Trois entreprises éclaboussées par le scandale de la collusion se retrouvent aujourd'hui poursuivies par la Ville de Montréal pour avoir confondu de la pierre et du béton. En apparence mineure, leur erreur a incité la métropole à entreprendre des travaux de 2 millions de dollars, un chantier maintenant jugé inutile.

Le comité exécutif de la Ville de Montréal vient d'autoriser ses avocats à intenter une poursuite contre une firme d'inspection des égouts, Colmatec, et deux firmes de génie, CIMA+ et BPR. La Ville réclame un dédommagement pour les travaux réalisés inutilement.

L'histoire remonte à 2007. À l'époque, les trois entreprises avaient obtenu d'importants mandats auprès de la métropole afin de préparer les infrastructures municipales entourant le Centre universitaire de santé McGill (CUSM). Colmatec, aujourd'hui une compagnie à numéro (9258-8490 Québec inc.), avait décroché un contrat de 45 000$ pour inspecter les égouts sous le boulevard Décarie. Un consortium formé par CIMA+ et BPR avait pour sa part obtenu un mandat de 4,7 millions pour préparer tous les travaux dans le secteur du futur hôpital.

Un ancien dirigeant de BPR a reconnu devant la commission Charbonneau que ce contrat a été obtenu grâce à de la collusion. Il a même précisé qu'il avait versé 3% de sa part du mandat, soit 69 000$, à Union Montréal.

Épinglée en novembre 2011 par le Bureau de la concurrence du Canada, Colmatec s'est quant à elle reconnue coupable d'avoir participé à un partage de contrats de surveillance des égouts dans la région de Montréal. Les deux entreprises ont depuis été placées sur la liste noire de la métropole.

À la suite de ses inspections sous le boulevard Décarie, en 2007, Colmatec a mentionné dans un rapport que la conduite d'égout était en pierre. Le consortium a repris cette information et préparé des plans afin de remplacer la conduite. Un appel d'offres a ensuite été lancé et l'entrepreneur Construction Garnier a décroché un contrat de 2,1 millions. Soulignons que le président de cette entreprise de construction, Joe Borsellino, a lui aussi reconnu à la commission Charbonneau avoir participé à la collusion.

Mauvaise surprise

Surprise, le 19 avril 2012: on découvre durant les travaux que la conduite n'est pas en brique, mais plutôt en béton armé. Le détail est important: les conduites en pierre sont généralement plus anciennes alors que celles de béton armé sont plus récentes. D'ailleurs, une conduite en pierre datant de 1885 a cédé cet été sous la rue Sainte-Catherine, engloutissant une excavatrice.

«Alors que l'entrepreneur était en train d'excaver la conduite d'égout, il a été constaté qu'il s'agissait non pas d'une conduite en brique, tel qu'indiqué dans les plans et devis, mais bien d'une conduite d'égout en béton armé qui n'aurait pas eu à être remplacée. La Ville a donc inutilement encouru des frais pour l'excavation et le remplacement d'une conduite», écrit la Ville.

Dans les documents consultés par La Presse, il n'est pas spécifié si la découverte a été rapportée par l'entrepreneur lui-même ou par un surveillant de la Ville affecté à ce chantier.