Son nom apparaît dans des documents d'enquête de l'Unité permanente anticorruption (UPAC) à côté de ceux de Frank Zampino, Paolo Catania et Rosaire Sauriol, tous accusés au criminel, contrairement à lui. On y lit qu'il aurait été couvert de cadeaux par des entrepreneurs alors qu'il présidait le comité exécutif de Montréal pendant le règne de Gérald Tremblay. Mais sans tambour ni trompette, Claude Dauphin est toujours là. Il brigue un cinquième mandat à la tête de l'arrondissement de Lachine sous la bannière du parti Équipe Dauphin Lachine.

Sans nier ce qui a été écrit sur lui, il clame que ces cadeaux n'ont jamais favorisé un entrepreneur et que c'était jadis une façon de faire de la politique.

Si aller dans une loge du Centre Bell ou au golf pour discuter avec des gens d'affaires était répréhensible, « tous les élus devraient démissionner demain matin », clame-t-il.

Sur la terrasse d'une résidence pour aînés, devant une assistance sirotant une petite bière à laquelle il s'adresse avec bonhomie, l'homme a tous les airs du parfait routier de la politique, un brin populiste, bien au fait de ses dossiers. Personne dans cette assistance conquise ne lui parlera d'enquête et d'intégrité. La sécurité des piétons aux intersections y est plus préoccupante.

Mais le maire sortant de Lachine, élu sans arrêt depuis les fusions en 2001, admet que parfois, les citoyens lui parlent de tout ça, pendant ses tournées électorales.

« Il y a des gens qui posent des questions, c'est sûr », dit-il.

« ÇA FONCTIONNAIT COMME ÇA À CETTE ÉPOQUE-LÀ »

L'enquête dans laquelle son nom a été mentionné a été baptisée Fronde et porte sur la corruption dans les affaires municipales. Elle n'a encore mené à aucune accusation.

« C'est certain qu'en 36 ans de vie politique, on considère qu'il y a de très bons coups, et il y a ces allégations. On ne peut pas empêcher les allégations de se faire », explique celui qui a été député libéral à Québec de 1981 à 1994.

« Mais en 36 ans, je n'ai jamais eu à intervenir dans un contrat quelconque, ni au provincial, ni au fédéral, ni au municipal », ajoute-t-il rapidement.

Rosaire Sauriol, ancien vice-président de la firme de génie-conseil Dessau, a affirmé à l'UPAC avoir payé des rondes de golf, des repas au restaurant, des concerts et des matchs de hockey dans une loge à Claude Dauphin, « car il voulait demeurer un fournisseur de l'arrondissement de Lachine ». Il a récemment été condamné à 200 000 $ d'amende pour son rôle dans le système de corruption à Laval à l'époque du maire Gilles Vaillancourt.

« Sauriol était à Lachine avant que Claude Dauphin vienne à Lachine. Sauriol était à la STM avant que Claude Dauphin devienne président de la STM. J'ai vérifié, Sauriol est un de ceux qui a eu le moins de contrats à Lachine depuis que je suis là. »

- Claude Dauphin

« C'est sûr qu'il y a des choses que tu faisais avant que tu ne fais plus aujourd'hui. La proximité avec les bureaux d'avocats, d'ingénieurs, d'architectes, tu ne fais plus la même politique aujourd'hui. Autrefois, quelqu'un qui t'amenait luncher pour régler un dossier, c'était la façon de faire. Moi, quand j'étais député à l'Assemblée nationale et que je voulais avoir un agrandissement pour mon hôpital, j'invitais le sous-ministre à dîner au restaurant et je lui payais une bouteille de vin. Est-ce que je referais ça aujourd'hui ? Peut-être pas. Mais ça fonctionnait comme ça à cette époque-là », poursuit-il.

PAS DE CONTRAT DANS LES LOGES

Il affirme être allé une centaine de fois dans des loges au Forum et au Centre Bell au cours de sa vie politique provinciale et municipale, mais ne jamais y avoir négocié de contrat.

« Je vous donne un exemple. GE Hydro, quand j'étais député, m'avait invité dans une loge au Forum. Ils venaient de fermer l'usine à Lachine et ça avait fait perdre 400 emplois. La présidente était là et je trouvais que j'avais intérêt à y aller pour discuter de la vente à un acheteur potentiel. Je suis allé dans la loge du Journal de Montréal quelques fois », explique-t-il.

« Moi, j'aime mieux aller au hockey et m'asseoir plus bas, pour regarder le match. »

Il affirme qu'il a toujours dit à l'UPAC qu'il était prêt à collaborer avec ses enquêteurs. Il ne sait pas quand et de quelle façon l'enquête Fronde aboutira.

TAXES

Aujourd'hui, il préfère parler aux Lachinois de leurs taxes, de leur sécurité dans les rues et de ce qui fait de Lachine une petite société distincte dans le magma montréalais.

« Nos taxes vont à Montréal en pipeline et reviennent dans un petit tuyau de trois pouces », lance-t-il à son assistance à la résidence pour aînés.

Certains lui rappellent qu'ils n'ont toujours pas digéré la fusion de 2001.

« C'est ce que me dit à peu près une personne sur trois. On a été forcés de se marier avec Montréal. Mais c'est un mariage qui n'a pas encore été consommé »,