l'origine, l'OBNL mis en place pour gérer l'événement, Montréal c'est électrique (MCE), prévoyait parvenir à équilibrer ses finances dès la première année. Dans un budget daté du 4 novembre 2016, ses dirigeants prévoyaient des revenus de 22 millions et des dépenses de 22 millions. On anticipait même un léger surplus de 20 000 $.

Mais en mars 2017, les ventes décevantes de billets ont forcé MCE à réviser son budget. Le léger surplus faisait place à un déficit de 7,3 millions.

Constatant qu'un lourd déficit s'annonçait, MCE a même demandé en mai 2017 de majorer de 5 millions sa marge de crédit, pour la porter à 15 millions. Le Service des finances a toutefois bloqué le tout quand il a été constaté que tous les surplus de la Ville étaient engagés et que les fonds n'étaient donc pas disponibles.

Les revenus n'ont été que de 7 millions, tandis que les dépenses se sont élevées à 20,6 millions.

D'un côté, Québec et Ottawa ont été beaucoup moins généreux qu'on l'espérait. Les subventions se sont en effet élevées à 3,7 millions, alors que l'on comptait sur 11,6 millions.

Ensuite, la vente de billets a été nettement inférieure aux attentes. À l'origine, MCE misait sur 45 000 entrées payantes, à 108 $ en moyenne. Les billets devaient ainsi rapporter 4,9 millions.

Mais en mars 2017, les ventes ne lèvent pas. On prévoit désormais vendre seulement 15 000 billets. Le résultat final sera plus faible encore, les états financiers indiquant que seulement 13 646 billets ont été vendus. Ceux-ci s'étant vendus en moyenne 51 $, ils ont généré des revenus de 700 000 $.

L'opposition et les journalistes ont réclamé pendant des semaines de connaître le nombre de billets réellement vendus.

Le rapport de la VG prend bien soin de souligner que « dès le lendemain de la présentation de l'événement, la répartition entre le nombre de billets vendus et donnés était disponible et connue ».

Pour éviter de voir des gradins vides, MCE a finalement distribué tout près de 35 000 billets gratuits, nettement plus que les 7500 prévus au départ.

La mairesse Valérie Plante s'est dite profondément indignée que son prédécesseur, Denis Coderre, ait caché cette information jusqu'à la veille des élections. « Pour moi, c'est le plus mauvais exemple à suivre. On ne peut pas être maire et mentir en disant que les données n'étaient pas disponibles », a-t-elle déploré.

RÈGLES NON RESPECTÉES

La vérificatrice générale constate également que la Ville de Montréal n'a pas suivi ses propres règles de gestion des grands projets. « Nous constatons à la lumière des travaux effectués que le projet de Formule électrique n'a pas suivi le cadre de gouvernance de la Ville », peut-on lire dans le rapport.

La vérificatrice générale souligne qu'aucun dossier d'affaires n'a été réalisé. Ce document aurait dû détailler les enjeux, les risques et les coûts afin d'en informer les élus.

La vérificatrice générale constate que la coordination du projet transitait exclusivement par le cabinet de l'ex-maire Denis Coderre. 

« En l'absence d'un chargé de projet, l'administration municipale n'avait aucune vision globale des enjeux et des risques de ce projet d'envergure », explique le rapport.

Selon Valérie Plante, le jugement de la VG est clair. « C'est très, très critique. La vérificatrice générale nous dit qu'on s'est lancés sans plan d'affaires, sans prendre le temps d'évaluer combien ça coûterait, et ça nous a menés au fiasco qu'on connaît. » La mairesse assure qu'elle retiendra la leçon pour son administration. « Pour tout projet, on va respecter le cadre de gouvernance pour éviter ce genre de situation. »

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D'autres nouvelles montréalaises

La cuisine de rue s'essouffle

Après l'engouement initial, la cuisine de rue « tend à s'essouffler », constate le rapport de la VG. Des six arrondissements qui participaient au programme en 2017, il n'en reste plus que trois. Les autres se sont retirés en raison du trop faible achalandage des sites. La VG note que 94 % des réservations ont eu lieu dans le seul arrondissement de Ville-Marie (centre-ville). Les exploitants boudent les autres secteurs, estimant que les lieux où ils peuvent s'installer sont peu intéressants en raison de leur faible fréquentation, qui ne leur permet pas d'être rentables. La VG suggère de réévaluer le programme de cuisine de rue pour assurer son avenir, notamment en procédant à une simplification des permis.

Matières organiques : loin des cibles

La Ville de Montréal est loin de pouvoir atteindre les objectifs du gouvernement dans la gestion des matières organiques, constate la vérificatrice générale, qui demande une révision de la stratégie montréalaise. Alors que Québec demandait aux villes de recycler 60 % des matières organiques en 2015, la métropole en traite actuellement à peine 20 %. La VG doute ainsi que Montréal pourra interdire l'enfouissement de celles-ci d'ici à 2020, comme elle souhaitait le faire. « L'effet wow dure quelques mois et ça descend par la suite », constate Jean-François Parenteau, élu responsable de la collecte. Celui-ci estime que la métropole doit néanmoins maintenir l'objectif d'interdire l'enfouissement des matières organiques d'ici à 2020.

Améliorer la détection des fuites

Montréal doit revoir en profondeur son programme de détection des fuites d'eau, puisque celui qui est en place ne donne pas les résultats escomptés. « Le programme de recherche de fuites actuellement en place ne permet pas de réduire de manière optimale les fuites sur le réseau d'aqueduc », constate la VG. Elle invite ainsi Montréal à « se doter d'un réel programme de recherche de fuites ». La métropole évalue perdre 34,7 % de l'eau produite, alors qu'on vise des pertes de 20 %. « Ça confirme les engagements de notre administration d'investir dans l'eau », dit l'élu responsable de l'eau, Sylvain Ouellet. Rappelons que l'administration Plante s'est fait vivement critiquer lors du budget en raison de la hausse d'un point de la taxe vouée à l'eau.

Manifestation pour un terrain de balle molle

Une cinquantaine d'amateurs de balle molle ont manifesté hier soir devant l'hôtel de ville pour demander la reconstruction d'un terrain de baseball au parc Jeanne-Mance. Le maire du Plateau-Mont-Royal, Luc Ferrandez, s'est attiré les foudres de ces sportifs après avoir fait détruire l'un des deux terrains bordant la montagne. Questionnée par des citoyens lors de la séance du conseil municipal, la mairesse Valérie Plante a rappelé que Montréal devait tenir compte du fait que la Ville a été condamnée à dédommager une dame qui l'avait poursuivie après avoir été heurtée par une balle perdue. L'élue a indiqué qu'une consultation sur l'aménagement du parc aurait lieu.

L'opposition appuie la destitution de Pichet

L'opposition à l'hôtel de ville a annoncé qu'elle comptait appuyer la recommandation de destitution de Philippe Pichet de son poste de directeur du Service de police de la Ville de Montréal, estimant que le lien de confiance avait été brisé. Ensemble Montréal dénonce toutefois la précipitation dans laquelle le dossier a été géré. Les élus municipaux seront appelés à voter sur le sort de Philippe Pichet lors de la séance du conseil municipal d'aujourd'hui. La demande de destitution sera envoyée au ministre de la Sécurité publique, Martin Coiteux, qui aura le dernier mot. L'opposition a déploré que la séance de la Commission de la sécurité publique durant laquelle Philippe Pichet s'est défendu se soit déroulée à huis clos et le fait de n'avoir pu entendre le directeur intérimaire Martin Prud'homme.