Comment ils sont passés de la parole aux actes

« Notre mission, c’est vraiment d’apporter du bonheur à notre communauté, mais aussi de lutter contre les changements climatiques. »

Produire des fleurs fraîches en région, l’hiver, dans le respect de l’environnement : voilà le défi que s’est lancé Ora-Maggie Beaulieu-Pelletier, de la ferme Pastel, à Grand-Métis, dans le Bas-Saint-Laurent. Avec son conjoint Skot Morgan, elle s’apprête à réaliser sa première récolte hivernale : des milliers de tulipes produites en pleine terre dans une serre chauffée à la biomasse.

En utilisant des déchets forestiers pour alimenter une chaudière à l’eau plutôt que du propane pour chauffer la serre, la ferme florale parvient à réduire ses émissions de gaz à effet de serre d’une quantité équivalente à la consommation annuelle de 34 voitures de type Toyota Corolla.

« C’est sûr que nous, on veut faire tout ce qui est en notre pouvoir pour avoir un impact positif et aider le secteur de la floriculture à devenir plus vert », explique l’agricultrice de 36 ans.

PHOTO ATELIER CAMION, FOURNIE PAR LA FERME PASTEL

Ora-Maggie Beaulieu-Pelletier et Skot Morgan

Nous, on s’est dit : ce n’est pas vrai qu’on va dépenser de l’énergie non renouvelable pour faire pousser des fleurs. On est dans le Bas-Saint-Laurent, où c’est un déchet, la biomasse. Les gens ne savent plus quoi en faire. Il y en a même dans les sites d’enfouissement !

Ora-Maggie Beaulieu-Pelletier, de la ferme Pastel

« Ça n’a pas de bon sens, alors on s’est dit : il y a quelque chose à faire là », ajoute celle qui a grandi dans une ferme de grandes cultures de la région.

Dans sa nouvelle serre de 30 mètres sur 10 mètres, le duo a aussi planté 300 « plants tests » : des matricaires, des renoncules, des anémones et de l’eucalyptus. « On est en recherche et développement », souligne-t-elle.

PHOTO FOURNIE PAR LA FERME PASTEL

La serre solaire passive de type Earth Ship

Ils utilisent aussi une serre solaire passive nommée Earth Ship comme pépinière. Il s’agit d’un bâtiment partiellement enfoui dans la terre avec des murs de pneus. « Ils accumulent les énergies solaires passives, et puis il y a de la géothermie qui est impliquée là-dedans parce qu’il y a un remblai de terre du côté nord. Mais sinon, toute la façade sud, est et ouest est vitrée. C’est super performant comme bâtiment. »

Près de 7000  tulipes y ont été plantées en bacs cet hiver, dont 2500 ont été récoltées pour la Saint-Valentin. En tout, la ferme Pastel produira 14 000 tulipes avec une floraison échelonnée de février au début de juin.

La fleur du Québec

Le Canada a importé pour 94,2 millions en fleurs coupées en 2020, indique un rapport réalisé par la firme Marcon pour les Producteurs en serres du Québec. Elles proviennent surtout de la Colombie, de l’Équateur, des États-Unis et des Pays-Bas.

« À peu près 5 % des fleurs vendues au Canada l’hiver provenaient du Canada », déplore Ora-Maggie Beaulieu-Pelletier.

La ferme fondée en 2020 dessert un territoire compris entre Rimouski et Matane. Ce modèle de production hyperlocal permet donc aussi d’éviter les émissions liées au transport.

PHOTO ATELIER CAMION, FOURNIE PAR LA FERME PASTEL

Ora-Maggie Beaulieu-Pelletier et son conjoint ont fondé la ferme Pastel en 2020.

La fleur conventionnelle, qui vient par exemple du Kenya, de l’Afrique du Sud ou de l’Équateur, elle a voyagé en avion pendant 6000 km, au sec, dans un avion réfrigéré, dans des sacs de plastique.

Ora-Maggie Beaulieu-Pelletier, de la ferme Pastel

Une industrie florissante

Au Québec, 36 entreprises agricoles produisent des fleurs coupées. « Il s’agit d’une forte progression par rapport à 19 exploitations en 2019, tout juste avant la pandémie », explique Mélissa Lapointe, relationniste au ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec.

« Depuis mon entrée dans le milieu, je remarque que les producteurs de fleurs coupées sont des gens qui ont à cœur l’environnement et qui veulent s’inscrire dans un système de biodiversité. C’est un sujet qui est souvent dans leurs préoccupations », explique l’agronome Andréa L. Bellavance, conseillère en pépinière à Institut québécois du développement de l’horticulture ornementale.

Cette dernière vient d’ailleurs de donner une conférence sur la production de fleurs en serre froide dans le cadre de la Journée pour les fermes productrices de fleurs coupées. « Dans nos conditions, au Québec, c’est plus facile si on a une structure de serre ou de tunnel. On a moins d’opportunités de marché si on produit juste en plein champ », dit-elle.

« C’est en développement. Il y a eu une progression, une augmentation du nombre d’entreprises assez rapide, mais ça, ça veut dire qu’il y a plein d’espace pour l’innovation et le développement », ajoute-t-elle.

La pandémie a sensibilisé les Québécois à l’autonomie alimentaire et à l’importance de manger local.

« On dirait que la fleur du Québec, c’est comme la dernière affaire qui est sur le radar », déplore toutefois Ora-Maggie Beaulieu-Pelletier.

« Le message, il faut qu’il soit modifié. Ce n’est pas juste les tomates du Québec, c’est aussi les zinnias, les dahlias, les lisianthus du Québec », illustre-t-elle.