La Ville de Montréal est littéralement empêtrée depuis 2006 dans une cause coûteuse de congédiement qui l'a menée jusqu'en Cour suprême. Quatre ans et autant de décisions de tribunaux plus tard, la facture est salée: près de 200 000$ seulement en honoraires d'avocats, pour avoir refusé de renouveler le contrat de la greffière Jacqueline Leduc.

Et ce n'est pas terminé, puisqu'une nouvelle défaite coûterait quelques centaines de milliers de dollars de plus. La Ville a déjà été déboutée trois fois sur quatre.

La cause sera de retour le 14 décembre prochain devant la Commission des relations de travail. «Nous maintenons qu'il s'agit du non-renouvellement d'un mandat à durée déterminée et pas d'une destitution, tel qu'allégué par Mme Leduc», précise-t-on à la Ville. Jacqueline Leduc et son avocat, Joël Mercier, ont préféré s'abstenir de tout commentaire.

Pourquoi autant d'argent pour un seul congédiement? À la Ville, on explique la «progression des coûts» par le fait que quatre tribunaux se sont penchés sur la cause. On note aussi «qu'un dossier porté devant la Cour d'appel et devant la Cour suprême nécessite la préparation de mémoires écrits et volumineux». La firme retenue par Montréal est Fasken Martineau Dumoulin.

L'ex-greffière a-t-elle été victime d'un congédiement déguisé en simple non-renouvellement de contrat? Toute la question est là. En octobre 2001, dans la nouvelle Ville de Montréal en pleine fusion, elle avait été embauchée par le comité de transition. Elle occupait auparavant le poste de directrice des services juridiques de la Communauté urbaine de Montréal, qui a disparu avec la fusion.

Les conditions d'embauche sont claires, selon la Charte de la Ville de Montréal: «Le comité de transition doit nommer pour une durée maximale de cinq ans» les cadres, dont le greffier. Son salaire est établi à 120 000$.

Cinq ans plus tard, le 21 septembre 2006, Mme Leduc apprend que son contrat ne sera pas renouvelé. Son supérieur, Robert Cassius de Linval, écrit cette phrase qui se révélera déterminante pour la Cour: «Cette décision a été prise, notamment, en fonction des motifs que nous vous avons exprimés lors de nos rencontres.»

Mme Leduc se retrouvera éventuellement mutée au poste de directrice affaires juridiques à la Société d'habitation et de développement de Montréal, «sans aucune perte quant à son salaire ou à ses avantages sociaux», précise-t-on à la Ville. Elle a occupé ce poste jusqu'en 2008. Elle est aujourd'hui conseillère juridique au Service de police de la Ville de Montréal.

Victoire suprême

Ces mystérieux «motifs» évoqués par M. Cassius de Linval n'ont pas encore été expliqués devant le tribunal. En première instance, la Commission des relations de travail a débouté Mme Leduc sans qu'elle ait pu faire entendre des témoins sur les raisons de son congédiement.

Elle a porté la cause en Cour supérieure, qui lui a donné raison le 7 mai 2009, jugeant que la Commission avait erré en n'entendant pas les témoins. La Cour d'appel, le 15 juin 2009, puis la Cour suprême, le 17 décembre suivant, confirmeront cette décision. Les audiences de la CRT ont repris au printemps 2010.

On s'attend à ce que Mme Leduc explique le 14 décembre prochain les motifs retenus, selon elle, pour que son contrat ne soit pas renouvelé. Les médias ont déjà rapporté que deux mois avant d'être nommée greffière, en 2001, elle avait fait l'objet d'une poursuite d'un avocat sous ses ordres, Pierre-Yves Boisvert. Celui-ci se disait harcelé et constamment humilié par Mme Leduc. Lors des élections municipales de novembre 2005, elle avait été blâmée pour avoir expulsé des représentants de parti de certains bureaux de vote. On avait lié à l'époque ce blâme avec le non-renouvellement de son contrat.